La gestion des jumeaux chez la jument - La Semaine Vétérinaire n° 1494 du 04/05/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1494 du 04/05/2012

Formation

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : ERIN GILLAM

POINTS FORTS

– La gestation double est reproductible chez la même jument.

– La prévalence de jumeaux varie selon les races (14 % chez le pur-sang, 3,5 % chez le standardbred).

– Plus un étalon est fertile, plus il risque de produire des jumeaux.

Les jumeaux sont une cause de résorption fœtale, d’avortement et de dystocie et les poulains qui survivent nécessitent souvent des soins intensifs sophistiqués et coûteux. Les jumeaux équins sont quasi exclusivement dizygotes, résultant d’ovulations multiples, synchrones ou asynchrones. Depuis l’utilisation des techniques de reproduction assistées (transfert d’embryons et d’ovocytes, injections intracytoplasmiques de sperme, biopsies embryonnaires), l’incidence de jumeaux monozygotes a augmenté.

La cause la plus fréquente du non-diagnostic de gémellité est la réalisation de l’examen avant la période où la 2e gestation peut être détectée (ovulation asynchrone). La présence de 2 corps jaunes et d’une seule vésicule est un indice qui doit conduire au réexamen de la jument dans les jours suivants. D’autres causes incluent un examen effectué dans de mauvaises conditions, des schémas de croissance variables, une difficulté à distinguer 2 battements cardiaques adjacents et le manque d’expérience du praticien.

Il existe plusieurs techniques pour réduire une gestation gémellaire, le but étant toujours d’éliminer 1 fœtus et de préserver le 2e. Le choix de la technique dépend essentiellement du stade de gestation et du site de fixation des embryons l’un par rapport à l’autre.

ÉVOLUTION NATURELLE DE LA GESTATION GÉMELLAIRE

La jument est efficace dans la réduction d’une gestation gémellaire à une gestation simple. L’absorption compétitive des nutriments est directement reliée à la taille et à la position (unilatérale versus bilatérale) des embryons tôt au cours de la gestation (voir tableau 1), ainsi qu’à leur type de placentation plus tard lors du développement.

Chez la jument, la probabilité de perdre 1 ou 2 vésicules avant la date de fixation (J16) est minime et se rapproche de celle de la mort embryonnaire précoce (4 à 7 %). Le taux de résorption embryonnaire entre J17 et J40 est beaucoup plus important, particulièrement lors de gestation unilatérale. Ainsi, une différence de diamètre entre les 2 vésicules (ovulations asynchrones) augmente la probabilité de fixation unilatérale et l’incidence de réduction d’une vésicule, précipite le jour de réduction et raccourcit l’intervalle entre l’initiation et la fin de la réduction.

Le taux de réduction naturelle des gestations bilatérales est négligeable entre J17 et J40. Une étude menée chez des poneys montre des pertes fœtales considérables durant les 2e et 3e mois de gestation (66 %) et encore durant le 7e mois (27 %). Ces résultats surestiment probablement les taux de réduction prévisibles chez les races plus grandes. À des stades de développement plus avancés, la survie des fœtus dépend principalement du type de placentation.

QUAND ET COMMENT INTERVENIR SUR UNE GESTATION GÉMELLAIRE

La gestion de jumeaux reste une situation délicate. L’objectif est d’éliminer un embryon tout en sauvegardant le 2e, de préférence celui qui a les meilleures chances de survie.

Moins de 16 jours postovulation

Les 16 premiers jours de gestation (phase de mobilité embryonnaire) restent le moment ultime pour réaliser cet objectif. Sous contrôle échoguidé, les vésicules embryonnaires sont séparées et la plus petite est manipulée vers l’extrémité d’une corne utérine où elle est écrasée manuellement. L’écrasement peut s’effectuer à seulement 0,5 cm de l’autre vésicule, mais idéalement, une distance d’au moins 2 cm est préférable. Dans le cas d’une vésicule mesurant moins de 1 cm, il peut être indiqué de réexaminer la jument 24 à 48 heures plus tard pour confirmer l’élimination. Les études montrent un taux de réussite (réduction de la gestation gémellaire et maintien d’une gestation simple) qui varie entre 90 à 100 %. L’administration concomitante de progestérone ou d’antiprostaglandines n’a aucune influence sur les taux de succès.

Entre 17 et 30 jours de gestation

Les gestations bilatérales peuvent être réduites par un écrasement manuel durant le 1er mois avec un bon taux de maintien d’une gestation simple. Les gestations unilatérales sont beaucoup plus délicates. En général, l’ablation d’une vésicule peut être tentée jusqu’au 20e jour postovulation, à condition qu’il soit possible de séparer délicatement les 2 vésicules. Entre 20 et 30 jours, en revanche, les chances de maintenir une gestation simple après l’écrasement d’une des vésicules fixées unilatéralement sont, au mieux, de 50 %. Il est donc préférable de laisser la nature gérer la situation, quitte à intervenir ultérieurement.

