LMR : l’été meurtrier de 1995 et le bug climatique de l’an 2000

La généralisation des limites maximales de résidus (LMR) à toutes les substances actives a conduit à rétrécir l’arsenal thérapeutique dans les productions animales. Rappelez-vous le chloramphénicol des années 80 et 90, un antibiotique peu onéreux à large spectre et qui présente une bonne diffusion tissulaire. Utilisé en collyre chez l’homme à faibles doses, il est soupçonné d’être à l’origine d’aplasie médullaire. Les résidus de chloramphénicol pourraient-ils aussi être une cause d’aplasie médullaire ? Dans le doute, il est impossible de fixer des LMR. Le chloramphénicol est donc interdit en juin 1994.

Exit également les nitrofuranes, le métronidazole et le dimétridazole en juillet 1995. Depuis l’été meurtrier de 1995, les nitro-imidazolés continuent de manquer à la filière dinde, par exemple.

Des dizaines de molécules disparues…

Puis, le 1^er janvier 2000 devait être à la fois le grand bug informatique et thérapeutique. Tous les vieux ordinateurs devaient s’arrêter de tourner et tous les vieux médicaments sans LMR être retirés du marché, dans la nuit de la Saint-Sylvestre.

Mais les prévisions se révèlent fausses. Le bug est plutôt climatique : une terrible tempête précipite l’Erika sur les côtes bretonnes. Les retraits de médicaments sans LMR ou les restrictions d’indications vont en fait s’étaler jusqu’à aujourd’hui. Beaucoup de substances ont pu être sauvées, comme la xylazine, un temps menacée. Ouvert dans la douleur et la brutalité du principe de précaution, le dossier LMR se referme dans la vaseline et la douceur, avec la suppression hypocrite des indications pour les bovins de la lidocaïne, le principal usage de cet anesthésique local destiné aujourd’hui aux chevaux…

Au final, des dizaines de molécules et des centaines de médicaments anciens, pas tous indispensables, mais pas tous dangereux non plus, disparaissent du marché.

Sur l’autel du principe de précaution ou des usages inacceptables, d’autres molécules sont finalement condamnées, comme les hormones anabolisantes et l’œstradiol, et d’autres le seront encore à l’avenir…

Toutefois, tout n’est pas noir en termes d’arsenal thérapeutique. Il y a quelques grands progrès comme l’essor des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS), de nouveaux antiparasitaires, des traitements pour l’insuffisance cardiaque, de nombreux vaccins, etc.