L’impaction gastrique chez les équidés : diagnostic et traitement - La Semaine Vétérinaire n° 1483 du 17/02/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1483 du 17/02/2012

FORMATION

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : ERIN GILLEM

POINTS FORTS

– L’intervention médicale précoce résout les impactions gastriques dans 90 % des cas avec un taux de récurrence d’environ 11 %.

– Dans les cas plus chroniques, la chirurgie peut être indiquée, mais les complications sont nombreuses et le pronostic réservé.

– Les effets d’une distension importante et prolongée de l’estomac sur sa fonction subséquente restent inconnus.

L’impaction gastrique est une maladie rare et mal définie chez les équidés. Elle est caractérisée par une accumulation persistante et progressive d’aliments déshydratés dans l’estomac qui ne s’évacuent pas après une période de jeûne prolongée.

ÉTIOLOGIE

Cette affection peut être d’origine primaire ou secondaire. Les causes primaires incluent les aliments qui gonflent ou se solidifient après l’ingestion (fourrage de mauvaise qualité, pulpe de betterave, graines de kaki), une infection dentaire, un apport d’eau inadéquat, une prise alimentaire trop rapide, une structure pylorique, ainsi que des anomalies physiopathologiques qui affectent la motilité ou la sécrétion gastrique.

Une forme sévère d’impaction primaire est rapportée en Europe. L’estomac peut alors atteindre une taille considérable, parfois palpable par voie transrectale, avant même que le cheval ne présente des signes cliniques ou une baisse de performance. Les anomalies concomitantes à cette forme d’impaction incluent les ulcères gastriques et les adhérences entre l’estomac et le diaphragme.

Les impactions secondaires sont parfois le résultat d’une maladie hépatique ou de la dysautonomie équine. Enfin, une obstruction intestinale peut conduire à une impaction.

SIGNES CLINIQUES

Les symptômes tels que l’inconfort abdominal sont variables et peu spécifiques. Des périodes prolongées de décubitus latéral sont souvent observées. Les signes les plus fréquemment notés sont une baisse d’appétit (50 %), des coliques aiguës (35 %) ou récurrentes (35 %), une dysphagie (20 %), une quantité réduite de crottins (15 %), une léthargie (10 %), une fièvre (10 %) et une salivation excessive (10 %). Une distension abdominale et une perte de poids sont parfois rapportées.

DIAGNOSTIC

Le diagnostic d’impaction primaire est délicat, car il repose sur l’exclusion de toutes les affections qui ralentissent le transit digestif. Chez la majorité des chevaux, la fréquence cardiaque est inférieure à 40 battements par minute et l’examen clinique reste normal pour près de 35 % d’entre eux. Une diminution des bruits digestifs est l’anomalie la plus fréquemment rapportée (35 %).

Le passage du cardia, lors de l’intubation nasogastrique, est rarement difficile. Le 1er lavage gastrique ne donne ni de particules alimentaires ni de reflux, le liquide pouvant contourner la masse pour arriver au pylore. La palpation transrectale est utile pour exclure d’autres anomalies digestives et permet parfois de palper un déplacement caudo-ventral de la rate. Après une palpation souvent décevante, l’échographie abdominale permet de visualiser la paroi de l’estomac sur un plus grand nombre d’espaces intercostaux que la normale. Les analyses sanguines sont à effectuer afin d’exclure les maladies hépatiques, souvent responsables d’impactions secondaires.

Lors d’impactions primaires, les anomalies le plus fréquemment notées incluent une leucopénie (33 %), une granulocytose (33 %), une hyperfibrino– génémie (33 %), une hémoconcentration (17 %) et une hypoprotéinémie (11 %).

Finalement, la gastroscopie permet de visualiser une masse d’aliments déshydratés qui obstrue la visualisation de la margo plicatus et du pylore. Cet examen est diagnostique seulement s’il est précédé d’une période de jeûne suffisamment longue pour éliminer une simple surcharge de l’estomac. Certains auteurs considèrent qu’une surcharge qui persiste pendant plus de 16 heures de jeûne peut être considérée comme une impaction, alors que d’autres exigent une période plus longue, étant donné que le jeûne peut, à lui seul, ralentir le transit.

TRAITEMENT MÉDICAL

La gestion d’une impaction gastrique débute par une période prolongée de jeûne avec un libre accès à l’eau. Les poneys doivent être surveillés pour des signes d’hyperlipémie. Une fluidothérapie entérale est instaurée afin de maintenir l’hydratation et de ramollir l’impaction.

