Les unwanted horses toujours plus nombreux outre-Atlantique - La Semaine Vétérinaire n° 1484 du 24/02/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1484 du 24/02/2012

Dossier

Auteur(s) : MARINE NEVEUX

Aux États-Unis, les chevaux considérés comme non désirés sur le territoire fédéral sont désignés sous le terme d’unwanted horses. Bien entendu, tous les pays sont touchés par ce phénomène. Mais l’approche américaine est proactive sur le sujet et la profession vétérinaire en est l’un des acteurs clés. À l’initiative de l’American Association of Equine Practitionners (AAEP), une alliance (Unwanted Horse Coalition, UHC) a vu le jour en 2005, placée sous la coupe de l’American Horse Council (AHC). Éducation, communication et responsabilisation sont mis en exergue.

Aux États-Unis, des études détaillées ont été menées afin d’appréhender la problématique des unwanted horses. Des données aussi élaborées ne sont pas encore disponibles en France. Dans l’Hexagone, la profession vétérinaire s’est toutefois saisie du problème, comme en témoigne l’initiative des vétérinaires sentinelles du bien-être animal, mise en place sur le territoire national entre la Ligue française pour la protection du cheval (LFPC), dont la présidence est assurée par notre confrère Richard Corde, et l’Association vétérinaire équine française (Avef).

QUE RECOUVRE L’APPELLATION UNWANTED HORSES ?

Les chevaux non désirés sont des équidés qui ne sont plus utiles à leurs propriétaires, en raison d’une maladie, d’une lésion, de l’âge, d’un comportement problématique, de qualités insuffisantes. En cause également la situation du propriétaire, physique ou financière, qui fait qu’il ne peut plus s’occuper de son ou de ses animaux (voir histogramme en page 24). Ces équidés sont aussi écartés à la suite d’une diminution de la taille d’un élevage, d’une perte d’intérêt pour les soins aux chevaux ou d’un arrêt d’activités associatives.

La fermeture des abattoirs sur le territoire américain en 2007 et la récession économique qui a débuté en 2008 sont des facteurs qui pourraient avoir précipité l’augmentation du nombre de ces chevaux non désirés, potentiellement négligés ou victimes d’abus.

Des structures de sauvetage ou des refuges existent, qui fournissent un hébergement temporaire ou permanent et des soins. Certaines organisations proposent des programmes d’adoption, des services de réhabilitation ou d’entraînement.

Chaque État dispose de lois qui définissent les abus et les négligences chez l’animal. Les sanctions sont variables de l’un à l’autre. Plusieurs États manquent de moyens humains et de ressources financières pour surveiller et enquêter sur les situations de négligence ou d’abus.

DES CHIFFRES EN AUGMENTATION

Le nombre de chevaux indésirables est difficile à estimer. Selon le Government Accountability Office (GAO), 138 000 équidés sont envoyés à l’abattoir annuellement, mais les effectifs d’indésirables seraient supérieurs. L’Unwanted Horse Coalition (UHC) avance le chiffre de 170 000 cas d’abandon, de négligence ou d’abus sur le territoire des États-Unis. Malgré les installations de sauvetage disponibles outre-Atlantique, elles n’ont pas la capacité de gérer l’ensemble des chevaux indésirables. Une étude, menée par l’UHC en 2009, montre que 39 % des associations de sauvetage sont au maximum de leur capacité et que 30 % y sont presque. De même, selon l’étude de l’université de Davis en Californie (voir article en page 25), la capacité maximale des 326structures recensées est de 13 400 places, ce qui est bien en dessous de la population des chevaux non désirés.

En outre, le système de sauvetage des équidés n’est pas régulé. Même si la majorité des organisations sont réputées, il n’existe aucune voie pour garantir qu’elles pourront (ou peuvent) apporter des soins adéquats aux chevaux pris en charge.

Ces associations dépendent en majorité des dons. En 2005, l’American Veterinary Medical Association (Avma) a estimé le coût du sauvetage d’un cheval à 1 825 $ (1 375 €) par an environ, sans y inclure les frais vétérinaires. L’étude de 2009 menée par l’UHC aboutit à une moyenne de 2 300 $ (1 700 €) pour la prise en charge un cheval et de ses soins pendant une année.

Le prix des soins peut rapidement grimper si des traitements sont requis pour des affections chroniques. Les chevaux récupérés sont en outre souvent dans un état d’embonpoint insatisfaisant et malades les premiers temps, ce qui induit des traitements et des dépenses supplémentaires à leur arrivée.

LA QUESTION DE LA FIN DE VIE

Le sauvetage, l’adoption ou l’euthanasie sont les trois options “préférées” par l’Avma. Mais le nombre de chevaux non désirés s’accroît aux États-Unis. Selon l’étude de l’université de Davis, quand ils proviennent de propriétaires privés, seulement 26,2 % sont capables d’être replacés.

