Traitement du glaucome chez le chien - La Semaine Vétérinaire n° 1492 du 20/04/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1492 du 20/04/2012

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : GUILLAUME PAYEN*, MILEVA BERTAL**

Fonctions :
*praticien hospitalier en ophtalmologie à l’école d’Alfort, consultant au CHV Frégis à Arcueil (Val-de-Marne). Article tiré d’une conférence présentée aux journées de l’Afov, en novembre 2011.

Points forts

– Il s’agit d’une urgence, la cécité pouvant survenir en 1 à 3 jours.

– Le traitement médical d’urgence est systémique et éventuellement topique. De nombreuses molécules peuvent être employées.

– La chirurgie est souvent nécessaire pour contrôler la PIO à long terme.

– L’œil sain doit bénéficier de traitements préventifs en cas de glaucome primaire.

Chez les carnivores domestiques, le glaucome est une affection oculaire caractérisée par l’accumulation d’humeur aqueuse dans le globe oculaire, avec pour conséquence l’augmentation de la pression intra-oculaire (PIO) et une perte de la vision. Les glaucomes primaires (dus à des anomalies de développement, à une prédisposition génétique ou familiale) sont distingués des glaucomes secondaires à un traumatisme, une inflammation, une tumeur, etc.

Quelle que soit la cause du glaucome, une prise en charge thérapeutique urgente est requise pour maintenir ou restaurer la fonction visuelle. Plus la PIO est élevée et le reste longtemps, moins il y a de chances de restaurer ou de maintenir la vision. Une élévation brutale et importante de la PIO peut ainsi provoquer une cécité irréversible en 24 à 72 heures.

Dans les cas où cela est possible, il est préférable de traiter la cause du glaucome en première intention. Sinon, il convient de gérer le problème indirectement, en diminuant la production d’humeur aqueuse. Il est fréquent qu’une combinaison de traitements médicaux, associés à une prise en charge chirurgicale, soit nécessaire. Le choix des molécules et des protocoles dépend de la cause et du stade du glaucome.

À DIRE AU PROPRIÉTAIRE

En matière de glaucome, l’expérience des propriétaires est soit inexistante, soit relative à la forme observée chez l’homme pour laquelle les élévations de PIO sont généralement modérées, et la vision préservée toute la vie avec un traitement médical seul. Il est donc important de préciser que, chez le chien, en cas de glaucome primaire, l’affection n’est pas curable. Dans le meilleur des cas, la fonction visuelle pourra être préservée et la PIO maintenue dans des valeurs acceptables pour une durée variable. Dans la mesure où les glaucomes primaires canins ont tendance, à long terme, à devenir une affection bilatérale, il importe aussi d’informer le propriétaire des signes cliniques d’appel du glaucome.

CONDUITE À TENIR

Sur l’œil sain

Une fois le diagnostic de glaucome primaire établi pour un œil, l’autre reçoit un traitement hypotenseur de manière prophylactique et subit des contrôles réguliers de PIO (sous la forme de courbes sur 12 heures notamment).

Sur l’œil atteint

La première étape est de déterminer si l’affection est aiguë et si la vision peut être restaurée, ou si le problème est chronique et la fonction visuelle abolie de manière irréversible. Dans ce dernier cas, le praticien s’emploie à explorer la cause du glaucome (tumeur intra-oculaire, luxation du cristallin, glaucome primaire à angle étroit ou fermé, etc.) et décide de la technique chirurgicale adaptée au cas. Il évalue conjointement le risque de glaucome sur l’œil sain (qui reste sain en cas de glaucome primaire canin, ou lors de luxation primaire du cristallin notamment). Si, au contraire, la vision sur l’œil sain peut être restaurée et que l’élévation de la PIO est récente, un traitement “agressif” doit être instauré le plus rapidement possible, conjointement à l’évaluation de la cause du glaucome. En effet, des lésions irréversibles des cellules ganglionnaires de la neurorétine et du nerf optique se développent dans les heures qui suivent l’installation d’une hypertension oculaire aiguë. Même en cas d’impossibilité de confirmer l’hypertension oculaire par tonométrie, et dès lors qu’un doute persiste quant au potentiel visuel de l’œil atteint, une thérapie agressive est à instituer pour réduire la PIO. Les objectifs du traitement d’urgence sont de préserver ou de rétablir la fonction visuelle en normalisant la PIO, ainsi que de soulager la douleur.

TRAITEMENT MÉDICAL

La baisse de la PIO peut être obtenue en diminuant le volume intra-oculaire et la production d’humeur aqueuse (inhibiteurs de l’anhydrase carbonique et β-bloquants) ou en augmentant le drainage de l’humeur aqueuse (parasympa-thomimétiques et analogues de prostaglandine). Les collyres myotiques présentent des contre-indications à leur utilisation en urgence.

