Que pensez-vous de l’ouverture de l’ostéopathie animale à des non-vétérinaires ?

Je suis scandalisé  !

Pierre May, praticien à Faverges (Haute-Savoie).

Le vétérinaire français doit être le plus bête du monde pour organiser ainsi sa propre concurrence déloyale ! Cette ouverture traduit, selon moi, le manque d’éthique et de vision à long terme de nos instances dirigeantes. Elles semblent, en effet, considérer que l’ostéopathie n’est pas une médecine à part entière et peut donc être pratiquée par des non-vétérinaires ! C’est une vision d’un autre temps. L’ostéopathie, de même que l’acupuncture, la phytothérapie, l’aromathérapie, etc., sont des médecines complémentaires et non “parallèles”. Elles s’harmonisent fort bien pour aboutir à une solution thérapeutique élégante, rationnelle et efficace.

Toutes ces techniques de thérapie suivent obligatoirement un examen clinique complet et minutieux, des examens complémentaires – imagerie ou biochimie –, donc un diagnostic. Pas d’ostéopathie sans diagnostic ! Elles enrichissent considérablement la boîte à outils thérapeutiques et sont un plus considérable face à un problème. Les jeunes vétérinaires, que j’ai en cours, ont bien compris que l’évolution de notre médecine intégrera ces différentes techniques thérapeutiques non conventionnelles et que la médecine classique ne suffit pas dans de nombreux cas. Laisser à des non-vétérinaires l’ostéopathie s’apparente, selon moi, à une reconnaissance officielle de l’exercice illégal de la médecine vétérinaire. Ni plus ni moins.

Cela ne fait qu’entériner un état de fait

Pierre Chêne, praticien à Montjoie-en-Couserans (Ariège).

Au moins la moitié des ostéopathes qui pratiquent aujourd’hui sur les animaux ne sont pas vétérinaires ! La nature a horreur du vide. L’ostéopathie est une médecine qui correspond à un besoin : si les ayants droit ne s’en occupent pas suffisamment, d’autres s’en chargent. Or, les vétérinaires sont trop peu nombreux à pratiquer la discipline : pas plus de 5 % ! Ses principes ne sont même pas enseignés avant la fin du cursus vétérinaire ; les articles généraux sur l’arthrose dans la presse professionnelle ne mentionnent jamais que l’on peut faire de l’ostéopathie… C’est trop fumeux, nous passons mal !

Aussi, le ministère de l’Agriculture a-t-il voulu clarifier les règles parce que régulièrement, en justice, on lui disait que le Code rural était vague. Cela fait maintenant 6 ans que je répète qu’il faut négocier avant d’y être contraint. Nous y sommes. Il s’agit maintenant d’être constructifs et de mobiliser nos forces pour obtenir ce qui nous importe vraiment en matière de formation, de sécurité, de complémentarité, de déontologie. Qu’un diplôme d’ostéopathe sanctionne un niveau mastère 2, que les ostéopathes humains qui pratiquent déjà suivent le même cursus que les vétérinaires dans le cadre du diplôme interécoles qui sera mis en place, voilà de possibles avancées susceptibles de rétablir un peu de paix et d’harmonie dans la profession.

L’ostéopathie est un acte médical

Fabrice Fosse, praticien à Cluis (Indre) et directeur de l’Avetao¹.

J’ai été hostile à cette ordonnance, mais elle est votée. À mon sens, la pratique de l’ostéopathie nécessite d’être capable d’établir un diagnostic médical complet. Elle relève, par conséquent, des compétences d’un vétérinaire praticien. L’ostéopathie doit être prise comme un outil médical en plus, et non pas comme une médecine à part. Beaucoup de passionnés du cheval souhaitent devenir “ostéopathes équins”… Cependant, la passion et les bonnes intentions ne suffisent pas et bon nombre d’écoles d’ostéopathie entendent investir ce créneau pour des raisons mercantiles, et non d’éthique médicale et de bien-être animal.

De toute façon, pour ou contre, le train est en marche pour l’ostéopathie aux non-vétérinaires. L’avis de l’Avetao¹ est simple : nous sommes pro-vétérinaires et nous formons uniquement des vétérinaires. La différence avec les ostéopathes animaliers se fera sur le terrain ; les compétences médicales, la reconnaissance et la confiance que nous porte la clientèle, notre passion, notre dévouement sont nos atouts. Nous ne cessons d’être plus performants tous les jours. Il n’en reste pas moins que l’étude de l’ostéopathie comparée et la valeur des échanges que nous avons avec les ostéopathes humains sont importantes, mais chacun doit pratiquer de son côté.

• 1 Académie vétérinaire d’acupuncture et d’ostéopathie.