Fièvre aiguë : quand effectuer des examens complémentaires et quand traiter ? - La Semaine Vétérinaire n° 1487 du 16/03/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1487 du 16/03/2012

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : CINDY CHERVIER*, JEAN-LUC CADORÉ**, AURÉLIE LEVIEUGE***

Fonctions :
*résidente en médecine interne, VetAgro Sup.
**professeur de médecine interne, VetAgro Sup. Article rédigé d’après une conférence présentée au congrès de l’Afvac 2011.

POINTS FORTS

→ Lors de fièvre aiguë, il peut être justifié de différer le diagnostic étiologique, particulièrement lors de fièvre isolée (dans ce cas, répéter les examens cliniques) et lorsqu’un traitement est en cours.

→ En revanche, l’identification de signes cliniques d’alerte doit inciter le clinicien à effectuer immédiatement des examens afin d’instaurer un traitement spécifique le plus rapidement possible.

→ En l’absence de diagnostic étiologique, si l’état général de l’animal est bon et si sa température est inférieure à 40,5 °C, il est préférable d’attendre avant de mettre en place un traitement.

En présence d’une fièvre aiguë, il peut être “urgent d’attendre”, comme l’ont expliqué les conférenciers à travers plusieurs cas cliniques.

POURQUOI ET QUAND L’EXPECTATIVE PEUT-ELLE ÊTRE CONSEILLÉE ?

Une fièvre aiguë peut être transitoire

→ Cas clinique

Une chatte stérilisée âgée de 2 ans présente une hyperthermie (39,8 °C) depuis 24 heures. Aucun élément anamnestique ou clinique ne permet d’orienter le diagnostic. Par conséquent, aucun traitement n’est mis en œuvre. La fièvre disparaît en 24 heures. Aucune récidive n’est notée au cours des 6 mois suivants.

→ Analyse

Cet épisode de fièvre aiguë est transitoire et réversible. Ce cas illustre l’importance des affections autolimitantes, le plus souvent virales, à l’origine d’une fièvre aiguë. Elles sont susceptibles de concerner tous les organes, avec une préférence pour l’appareil respiratoire supérieur, et se rencontrent préférentiellement chez le chat. Parfois, il convient de différer les investigations, notamment en raison de leur coût (770 € en moyenne, selon une étude1 anglaise).

Lors de fièvre isolée

→ Cas clinique

Une chienne âgée de 5 ans, stérilisée, présente depuis 24 heures une fièvre (40,8 °C) associée à une altération de son état général. Comme l’examen clinique est normal, aucune investigation complémentaire spécifique n’est réalisée. En revanche, des analyses non spécifiques sont demandées afin de réaliser un suivi biologique. Les résultats de la numération-formule sanguine et le dosage de la protéine C réactive se trouvent dans les valeurs usuelles. En raison de l’importance de la fièvre (supérieure à 40,5 °C) et de son impact sur l’état général, la chienne reçoit une injection d’acide tolfénamique. Lors du suivi à domicile, les propriétaires observent une disparition de la fièvre pendant les 3 jours qui suivent l’injection, puis une rechute associée à une polyarthralgie mise en évidence par des examens cliniques. Une nouvelle prise de sang révèle une neutrophilie et la protéine C réactive est augmentée. Des ponctions articulaires montrent une inflammation neutrophilique sans caractère septique. Aucune cause sous-jacente n’est mise en évidence (échographie abdominale, radiographie thoracique, culture urinaire,? sérologies leishmaniose/ehrlichiose/ borréliose sans anomalie). Un diagnostic de polyarthrite à médiation immune idiopathique est donc établi. Une corticothérapie à dose immunosuppressive est mise en place.

→ Analyse

Ce cas souligne l’importance des investigations cliniques répétées et minutieuses, à la recherche d’indices (même discrets) susceptibles d’orienter le choix des examens complémentaires. En effet, la fièvre peut être le premier symptôme à s’exprimer cliniquement avant l’apparition d’autres signes plus spécifiques. Il convient d’adopter une attitude semi-expectative, en mettant en œuvre une surveillance des paramètres tels que la numération blanche, la protéine C réactive, la vitesse de sédimentation et l’électrophorèse des protéines sériques. En effet, des modifications biologiques peuvent précéder l’émergence clinique et alerter le clinicien, qui décide une surveillance clinique plus rapprochée.

En revanche, lors de fièvre supérieure à 40,5 °C, et en cas de répercussion sur l’état général, il est préférable d’instaurer un traitement symptomatique, en raison du caractère délétère de la fièvre à ces valeurs. La corticothérapie et l’antibiothérapie probabilistes sont généralement déconseillées. L’utilisation d’anti-inflammatoires non stéroïdiens est plus indiquée.