Un lavage gastrique peut être effectué 1 fois par jour. En médecine humaine, l’ajout d’une boisson gazeuse au lavage améliore le taux de succès. L’efficacité de cette technique pour dissoudre les impactions gastriques est aussi confirmée en médecine équine. D’autres études recommandent l’utilisation de dioctylsulfosuccinate de sodium. Des laxatifs tels que l’huile minérale ou le sulphate de magnésium peuvent être administrés, bien que leur efficacité soit controversée.

Peu importe les méthodes utilisées pour éliminer la masse alimentaire, il est essentiel de procéder avec des faibles volumes pour ne pas risquer une rupture d’estomac. Le débit de fluidothérapie entérale et le volume utilisé pour les lavages doivent être adaptés afin d’éviter tout inconfort chez le cheval. L’apparition aiguë de douleur durant une fluidothérapie entérale ou un lavage gastrique justifie une réduction du débit/volume, voire l’arrêt complet de la méthode thérapeutique.

En général, l’impaction gastrique doit être résolue dans les 5 premiers jours de traitement médical, la moyenne étant de 2jours selon une étude. L’échec du traitement médical indique la nécessité d’une intervention chirurgicale.

TRAITEMENT CHIRURGICAL

La résolution chirurgicale des impactions gastriques est bien décrite chez le poulain. Chez l’adulte, en revanche, l’estomac est beaucoup moins accessible (voir figure 1), ce qui augmente considérablement les risques de contaminations abdominales intra-opératoires.

2 techniques chirurgicales sont néanmoins décrites : l’infusion transgastrique et la gastrotomie. Ces interventions doivent s’accompagner d’une antibiothérapie prophylactique à large spectre, typiquement à base de bêta-lactames, aminoglycosides et métronidazole.

Lorsqu’une impaction gastrique nécessite une laparotomie, l’évaluation complète du système digestif permet parfois d’y découvrir une autre affection. La résolution de cette maladie primaire entraîne habituellement celle de l’impaction secondaire.

Lors d’impactions primaires, l’infusion transgastrique de la masse est privilégiée par rapport à la gastrotomie, car cette dernière induit plus de risques de complications. L’inconvénient de l’infusion est que l’estomac n’est pas vidé durant la chirurgie. En cas d’échec thérapeutique, une seconde intervention peut se révéler nécessaire pour effectuer une gastrotomie.

La gastrotomie chez l’adulte est rapportée chez 2 poneys et, plus récemment, chez un cheval pesant 552 kg. Une laparotomie est d’abord réalisée. Plusieurs précautions intra-opératoires sont prises pour minimiser la contamination abdominale. Si possible, l’estomac est suturé à la paroi abdominale de part et d’autre du site proposé de gastrotomie. Ensuite, des champs stériles sont utilisés pour isoler l’estomac de la plaie de laparotomie. L’incision de gastrotomie est réalisée à mi-chemin entre la grande et la petite courbure, parallèle aux vaisseaux gastriques, puis des champs stériles et humides sont placés dans l’incision et fixés à la paroi de l’estomac. L’impaction est ensuite retirée à la main à travers l’entonnoir ainsi créé. L’estomac vide est fermé par 2 surjets inversants avec un fil synthétique résorbable capable de résister aux pepsines. Finalement, un lavage abondant de l’abdomen est effectué et 2drains sont posés de part et d’autre du site de laparotomie pour réaliser des lavages sur cheval debout. En phase postopératoire, l’antibiothérapie est poursuivie, de la flunixine méglumine est administrée, ainsi que de la polymixine B. L’alimentation peut être réintroduite progressivement à partir de la 3e journée postopératoire.

COMPLICATIONS

Malgré les précautions, les complications sont à craindre. Elles incluent l’inconfort abdominal, l’endotoxémie, la fièvre, l’infection de plaie, la péritonite septique et la diarrhée. Les chevaux présentent aussi plus de risques de thrombo-phlébite. Ainsi, il est important d’assurer une antibiothérapie prolongée et une gestion adéquate de l’endotoxémie.

Sources :

– D.E. Freeman. Gastric impaction. Equine Veterinary Education. 2011. 23(4):174-176.

– K. Vainio et coll. Primary gastric impaction in horses : a retrospective study of 20 cases (2005-2008). Equine Veterinary Education. 2011. 23 (4) : 186-190.

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