Le pou rouge en élevages de pondeuses : un nuisible difficile à contrôler - La Semaine Vétérinaire n° 1490 du 06/04/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1490 du 06/04/2012

Formation

PRODUCTIONS ANIMALES/VOLAILLES

Auteur(s) : KARIM ADJOU*, KHALED KABOUDI**

Le pou rouge (Dermanyssus gallinae) est responsable de pertes économiques dans les élevages (tous modes confondus) de poules pondeuses. Les infestations sont particulièrement difficiles à gérer pour les éleveurs.

L’AGENT PATHOGÈNE

Le pou rouge rencontré dans les élevages de pondeuses est un acarien de la famille des Dermanyssidés et du genre Dermanyssus, qui regroupe 25 espèces. Une seule d’entre elles, Dermanyssus gallinae, est présente dans la plupart des pays européens (dont la France) et africains (tels que la Tunisie).

Ce parasite, à activité nocturne, se nourrit obligatoirement du sang de son hôte pour se reproduire. Pendant la journée, D. gallinae quitte les poules pour se réfugier dans des endroits sombres (sous les cages ou les plaques à déjection).

Dans les conditions optimales, le cycle du pou s’accomplit en 1 à 2 semaines. Cette durée varie selon la température et l’hygrométrie : plus la température est basse, plus le cycle est long. À 25 °C, un œuf met environ 7 jours à se développer jusqu’au stade adulte. À 15 °C, cette durée s’allonge et atteint 28 jours.

PARTICULARITÉS BIOLOGIQUES

La difficulté que représente le contrôle du pou rouge s’explique essentiellement par ses particularités biologiques.

En effet, ce parasite semble fuir la lumière et cherche des interstices étroits. Cela l’incite à s’insinuer dans les espaces les plus réduits et le rend inaccessible aux pulvérisations de produits acaricides.

Le pou rouge est capable de résister jusqu’à 9 mois sans repas, ce qui limite l’efficacité de la période du vide sanitaire. De même, ce parasite supporte des températures variables. Des températures très basses ne détruisent en aucun cas les populations de pou rouge, elles ne font que ralentir leur développement. Certains poux rouges sont susceptibles de se réveiller et de s’activer après une congélation de 1 semaine à - 20 °C. En revanche, ce parasite supporte moins bien les hautes températures.

IMPACT SANITAIRE

Les infestations par les poux rouges chez les pondeuses engendrent souvent une anémie, des piqûres à l’origine de la nervosité remarquée chez les animaux, donc un stress susceptible de déclencher un picage.

Il est actuellement établi que le pou rouge constitue un vecteur et un réservoir de nombreux agents pathogènes (salmonelles, etc.), assurant de ce fait la contamination des animaux et la pérennité d’éventuelles infections d’une bande à l’autre. Ce risque est amplifié par le niveau élevé d’infestation en fin de la période d’élevage, ce qui favorise une plus grande résistance des poux au nettoyage et à la désinfection.

Le pou rouge peut aussi provoquer des irritations et des allergies chez l’éleveur et d’autres mammifères.

Enfin, Kaoud et El-Dahshan (2010) ont démontré dans leurs essais que l’infestation par le pou rouge altère les réponses vaccinales contre la maladie de Newcastle, la bronchite infectieuse, l’influenza aviaire, l’encéphalomyélite infectieuse aviaire, la maladie de Gumboro et l’anémie infectieuse chez des reproducteurs “chair”. Ces scientifiques supposent aussi que l’infestation par cet acarien peut intervenir sur le transfert de l’immunité passive.

Les produits utilisés pour détruire les poux rouges représentent, en outre, un risque toxicologique. Ils engendrent également des problèmes de résidus dans les œufs et l’organisme des poules.

IMPACT ÉCONOMIQUE

L’infestation par le pou rouge se traduit par une chute de la production en raison de la gêne que suscite ce parasite chez les poules. Ces dernières deviennent nerveuses et affaiblies. La diminution de la ponte peut atteindre 15 à 25 %, et les œufs apparaissent plus petits et, parfois, décolorés. Ces œufs, en roulant sur les poux, écrasent ceux-ci et se tâchent, d’où leur déclassement, avec un taux susceptible d’avoisiner 20 % lors d’infestation massive.

Les pertes économiques s’expliquent également par la mor­talité des poules à la suite de l’épuisement, de la baisse de leurs défenses immunitaires et, par conséquent, de leur plus grande susceptibilité aux maladies. Enfin, les coûts des traitements alourdissent les per­tes économiques, d’autant plus qu’il convient de multiplier les doses des produits classiques vis-à-vis desquels le pou rouge devient de plus en plus résistant. En France, le coût moyen du traitement estimé pour un lot de 100 animaux s’élève à 3,83 € dans les élevages alternatifs et biologiques, et à 4,33 € dans les standards (Lubac et coll., 2003).

LES MOYENS DE LUTTE

En France, seul un médicament à base de phoxim (organophosphoré) est indiqué en cours de bande sur les animaux. Prescrit par un vétérinaire, il peut être appliqué en pulvérisation (avec le retrait des œufs avant l’application). Ces traitements ont une action sur les individus mobiles (larves, nymphes, adultes). La destruction des œufs de poux est plus délicate.