Entre 30 et 35 jours de gestation

À partir de 30 jours de gestation, la quantité de liquide relâchée par l’ablation complète d’une vésicule est suffisante pour entourer l’autre et séparer le placenta de l’utérus. Un pincement sans rupture complète de la vésicule bilatérale peut être réalisé pour endommager les membranes et entraîner une mort embryonnaire progressive, sans mettre en péril le 2e embryon. En général, les gestations unilatérales ne sont pas manipulées à ce stade, le risque de détruire les 2 embryons étant trop élevé. Pendant les 35 premiers jours de gestation, l’administration de prostaglandine constitue, par ailleurs, un moyen efficace pour avorter les 2 embryons.

Entre 36 et 60 jours de gestation

À partir du 36e jour, la formation de coupes endométriales et la sécrétion de gonadotropine peuvent empêcher les juments d’avoir un cycle normal après une mort embryonnaire précoce. Le maintien d’une gestation simple à partir de ce stade est donc important. Un pincement embryonnaire sans rupture de la vésicule est encore utile pour éliminer une gestation bilatérale de moins de 45 jours, mais la procédure n’est efficace que dans la moitié des cas de fixation unilatérale. Il est souvent nécessaire de répéter l’intervention tous les 2 jours pour 5 à 10 sessions. D’autres techniques sont aussi décrites pour cette période de gestation, dont l’excision d’un fœtus par vidéo-endoscopie, l’injection intrafœtale de solution physiologique par laparotomie ou par voie transvaginale et l’aspiration transvaginale des fluides fœtaux sous contrôle échoguidé. Ces procédures sont peu pratiques et les approches transvaginales bénéficient d’un taux de succès de 20 % au mieux.

Entre 60 et 100 jours de gestation

À partir de ce stade, l’élimination fœtale est parfois réalisée par des oscillations ou des percussions digitées du crâne. Les manipulations sont souvent à répéter et le taux de réussite reste de 50 % seulement.

Plus de 100 jours de gestation

Après 100 jours, les probabilités de réduction naturelle sont minimes et les risques d’avortement ou de mort-nés importants.

En 1988, Rantanen a décrit une technique d’identification, par échographie transabdominale, du cœur fœtal. L’injection intracardiaque d’une substance létale permet alors l’euthanasie d’un fœtus entre 115 et 150 jours de gestation. 2 produits sont utilisés : le chlorure de potassium ou la pénicilline procaïne. La pénicilline présente l’avantage d’un meilleur taux de survie de l’autre fœtus, ainsi qu’une bonne efficacité en injection intracardiaque, pulmonaire ou abdominale. La jument est tranquillisée et le fœtus à éliminer est sélectionné (le plus petit ou celui avec le moins de potentiel pour une expansion placentaire). Une aiguille 16 G de 15 à 25 cm est utilisée pour ponctionner le cœur, sous contrôle échoguidé. Un volume de 10 à 20 ml de pénicilline est injecté et la mort fœtale est surveillée pendant les 5 à 10 minutes qui suivent. Selon la procédure, la jument reçoit un traitement à base d’antibiotiques et d’anti-inflammatoires non stéroïdiens durant au moins 3 jours. Il est démontré qu’une antibiothérapie prolongée ou un traitement au Regumate® n’améliore pas le taux de survie du 2e fœtus.

En 2005, Wolfsdorf a décrit une technique de luxation cranio-cervicale pour éliminer un fœtus entre 60 et 120 jours de gestation. Une dose de probantheline est administrée à la jument pour relaxer l’utérus puis, par voie transrectale ou via une petite laparotomie par le flanc sur cheval debout, le fœtus est saisi entre le pouce et l’index et serré à la jonction cranio-cervicale. Une sensation de “pop” confirme la séparation. La mort fœtale a lieu entre 1 et 8 semaines plus tard. La procédure est technique, mais avec un peu de pratique, le taux de réussite avec maintien d’une gestation simple atteint 64 %.

Le choix ultime de la technique de réduction d’une gestation gémellaire monozygote ou dizygote dépend du stade de gestation, de la position des embryons, de l’expérience du clinicien et de ses propres taux de succès, du pronostic de survie de l’autre fœtus, des implications économiques et de la compréhension du client, mais aussi de l’importance de la procédure pour le futur reproducteur de la jument.

  • Sources • Sper RB et coll. (2012) : Successful reduction of a monozygotic equine twin pregnancy via transabdominal ultrasound-guided cardiac puncture. Equine Vet Educ. 24, 55-59. • Wolfsdorf K (2012) : Clinical commentary : management of twins in the mare. Equine Vet. Educ. 24, 60-61. • McKinnon, AO (2009) : Twin reduction techniques, in Proceedings of the AAEP annual resort symposium, 187-210.

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