Un cas de carcinome transitionnel de la vessie chez une chienne - La Semaine Vétérinaire n° 1498 du 01/06/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1498 du 01/06/2012

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : JEAN-CHARLES VANIER

Fonctions : praticien dans la Drôme.

CAS CLINIQUE

Commémoratifs et anamnèse

Une chienne croisée, stérilisée, âgée de 10 ans, est présentée en consultation pour une dysurie et une pollakiurie évoluant depuis 3 mois. Une analyse d’urine et une échographie révèlent une hématurie et un épaississement de la paroi vésicale. Un diagnostic de cystite est établi. Celle-ci est traitée avec de l’enrofloxacine (5 mg/kg/j pendant 10 jours) et de l’alfuzosine1 (0,1 mg/kg/j pendant 8 jours). Aucune amélioration n’est notée, ce qui motive une 2e consultation. La pollakiurie s’est aggravée. Elle est associée à une strangurie et à une incontinence nocturne. Le vétérinaire conclut à une incontinence de stérilisation. Un traitement à base d’estriol (1 mg/j) est prescrit. En l’absence d’amélioration, la chienne est référée.

Examen clinique

L’animal est en bon état général. Sa température rectale s’élève à 38,9 °C. Son état d’hydratation est correct. La palpation abdominale est souple, mais inconfortable en région caudale. La vessie est impalpable, car elle est trop petite. Les hypothèses diagnostiques pour une dysurie associée à une pollakiurie sont une origine vésicale (infection du tractus urinaire, lithiase, tumeur, atonie du détrusor, vessie de type “motoneurone central”, ectopie urétérale), urétrale (tumeur, dyssynergie vésico-sphinctérienne, vessie de type “motoneurone central”), ou une malformation (sténose).

Examens complémentaires

→ Bandelette et densité urinaires (prélèvement par cystocentèse) : densité 1,030, hématurie (4+, 250 globules rouges/µl), discrète protéinurie (1+, 30 mg/dl). Un culot urinaire est réalisé et montre des globules rouges, ainsi que de nombreuses cellules épithéliales de taille variable avec des noyaux de diamètre hétérogène (voir photo 1). Le rapport nucléoplasmique est élevé.

→ Les analyses biochimiques mettent en évidence une augmentation de l’activité des PAL2 (1 555 UI/l) et des Alat3 (140 UI/l), compatible avec une cholestase sévère et une cytolyse hépatique.

→ La numération-formule est normale.

→ L’échographie abdominale révèle un épaississement sévère de la paroi vésicale avec une modification de son écho-structure, sur la paroi ventrale en particulier, avec une minéralisation (cône d’ombre, voir photo 3). Le parenchyme hépatique est hétérogène, avec des plages hypoéchogènes (voir photo 4). Le reste de l’examen est dans les normes. L’échographie est en faveur d’une tumeur vésicale de type carcinome transitionnel, probablement associée à des métastases hépatiques.

→ Cytoponction échoguidée de la paroi vésicale : des cellules basophiles de rapport cytonucléaire élevé et de taille nucléaire variable sont observées. Les noyaux sont vacuolisés et hétérogènes (voir photo 2).

→ Les radiographies thoraciques ne permettent pas de détecter des métastases pulmonaires.

→ Des biopsies de la paroi vésicale sont réalisées par laparotomie. L’ensemble du trigone vésical et de l’urètre est envahi par l’infiltration tumorale (voir photo 5). Une exérèse est impossible. Une biopsie est effectuée. Une analyse histologique révèle une prolifération de l’épithélium transitionnel sous forme de papilles et d’îlots cellulaires isolés qui s’infiltrent dans le chorion. Les cellules montrent des atypies cytonucléaires marquées. Une anisocaryose est notée, avec des noyaux vésiculeux et largement nucléolés (voir photo 6). L’examen histologique est en faveur d’un carcinome transitionnel de la vessie avec un embole vasculaire.

Traitement

Un traitement à base de piroxicam1 (0,3 mg/kg/j per os) est prescrit. Un protecteur gastrique est ajouté afin de pallier les éventuels effets secondaires d’une administration à long terme d’AINS4 (sucralfate1, 1 sachet 3 fois par jour). La prescription d’alfuzosine1 (0,1 mg/kg/j en 3 prises) est maintenue pour faciliter la vidange vésicale. Une discrète amélioration est notée. Toutefois, 2 mois plus tard, une dégradation de l’état général de la chienne justifie son euthanasie.

DISCUSSION

Épidémiologie

Les tumeurs de la vessie sont rares chez le chien (1,5 à 2 % des tumeurs) mais semblent en augmentation. Le type tumoral le plus courant est le carcinome à cellules transitionnelles (50 à 75 % des tumeurs vésicales). Le trigone vésical est le site le plus fréquemment atteint, ce qui conduit souvent à une occlusion partielle, voire totale, de l’urètre. Il est plus fréquent chez la femelle et chez certaines races, telles que le scottish terrier, le beagle, le shetland ou le westy. Des facteurs de risques, comme les insecticides topiques et environnementaux, l’obésité, ou certains médicaments (cyclophosphamide), sont identifiés. La moyenne d’âge au moment du diagnostic est de 11 ans.