Après le départ des poules, le recours à un dépoussiérage, un lavage avec de l’eau à forte pression et l’application d’un détergeant à fort pouvoir tensio-actif favorise le détachement des poux incrustés dans les interstices.

À cette première action, il y a lieu d’associer un traitement biocide acaricide qui vise la destruction des parasites adul­tes, des larves et des nymphes. Toutefois, la destruction des œufs reste assez délicate. Il est important de changer d’acaricide entre 2 bandes successives afin d’éviter l’apparition des résistances chez les poux. L’utilisation de différents acaricides montre des résultats variables selon les auteurs et les régions. Marangi et coll. (2009), à titre d’exemple, ont testé l’efficacité de 3 biocides commerciaux utilisés à 5 concentrations différentes sur des poux rouges isolés à partir des bâtiments de pondeuses en Italie. Les résultats obtenus montrent une résistance assez importante du parasite vis-à-vis du carbaryl et de la perméthrine, alors que l’amitraze se révèle efficace dans 100 % des cas, quelle que soit la concentra­tion utilisée (voir graphique).

À côté des produits classiques, le recours aux substances naturelles, telles que les huiles essentielles de plantes médicinales et aromatiques, semble limiter les populations de poux rouges dans les bâtiments d’élevage. Ces extraits végétaux présentent l’avantage d’être exempts d’effets toxiques, d’où une utilisation possible même en présence des animaux (Kim et coll., 2004).

L’emploi de ces produits doit être répété (2 à 3 fois) de manière appropriée et à un intervalle de 1 semaine. En effet, cela permet de tuer les parasites mobiles lors de la 1re application, puis ceux qui auront éclos entre-temps avec une 2e, puis une 3e application.

Le recours à d’autres solutions, telles que l’alternance de périodes claires et d’autres obscure fractionnant le programme lumineux, permet de limiter la prolifération des populations parasitaires dans le bâtiment. Cependant, de telles pratiques ne semblent pas respecter certaines directives relatives au bien-être animal, notamment en Europe.

Enfin, la mise au point d’un système de contrôle des points critiques, de type HACCP, dans les élevages de pondeuses offre une meilleure maîtrise des risques d’introduction et de transmission des poux rouges. Ce système vise le contrôle de l’aliment, de la litière, des ventilateurs, des cages, des mangeoires, etc.

PRÉVENTION

Dans la lutte contre le pou rouge, il est essentiel d’assurer une surveillance régulière des poules afin de prévenir une infestation massive. Ce suivi de la population parasitaire peut s’effectuer régulièrement selon différents procédés :

→ l’observation des points stratégiques connus pour héberger des agrégats d’acariens : l’espace entre le perchoir et le portoir, entre le tapis à œufs et la pièce de support du tapis, sous les fientes sèches, etc. ;

→ le repérage des excréments du pou, qui constituent un signal d’alarme de la présence récente, mais aussi ancienne, des parasites. Ils permettent de localiser les zones où se regroupent les poux, y compris en dehors des pics d’infestation ;

→ le piégeage moyennant des papiers pliés et placés en plusieurs endroits de l’élevage, qui seront inspectés régulièrement.

PERSPECTIVES D’AVENIR

Les recherches s’orientent, depuis quelques années, vers le développement d’autres moyens de lutte contre le pou rouge en élevages avicoles, afin de surmonter les inconvénients et les limites d’application des produits acaricides. Il s’agit d’utiliser des acariens prédateurs de Dermanyssus gallinae, en particulier Androlaelaps casalis et Hypoaspis sp, qui n’ont aucun impact sur les poules.

De même, le développement des vaccins recombinants semble intéressant. Les différents vaccins essayés se révèlent capables de stimuler la synthèse d’anticorps qui induisent la mort du pou rouge (Harrington et coll., 2009).

Pour en savoir plus

→ Harrington D., Canales M., Fuente J., de Luna C., Robinson K., Guya J. et Sparagano O., 2009. Immunisation with recombinant proteins subolesin and Bm86 for the control of Dermanyssus gallinae in poultry. Vaccine, 27 : 4056-4063.

→ Kaoud H.A. et El-Dahshan A.R., 2010. Effect of red mite (Dermanyssus gallinae) infestation on the performance and immune profile in vaccinated broiler breeder flocks. J. Am. Sci., 6 : 72-79.

→ Kim S.L., Yi J.H, Tak J.H. et Ahn Y.J., 2004. Acaricidal activity of plant essential oils against Dermanyssus gallinae (Acari : Dermanyssidae). Vet. Parasitol., 120 : 297-304.

→ Lubac S., Dernburg A., Bon G., Chauve C. et Zenner L., 2003. Problématique et pratiques d’élevages en poules pondeuses dans le sud est de la France contre les nuisibles : poux rouges et mouches. 5es Journées de la recherche avicole, Tour (France), 26 et 27 mars.

→ Marangi M., Cafiero M.A., Capelli G., Camarda A., Sparagano O.A.E. et Giangaspero A., 2009. Evaluation of the poultry red mite, Dermanyssus gallinae (Acari : Dermanyssidae) susceptibility to some acaricides in field populations from Italy. Exp. Appl. Acarol., 48 : 11-18.

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