Une autre option, vers laquelle les propriétaires s’orientent volontiers, est celle de l’abattage. Le coût de l’euthanasie et de la gestion de la carcasse est un problème qui peut motiver ce choix. Outre-Atlantique, il est estimé à environ 300 à 500 € le coût de retrait de la carcasse. En France, des disparités existent aussi et le coût élevé de l’équarrissage peut constituer un frein également.

Selon l’Avma, parmi les méthodes acceptables, l’euthanasie chimique est celle à préférer. Elle consiste en une injection intraveineuse, l’utilisation d’un cathéter à demeure étant recommandée. La solution euthanasique est soumise à un contrôle et doit être stockée dans des conditions précises, sous clef, dans les cabinets vétérinaires. Les carcasses des chevaux euthanasiés peuvent potentiellement contaminer l’environnement, et génèrent un risque d’empoisonnement des espèces prédatrices.

LA VIANDE CHEVALINE AUX ÉTATS-UNIS

Environ 10 à 12 % des chevaux meurent ou sont euthanasiés tous les ans. Par comparaison, 1 à 2 % du cheptel équin américain est abattu chaque année, la plupart du temps au Canada ou au Mexique. La viande est ensuite exportée en Europe et en Asie. Une demande de viande provient aussi des zoos et des sanctuaires d’animaux sauvages. Les lions, les tigres nécessitent des protéines de haute qualité. Or la viande de cheval peut répondre à ces exigences de plus de protéines, moins de gras, moins de cholestérol, moins de sodium, plus de fer. Certains parcs zoologiques ont cessé de recourir à la viande chevaline sous la pression des consommateurs, mais quelques établissements aux États-Unis continuent de s’approvisionner à l’étranger pour nourrir leurs animaux.

DES CONSÉQUENCES À L’ARRÊT DE L’ABATTAGE AUX ÉTATS-UNIS

Entre 1997 et 2006, le nombre de chevaux abattus annuellement outre-Atlantique pour la consommation humaine de viande est estimé à environ 68 000, majoritairement pour les marchés européens. Sous l’influence de la population américaine, les chevaux sont perçus de façon croissante comme des animaux de compagnie et non de rente. Cette pression publique et la législation fédérale ont ainsi joué un rôle dans la fermeture des structures d’abattage des chevaux aux États-Unis en 2007.

Le crash économique qui a suivi en 2008, avec les pertes d’emploi et la crise immobilière, a accru le problème pour les propriétaires, parfois incapables d’assurer l’entretien de leurs équidés. Le coût annuel pour entretenir un cheval est estimé à environ 1 825 $ (avec la maréchalerie et les frais vétérinaires, il atteint 2 426 $). Les éleveurs, les propriétaires et les entraîneurs ont également eu plus de mal à vendre leurs produits. Toutes ces problématiques ont conduit à un accroissement du nombre de chevaux non désirés. Leur envoi vers le Canada et le Mexique pour l’abattage a constitué une option courante, bien que ce ne soit pas sans controverse. Entre 2006 et 2010, l’export de chevaux des États-Unis vers ces deux pays a augmenté de 660 %. Des études menées au Colorado montrent un accroissement des cas de négligence ou de maltraitance de 60 % entre 2005 et 2009. La Californie, le Texas, la Floride affichent aussi un taux en expansion de chevaux abandonnés depuis 2007. Au-delà du débat sur la consommation ou non de viande équine, la problématique du temps et des conditions de transport vers l’abattoir est soulevée, de même que se pose la question de la bientraitance lors de l’abattage dans les structures mexicaines ou canadiennes.

DES AXES DE SOLUTIONS

Les solutions pour résoudre la situation des chevaux indésirables sont complexes. Selon l’étude de l’UHC, plusieurs pistes émergent malgré tout, dont la nécessité d’éduquer les propriétaires lors de l’achat d’un équidé et de les responsabiliser. En France, la LFPC1, l’OABA1, l’Avef1 et l’IFCE1 ont soutenu cette même orientation en publiant récemment un guide d’information à l’usage des détenteurs.

Les solutions avancées passent également par l’augmentation des centres de sauvetage privés et des conditions d’adoption facilitées pour ces chevaux. D’autres pistes envisagent aussi de multiplier les options et les ressources pour lutter contre l’euthanasie des chevaux délaissés : restreindre l’élevage pour réduire les surplus d’équidés, se procurer de la nourriture low-cost ou gratuite pour nourrir ces chevaux non désirés, trouver des idées pour les remettre au travail, développer l’offre d’abris auprès du public, étendre la législation ou la régulation relative au contrôle de l’élevage, lever des fonds fédéraux pour obtenir une euthanasie à moindre coût, pour accroître le nombre de structures de retraite, d’adoption, et assurer la gestion du retrait des carcasses. Tous ces axes visent au final à accroître la vigilance sur le respect des droits de l’animal en termes de bientraitance.

  • 1 Ligue française pour la protection du cheval (LFPC), œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA), Association vétérinaire équine française (Avef), Institut du cheval et de l’équitation (IFCE).

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