Systémique

Les 2 principaux composés employés par voie systémique pour le traitement en urgence du glaucome sont les agents osmotiques, tels que le mannitol, et les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique, comme l’acétazolamide. Ils ont tous les 2 une action courte (durée d’environ 6 heures), mais leur administration peut être répétée. Le mannitol est contre-indiqué en cas d’affection cardiaque ou rénale, ou lorsque la barrière hémato-oculaire est endommagée (uvéite hypertensive ou hyphéma).

Topique

Il existe une grande variété de traitements topiques susceptibles d’être associés aux traitements systémiques.

→ Les β-bloquants (comme le maléate de timolol) ont un effet additif par rapport aux traitements hyperosmotiques et aux inhibiteurs de l’anhydrase carbonique par voie systémique. Ils sont contre-indiqués en cas d’affection cardiaque ou respiratoire sévère (l’effet hypotenseur reste néanmoins limité).

→ Les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique par voie topique ont une action moindre que celle obtenue par voie systémique. Cependant, ils n’induisent pas d’effet indésirable et ne présentent pas de contre-indications.

→ Les analogues des prostaglandines peuvent provoquer une diminution spectaculaire de la PIO en cas de glaucome aigu, seuls ou en association avec le mannitol et les inhibiteurs de l’anhydrase carbonique. Ils induisent un myosis serré sur l’œil traité. Ils sont contre-indiqués en cas de glaucomes secondaires à une uvéite sévère ou à une luxation antérieure du cristallin.

→ Les agents cholinergiques (myotiques, comme la pilocarpine) sont utiles uniquement en cas de glaucome primaire à angle ouvert (exceptionnel chez le chien) et, dans certains cas seulement, de glaucomes primaires à angle fermé. Ils sont contre-indiqués lors de glaucome secondaire à une uvéite, car ils majorent l’inflammation endo-oculaire, et en cas de luxation antérieure du cristallin. Leur utilisation reste donc minoritaire en médecine vétérinaire.

TRAITEMENT CHIRURGICAL

Bien que la réponse thérapeutique initiale à un traitement médical puisse être spectaculaire, le traitement chirurgical est souvent nécessaire pour contrôler la PIO à long terme.

Sélection des animaux

Les meilleurs candidats pour de telles opérations sont les animaux dont l’œil atteint est encore fonctionnel et présenté à un stade précoce de glaucome, sans signe d’uvéite, de luxation antérieure ou de subluxation du cristallin, et dont la papille optique apparaît normale. Les yeux encore valides, mais dont la PIO augmente malgré le traitement médical, sont également de bons candidats.

Principes

Les traitements chirurgicaux peuvent soit augmenter le flux sortant d’humeur aqueuse (comme les implants gonioscopiques ou les techniques de fistulisation), soit faire décroître la production d’humeur aqueuse par la destruction d’une partie des corps ciliaires (cyclophotocoagulation, cyclocryodestruction). Une combinaison de ces 2 types de procédures est parfois plus efficace pour contrôler la PIO à moyen et long termes.

Les techniques les plus utilisées à l’heure actuelle (car les plus efficaces) sont d’une part la cyclophotocoagulation, d’autre part la pose d’implants gonioscopiques. Les taux de succès de ces procédures sont plus élevés lorsqu’elles sont réalisées précocement. Les yeux atteints de glaucome à un stade avancé et sans espoir de restauration de la fonction visuelle requièrent d’autres stratégies chirurgicales, comme l’énucléation, l’éviscération associée à une prothèse intrasclérale et, parfois, une technique de cyclodestruction.

Techniques

→ Les shunts de la chambre antérieure (gonio-implants)

Un tube, inséré dans la chambre antérieure et relié à une capsule posée sur la sclère sous la conjonctive, permet d’évacuer le “trop-plein” d’humeur aqueuse. Ces tubes sont divisés entre ceux qui disposent d’une valve unidirectionnelle, permettant la sortie d’humeur aqueuse à partir d’une PIO de 10 à 12 mmHg, et les implants bidirectionnels dépourvus de valve. Dans ce cas, le flux sortant d’humeur aqueuse n’est pas dépendant de la PIO, et la PIO en période postopératoire immédiate est plus basse (environ 5 mmHg).

→ La cyclophotocoagulation

La méthode la plus utilisée à l’heure actuelle correspond à l’irradiation transsclérale des corps ciliaires avec un laser diode. La longueur d’onde générée est préférentiellement absorbée par les tissus richement pigmentés comme les corps ciliaires, en regard desquels l’irradiation a lieu. L’onde diffuse alors son énergie dans le tissu qui l’absorbe, à l’origine d’une coagulation de ce dernier. Par rapport à la cryodestruction (oxyde nitreux), le laser présente l’avantage d’être mieux contrôlable et de générer des effets secondaires moindres. Les effets indésirables recensés sont rares. Ils incluent des ulcérations cornéennes, la formation de cataracte, des hémorragies intra-oculaires, des décollements de rétine, ainsi que des phtyses bulbaires.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr