Revue de cas de paraphimosis chez des lézards

PRÉSENTATION DES CAS

3 lézards sont successivement présentés en consultation, sur une période de 2 semaines et par 3 propriétaires différents, pour la présence d’une masse tissulaire au niveau du cloaque. Il s’agit d’un gecko léopard (Eublepharis macularius, ^{voir photo 1}) et de 2 geckos à crête de Nouvelle-Calédonie (Rhacodactylus ciliatus, ^{voir photos 2} et ³). Ces 2 derniers sont en période de reproduction et la masse est apparue après l’accouplement. L’examen clinique révèle qu’il s’agit d’hémipénis, engorgés et extériorisés de manière anormale et permanente. Aucune autre anomalie n’est présente. Le diagnostic est un paraphimosis, ou prolapsus hémipénien, unilatéral dans un cas, bilatéral pour les 2 autres. Une amputation est envisagée.

TRAITEMENT

Anesthésie

L’induction anesthésique est assurée par l’inhalation d’un mélange d’oxygène et d’isoflurane à 4 %, en plaçant directement l’animal dans un masque de grand diamètre (^{voir photos 4} et ⁵). L’entretien est ensuite garanti par l’inhalation du même mélange à une concentration de 3 %. Le reptile est placé en décubitus dorsal. Les hémipénis prolabés sont nettoyés à l’aide de chlorhexidine diluée.

Chirurgie

L’hémipénis est mis en extension par une traction délicate à l’aide d’une petite pince. Une suture transfixiante est effectuée à sa base avec un fil tressé résorbable de petit diamètre (Vicryl 4-0®). Cette suture est mise en place le plus proximalement possible, afin de se placer en zone saine et de ne pas créer un gros moignon gênant par la suite (^{voir photo 6}). L’hémipénis est ensuite sectionné à l’aide d’une petite lame de bistouri (^{voir photo 7}). Enfin, la marge supérieure de l’orifice cloacal est soulevée, ce qui permet la réintégration du moignon suturé (^{voir photo 8}).

Mesures postopératoires

L’animal est rendu à ses propriétaires le jour même, avec pour consigne de le maintenir dans un terrarium sans substrat pendant 8 jours. Un traitement antibiotique (enroflo-xacine, 10 mg/kg/j, per os) et antalgique (méloxicam, 0,2 mg/kg/j, per os) est prescrit pendant la même durée.

DISCUSSION

Les lézards et les serpents possèdent 2 hémipénis anatomiquement distincts, invaginés au repos en face ventrale de la base de la queue. Ces hémipénis sont extériorisés lors de l’accouplement, un seul étant introduit à la fois dans le cloaque de la femelle. Ils sont parfois dévaginés transitoirement par la contraction du cloaque lors de la défécation.

Le paraphimosis est le plus souvent consécutif à l’activité reproductrice : hyperexcitation sexuelle, période de reproduction pratiquée trop longtemps en captivité, obstruction des poches hémipéniennes par des bouchons de sperme solidifié, traumatisme pendant l’accouplement (morsure d’un congénère, traction excessive lors de séparation brutale des partenaires), etc. D’autres causes existent : infection ou abcès des poches hémipéniennes, hypocalcémie (entraînant une diminution généralisée du tonus musculaire), trouble neurologique des muscles rétracteurs des hémipénis ou du sphincter cloacal, et parfois ténesme digestif (lors d’entérite, de constipation ou d’occlusion) ou vésical (lors d’urolithiase).

Le paraphimosis est une urgence relative. Il peut être supporté pendant plusieurs jours à plusieurs semaines. Toutefois, une prise en charge précoce est impérative afin d’éviter les complications. Il convient de conseiller au propriétaire de consulter rapidement et de protéger l’hémipénis prolabé à l’aide d’un linge propre ou de compresses humidifiées maintenues par un pansement. Lors de prolapsus chronique, le motif de la consultation est parfois la présence de selles collées au cloaque (^{voir photo 9}).

Lors de prolapsus aigu et sans lésion importante, une réduction manuelle est possible. L’hémipénis est nettoyé au sérum physiologique, lubrifié à l’aide d’un gel à base d’eau (gel échographique, par exemple) et réintroduit par taxis manuel ou à l’aide d’un coton-tige humidifié. Une cloacoraphie transverse temporaire peut être réalisée pour éviter les récidives.

Lors de prolapsus chronique, de lésion importante, ou lorsque l’animal présente une valeur affective plutôt que reproductrice, une amputation est pratiquée sous anesthésie générale, après la ligature de la base de l’hémipénis par une suture transfixiante. La miction n’est pas compromise, car les voies sexuelles et urinaires sont indépendantes chez les reptiles. La reproduction n’est pas compromise lors d’atteinte unilatérale.