Diagnostic

Les signes cliniques ne sont pas spécifiques : hématurie macroscopique (50 %), pollakiurie (37 %), dysurie (84 %), strangurie. Ils apparaissent lentement, contrairement à une cystite. Une amélioration apparente est possible avec un traitement antibiotique prescrit pour une cystite présumée. Les symptômes généraux, tels qu’une léthargie, une perte de poids ou une boiterie (ostéopathie hypertrophique), sont rares.

Le risque métastatique est élevé. Il importe, par conséquent, d’établir un diagnostic précoce (des métastases sont identifiées dans 40 à 50 % des cas, les nœuds lymphatiques locorégionaux sont atteints dans 41 % des cas, les poumons dans 36,4 %).

L’examen urinaire, même s’il n’est pas spécifique, est à réaliser en premier. Une hématurie, une protéinurie et des cellules anormales sont à rechercher. Une bactériurie et une pyurie sont possibles. L’examen du culot urinaire permet d’établir un diagnostic dans 30 % des cas. Cependant, l’aspect des cellules transitionnelles réactives peut ressembler à celui des cellules transitionnelles carcinomateuses. Ensuite, l’examen complémentaire de choix est l’échographie. Celle-ci permet de visualiser les anomalies de la paroi vésicale, d’établir un bilan d’extension locale et d’effectuer un prélèvement cytologique. Le diagnostic définitif repose sur l’analyse histologique d’une biopsie, obtenue par cystotomie (laparotomie), cystoscopie ou par cathétérisme urinaire échoguidé. Même si elle n’est pas recommandée (risque de diffusion métastatique), la technique utilisée dans le cas décrit ci-dessus est la laparotomie pour des raisons de confort opératoire. Pour les mêmes raisons, la cystocentèse est déconseillée par certains auteurs. D’autres techniques, telles que la cystographie ou l’imagerie par résonance magnétique, sont utilisables pour visualiser la vessie. Une radiographie du thorax est nécessaire pour rechercher des métastases pulmonaires.

Pronostic

Il existe 3 grades histologiques : 3 % de ces tumeurs sont de grade 1 (cellules bien différenciées), 81 % de grade 2, comme dans le cas décrit (cellules modérément différenciées) et 16 % de grade 3 (cellules anaplasiques). Le taux de survie varie selon le grade et le bilan d’extension. Globalement, il est de 30?% à 6 mois et de 5 % à 1 an.

Traitement

Le traitement chirurgical (cystectomie partielle) est rarement mis en œuvre en raison de la localisation au trigone vésical, de l’association fréquente d’une atteinte de l’urètre (35 % des cas) et du taux de métastases supérieur à 20 %. Il a surtout un rôle palliatif. La cystectomie partielle est possible si la tumeur ne touche ni le trigone ni l’urètre, et s’il n’y a pas de métastases. La médiane de survie avoisine alors 290 jours. Si l’urètre est infiltré, la médiane n’est plus que de 90 jours. D’autres techniques, telles que la cystectomie totale associée à une urétéro-colostomie, sont décrites. Les complications sont cependant fréquentes. Parfois, lors d’obstruction urinaire, une sonde de cystostomie est posée le temps de mettre en place un traitement médical. Une intervention chirurgicale de réduction tumorale peut être envisagée, en association avec un traitement médical (AINS ou chimiothérapie), ce qui permet d’atteindre une médiane de survie de 272 jours. La médiane de survie de l’abord thérapeutique de cet article (biopsie chirurgicale et traitement médical avec des AINS) est de 195 jours. La radiothérapie (peropératoire, externe seule ou postopératoire) est indiquée. Des effets secondaires sont toutefois décrits.

Le carcinome à cellules transitionnelles est considéré comme répondant mal à la chimiothérapie. Le cisplatine est peu efficace (survie de 130 jours), néphrotoxique, et de moins en moins utilisé. Un protocole plus récent, qui associe de la doxorubicine et du cyclophosphamide, donne de meilleurs résultats (259 jours).

L’utilisation du piroxicam est efficace (médiane de survie de 180 jours). Son mécanisme d’action n’est pas élucidé. Des toxicités gastro-intestinales et rénales sont décrites.

  • 1 Pharmacopée humaine.

  • 2 Phosphatases alcalines.

  • 3 Alanine amino-transférase.

  • 4 Anti-inflammatoires non stéroïdiens.

Références bibliographiques

  • → Mutsaers A.J. ; Widmer W.R. ; Canine transitional cell carcinoma ; J Vet intern Med 2003 ; 17 :136-144.
  • → Guillaumin J. ; Carcinome vésical et urétral chez une chienne ; Cancérologie des carnivores domestiques ; Le Point vétérinaire ; n° 232 ; Janvier-février 2003.
  • → Henry J.C. ; Management of transitional cell carcinoma ; Vet Clin Small Anim; 33 (2003); 597-613.
  • → Baldy J. ; Urologie : tumeur de la vessie ; L’Action vétérinaire ; n° 1600 ; 10 et 17 mai 2002.
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