Lors de traitement en cours

→ Cas clinique

Un chien âgé de 5 ans est présenté en consultation pour une fièvre qui évolue depuis 72 heures. Une corticothérapie (prednisolone, 1 mg/kg/j) a été instaurée 48 heures plus tôt. L’examen clinique ne révèle aucune anomalie, excepté une hyperthermie modérée (39,3 °C). Le traitement en cours est arrêté. 21 jours plus tard, une hyperthermie majeure (40,8 °C) est observée. Des examens cliniques répétés montrent une cervicalgie 48 heures plus tard. L’analyse du liquide céphalo-rachidien révèle une méningite neutrophilique aseptique. Celle-ci motive la mise en place d’une corticothérapie à dose immunosuppressive d’une durée de 4 mois, qui permet une résolution complète des symptômes.

→ Analyse

Cet exemple illustre l’importance d’une anamnèse détaillée, l’énumération des traitements antérieurs notamment. Ceux-ci sont en effet susceptibles de masquer les signes cliniques, de fausser les résultats des examens et de diminuer l’efficacité du traitement. Enfin, le temps d’atteinte du diagnostic est significativement plus long chez les animaux sous traitement. Ainsi, ce cas montre l’importance d’arrêter tout thérapeutique en cours, de ne pas réaliser d’examen complémentaire sous traitement ni de traiter à l’aveugle.

QUAND EST-IL IMPORTANT DE NE PAS ATTENDRE ?

Lors de signes cliniques d’alerte

→ Cas clinique

Un chien mâle castré âgé de 5 ans est amené en consultation 1 semaine après avoir été mordu. Il présente une température de 40,8 °C et une plaie cutanée. L’auscultation cardiaque met en évidence un souffle diastolique basal gauche de grade 2/6 et un pouls fémoral bondissant. Une endocardite aortique est suspectée, puis confirmée grâce à une échocardiographie. L’hémoculture identifie une infection par Staphylococcus spp. Même si la morsure est soupçonnée d’être le foyer infectieux primitif, des examens complémentaires sont effectués (radiographies thoraciques, échographies abdominales, analyse bactériologique des urines, sans anomalie). Le traitement antibiotique est déduit de l’antibiogramme.

→ Analyse

Cet exemple souligne l’importance d’un examen clinique rigoureux, qui permet de ne pas s’arrêter ici à la plaie cutanée comme la cause de la fièvre, mais de suspecter une endocardite. Dans ce cas, il est primordial de ne pas attendre. Une antibiothérapie probabiliste aurait faussé le diagnostic ou retardé la guérison si elle avait été mal conduite (durée insuffisante, mauvais choix de molécule).

Dans un contexte épidémiologique particulier

→ Cas clinique

Un chien mâle castré âgé de 6 ans, qui vit dans les Bouches-du-Rhône, présente une fièvre (39,9 °C) et une adénopathie préscapulaire. En raison de son statut épidémiologique, un dosage des protéines totales/ albumine et un examen sérologique leishmaniose sont réalisés. Ce dernier est positif, ainsi que l’adénogramme, le myélogramme (présence de leishmanies) et la polymerase chain reaction leishmaniose sur les nœuds lymphatiques et la moelle osseuse. Un traitement spécifique est mis en œuvre. L’évolution est ensuite satisfaisante.

→ Analyse

Ce cas illustre l’importance de l’anamnèse, des commémoratifs et de la mise en œuvre d’examens sérologiques en première intention selon les données recueillies.

Lors de fièvre aiguë sur fond chronique

→ Cas clinique

Une chatte âgée de 5 ans est présentée en consultation pour une fièvre qui évolue depuis 24 heures. Elle a connu un épisode similaire, pour lequel des examens clinique et biologique (hémogramme, analyse d’urine, bilan biochimique) n’ont pas révélé d’anomalie, 2 mois plus tôt. Aucune récidive n’a été notée. Lors de l’admission, aucun trouble n’est détecté, à l’exception de l’hyperthermie (40,3 °C). L’animal présente une fièvre aiguë sur fond de fièvre chronique. Il est donc décidé de l’explorer. Comme les investigations biologiques précédentes n’ont révélé aucune anomalie, des examens d’imagerie (échographie abdominale, radiographies thoraciques) sont entrepris, malgré l’absence de signes cliniques évocateurs. Des altérations échographiques motivent la réa- lisation de cytoponctions échoguidées de la rate, du foie et des nœuds lymphatiques internes, dont les examens cytologiques sont diagnostiques d’un lymphome profond à cellules à grain. Une chimiothérapie est mise en place. L’animal est euthanasié 3 mois plus tard.

→ Analyse

Ce cas illustre l’importance de s’interroger sur le caractère chronique (même lors d’épisode aigu) de la fièvre, donc d’une anamnèse approfondie. Il convient alors de ne pas attendre pour établir le diagnostic étiologique, mais d’effectuer des examens complémentaires plus ou moins invasifs selon les examens précédents.

  • 1 Battersby IA, Murphy K, Tasker S, Papasouliotis K (2006). Retrospective study of fever in dogs: laboratory testing, diagnoses and influence of prior treatment. Journal of Small Animal Practice 47;370-376.

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