Les analyses biochimiques chez les oiseaux (partie 1) - La Semaine Vétérinaire n° 1501 du 22/06/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1501 du 22/06/2012

Formation

FAUNE SAUVAGE

Auteur(s) : HUGUES BEAUFRÈRE*, MÉLANIE AMMERSBACH**

Fonctions :
*résident en médecine aviaire à Baton Rouge (États-Unis).
**résidente en pathologie clinique à Guelph (Canada).

POINTS FORTS

– Faute de normes bien codifiées par espèce d’oiseaux, il est conseillé de constituer une base de référence pour chaque individu au cours des examens de routine.

– Le dosage des protéines plasmatiques passe par la technique du biuret, suivie d’une électrophorèse.

– Les déséquilibres calciques sont fréquents, contrairement à l’hypoglycémie et au diabète sucré.

Les analyses biochimiques chez les oiseaux présentent des différences majeures avec les mammifères dans le choix des paramètres à mesurer, mais surtout dans leur interprétation. Or une interprétation correcte des tests de laboratoire est d’autant plus importante que les signes cliniques présentés par les oiseaux malades sont souvent peu spécifiques, et les informations dérivées de l’examen physique limitées.

INTERPRÉTATION CHEZ LES OISEAUX

Interpréter des anomalies biochimiques n’est possible que si les valeurs normales sont connues. Cela représente une réelle difficulté pour le vétérinaire, susceptible de soigner une centaine d’espèces d’oiseaux différentes. Or les normes rapportées dans la littérature reposent sur des études menées sur un faible nombre d’individus, avec des analyses statistiques qui, pour la plupart, ne sont pas adéquates. Les normes biochimiques publiées pour telle ou telle espèce ne sont en aucun cas absolues et ne peuvent donner qu’une idée approximative des valeurs auxquelles se référer. Bien qu’il soit conseillé pour chaque laboratoire de déterminer ses propres normes, elles ne sont souvent pas fournies pour les oiseaux. En outre, certains paramètres, enzymatiques en particulier, présentent de fortes variations interindividuelles. Pour une meilleure sensibilité diagnostique, il est donc recommandé de se fonder sur des normes établies pour chaque individu, à partir de valeurs obtenues au cours d’examens de santé annuels, plutôt que sur des références de population.

PRÉLÈVEMENT

Le sang est à prélever sur un tube hépariné (sauf cas particuliers) et à centrifuger dès que possible pour éviter les changements artéfactuels. Le plasma hépariné est préféré au sérum. Il est plus facile d’en collecter un grand volume, car il ne coagule pas après la centrifugation. Selon les paramètres biochimiques mesurés, une hémolyse ou une lipémie peuvent interférer avec les techniques de laboratoire et fausser les résultats. Le sang aviaire s’hémolyse plus aisément que celui des mammifères, car les érythrocytes sont 2 fois plus grands. L’EDTA entraîne parfois une hémolyse chez certaines espèces (par exemple l’autruche, la corneille, le hocco). Diluer le plasma pour utiliser une plus faible quantité ne donne pas de résultats satisfaisants, sauf pour les enzymes. Le volume qui peut être prélevé en toute sécurité chez de petits oiseaux est limité (d’une manière générale, il est possible de recueillir 1 % du poids de l’oiseau en volume sanguin, soit 1 ml pour un oiseau de 100 g) et ne suffit pas toujours à obtenir un panel biochimique complet avec des analyseurs classiques (voir encadré).

DOSAGE DES PROTÉINES

Les protéines plasmatiques circulent en concentration plus faible chez les oiseaux (20 à 40 mg/dl) que chez les mammifères. La réfractométrie n’est pas recommandée, car la corrélation est faible entre les solides totaux obtenus au réfractomètre (toujours plus élevés) et la mesure des protéines totales par la réaction du biuret, la méthode classiquement utilisée par les automates. Cela est dû à la glycémie élevée et à la présence de pigments dans le plasma, tels que les caroténoïdes.

La seule technique fiable pour mesurer l’albuminémie chez les oiseaux est l’électrophorèse des protéines, après avoir dosé les protéines totales par la technique du biuret (il n’y pas de réactifs de laboratoire fiables pour mesurer l’albuminémie aviaire et le vert de bromocrésol fournit des valeurs erronées). L’électrophorèse permet aussi d’apprécier les changements des fractions de globulines. L’utilisation d’un standard de protéines aviaires est recommandée pour calibrer l’analyseur.

Une élévation des protéines totales s’interprète comme pour les mammifères, sauf chez les femelles reproductrices dont la protéinémie peut atteindre 8 à 12 g/dl, en raison de la présence de précurseurs protéiques du vitellus.

