DANS LES COULISSES DU MUSÉUM : L’ART DE LA TAXIDERMIE

Art de donner aux animaux morts l’apparence du vivant, la taxidermie moderne est née des exigences scientifiques des collectionneurs d’histoire naturelle du xviii^e siècle. Son histoire est intimement liée à celle du Muséum. Dès la création de l’institution (1793), les taxi­dermistes se lancent dans la naturalisation de grands mammifères. Le rhinocéros de Louis XV (voir ci-dessous) date de cette époque. L’hippotrague bleu (également visible à la Grande Galerie de l’évolution du MNHN) lui serait antérieur. Cette production – qui s’intensifie à la fin du xix^e siècle avec l’ouverture de la Grande Galerie de zoologie (1889) – permet aujourd’hui au Muséum de présenter de nombreux spécimens d’espèces menacées (comme le rhinocéros d’Inde) ou disparues (comme l’hippotrague).

Après avoir été longtemps au service des scientifiques, la taxidermie est aujourd’hui le partenaire indispensable des expositions d’histoire naturelle. Elle est également de plus en plus utilisée par les artistes contemporains. Pourtant, le métier est en danger, prévient Jack Thiney, qui vient de prendre sa retraite après 43 ans passés au Muséum. Selon lui, les taxidermistes de grands mammifères ne seraient plus qu’une dizaine en France.

Une pratique entre art et science

Alliant approche artistique et solides connaissances anatomiques, le métier de taxidermiste est la superposition de plusieurs savoir-faire (dissection, croquis, sculpture, soudure, peinture à l’aérographe, travail du cuir, du bois, etc.). Néanmoins, sa spécificité réside en 2 actes essentiels.

Le prélèvement de la peau (avec sa préservation) constitue la phase déterminante pour assurer l’intégrité scientifique du spécimen. Le dépouillage doit être à la fois précoce (intervenir dans les heures qui suivent la mort de l’animal) et rapide (durer moins d’une journée) afin d’éviter les contaminations bactériennes. Au préalable, des croquis de l’animal et des relevés auront été faits, complétés ensuite par des mesures sur l’écorché. La peau, d’une seule pièce (avec les phanères) est alors salée et envoyée au tannage. Confié à des spécialistes¹, ce tannage humide doit garantir une qualité optimale de la peau (finesse du cuir, homogénéité du traitement, souplesse) pour faciliter la pose et résister au temps.

La reconstitution en volume du mannequin – destiné à recevoir cette peau – est la seconde étape du travail. Depuis la paille et le foin utilisés sous Louis XV, les techniques n’ont cessé d’évoluer avec les progrès des matériaux. Après le bois, le plâtre à modeler de la fin du xix^e ou le papier mâché, les mannequins sont désormais sculptés dans du polystyrène et de la mousse de polyuréthane.

• 1 Ils ne sont plus que 2 actuellement en France.