DOSAGE DES ÉLECTROLYTES

L’osmolarité chez les oiseaux est légèrement supérieure à celle des mammifères (environ 300 à 320 mOsm/kg) et change en réponse à une déshydratation. Les concentrations en sodium, en potassium, en chlore, et plus généralement les désordres électrolytiques et acido-basiques, s’interprètent comme chez les mammifères. Le diabète insipide, bien que rare, est rapporté chez certains perroquets avec un bilan électrolytique similaire à celui des mammifères.

→ La kaliémie change rapidement après le prélèvement, en raison de transports d’ions par les érythrocytes. Une hémolyse augmente considérablement la kaliémie, de même que l’utilisation de l’EDTA comme anticoagulant.

→ Les déséquilibres calciques sont fréquents chez les oiseaux, notamment le syndrome d’hypocalcémie du perroquet gris, les hyperparathyroïdismes secondaires nutritionnels et les dérèglements des troubles reproducteurs chez les femelles. La calcémie totale est élevée chez les reproductrices (mais le calcium ionisé reste dans les normes). Une hypomagné-sémie peut également entraîner une hypocalcémie réfractaire à l’apport de calcium par l’interférence avec le métabolisme de la vitamine D. Le calcium est faussement élevé lorsque le plasma est lipémique ou hémolysé.

Le calcium est présent sous 3 formes dans le sang : le calcium ionisé (forme métaboliquement active), le calcium lié aux protéines, et celui complexé à d’autres anions. Seul un calcium ionisé bas permet de confirmer des troubles neurologiques d’hypocalcémie. Les valeurs normales varient entre 0,9 et 1,3 mmol/l. Le calcium total corrigé (formule tenant compte des protéines totales) n’est pas fiable pour estimer le calcium ionisé. Pour le mesurer, une analyse immédiate est nécessaire (car il varie avec le pH), avec une quantité d’héparine prédéterminée (parce qu’elle complexe le calcium), habituellement dans des seringues spécifiques. Il peut aussi être obtenu sur des analyseurs portatifs comme le iSTAT® 1 (Abbott) en prenant soin de ne pas utiliser d’anticoagulants. Enfin, l’emploi de plasma congelé immédiatement après la collecte est possible, mais n’est pas validé chez les oiseaux.

→ Le phosphore s’interprète de concert avec le calcium. Il ne semble pas y avoir de corrélation établie entre les troubles du phosphore et les maladies rénales des oiseaux.

MÉTABOLISME DES GLUCIDES

La glycémie chez les oiseaux est environ 2 fois celle des mammifères (10 à 20 mmol/l). À l’inverse de ce qui se passe chez ces derniers, les érythrocytes aviaires ont davantage recours au catabolisme des acides gras plutôt qu’à la glycolyse pour leur métabolisme. Par conséquent, la glycémie ne diminue pas de manière significative pendant plusieurs heures après le prélèvement.

→ Les hypoglycémies sont rares chez les oiseaux, et se rencontrent principalement chez les oisillons ou les rapaces de fauconnerie sous-nourris. Le glucagon circule en concentration plus élevée que l’insuline dans le plasma des oiseaux, mais cela ne semble pas avoir d’impact médical, car la majorité des cas de diabète répondent à l’insulinothérapie.

→ Le diabète sucré est rare chez les oiseaux. Ses causes sont variées : déficit en insuline, corticothérapie (en particulier crèmes corticoïdes), pancréatites. L’hémochromatose semble être l’une des principales, mais son mécanisme reste obscur. Le traitement de l’hémochromatose diminue les besoins en insuline dans ces cas.

Comme chez les mammifères, la fructosamine est un marqueur d’une hyperglycémie persistante. L’acide Β-hydroxybutyrique (BHBA) est le principal corps cétonique chez les oiseaux (contrairement aux mammifères chez lesquels l’acide acéto-acétique est prépondérant). Les oiseaux diabétiques affichent fréquemment une concentration en fructosamine supérieure à 300 µmol/l et en BHBA au-delà de 500 µmol/l.

  • 1 Analyseur de médecine humaine. Les autres paramètres biochimiques mesurables chez les oiseaux seront présentés dans un article à paraître dans notre prochain numéro.

  • 2 Analyseur de médecine humaine.

CHOIX D’UN ANALYSEUR

L’analyseur Vetscan® (Abaxis) permet d’effectuer un panel biochimique abrégé qui inclut les acides biliaires avec seulement 0,1 ml de plasma ou de sang total. Il est relativement fiable (excepté pour l’albuminémie) avec, par exemple, des résultats identiques à ceux de l’Hitachi 911® 2 (Roche Diagnostics) pour le dosage des transaminases, de la créatine kinase, du calcium, du glucose, et relativement proches pour les autres paramètres.

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