« Nous n’avons pas attendu le projet de directive pour échanger sur les condamnations, entre États membres francophones » - La Semaine Vétérinaire n° 1480 du 27/01/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1480 du 27/01/2012

INTERVIEW DE MICHEL BAUSSIER, PRÉSIDENT DU CSO

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Auteur(s) : MARINE NEVEUX

La Semaine Vétérinaire : La Commission européenne propose une modernisation de la directive sur les qualifications professionnelles. Y voyez-vous une vraie rénovation, alors que certaines mesures sont évoquées depuis plusieurs années ?

Michel Baussier : Il ne faut pas perdre de vue que cette directive, qui concerne les professions dites réglementées, englobe plus de 800 métiers ou activités… La profession vétérinaire n’est qu’une de celles-ci. Nous nous sentirions isolés ou perdus s’il n’y avait les médecins, les architectes, etc. Il y a des rénovations, et elles sont peut-être plus profondes qu’il n’y paraît, car elles sont sournoises. Notre profession ne semble toutefois pas considérablement concernée par les modifications : le mode de sanction des études en european credits transfer system (ECTS) n’est plus, en effet, une révolution !

La S. V. : Le texte évoque notamment l’usage d’une carte professionnelle européenne pour bénéficier d’une reconnaissance plus simple et plus rapide. Cette carte est associée à la procédure de reconnaissance dans le cadre du système IMI1. Ce type de carte électronique pourra-t-il être fonctionnel à terme dans notre profession ? Les élus ordinaux utilisent déjà le système IMI. A-t-il permis d’accroître la coopération des administrations entre les pays ?

M. B. : Cette carte professionnelle européenne, ou plutôt ce concept de carte, qui n’a pas forcément grand-chose à voir avec la représentation que l’on peut se faire d’une carte professionnelle, n’est peut-être en réalité que le faux nez de monsieur Bolkestein. Le principe de la loi du pays d’origine n’ayant pas pu prospérer autant que son promoteur l’aurait souhaité à travers la directive “services”, il est réintroduit en catimini par les technocrates de Bruxelles dans cette directive. La Commission ne pense qu’à libéraliser. Son obsession est la suppression des régulations.

Cela dit, ce système se conçoit bien et mérite certainement d’être mené à son terme pour une majorité d’activités réglementées, par exemple pour un moniteur de ski. À l’inverse, il ne se conçoit pas encore aujourd’hui, tel qu’il paraît prévu, pour des activités qui impliquent fortement la santé ou la sécurité publique dans le cadre de professions disposant d’un haut niveau d’organisation comme la nôtre. Il est surtout inutile, compte tenu de la reconnaissance automatique des qualifications professionnelles en vigueur, non depuis 2005… mais depuis 1978 ! Le système est en effet rôdé, il fonctionne bien, sans lenteur ni complexité… La « carte professionnelle européenne », qui a pour objet annoncé de contrer ces lenteurs, ces complexités, ces freins, est donc sans objet pour nous. En réalité, elle ne pourrait introduire au contraire que des complications, des dysfonctionnements et surtout des fraudes potentiellement préjudiciables à l’intérêt général.

Le point positif est son adossement au système IMI. Ce dernier ne fonctionne pas toujours parfaitement, mais il est perfectible et, en tout cas, représente la bonne voie à suivre. Il permet et permettra d’accroître significativement la coopération entre les pays.

Autant nous soutenons le système IMI, autant nous ne nous laisserons pas imposer une carte professionnelle européenne inutile selon des modalités de mise en œuvre dangereuses. Nous n’en voulons pas, nous l’avons fait dire, pour ce qui est de la France, par la voix de la Fédération vétérinaire européenne (FVE). Les vétérinaires de l’Union n’en veulent pas.

La S. V. : Qu’en est-il aujourd’hui du statutory bodies working party ?

M. B. : Il est devenu un statutory bodies working group, sous l’égide de la FVE. Il se réunit 1 à 2 fois par an. Il a émis des propositions en matière d’amélioration des Codes de déontologie vétérinaire dans le domaine de la lutte contre l’anti- biorésistance, il en prépare dans celui de la certification. Ce groupe a récemment suivi la préparation des modifications de la directive dont nous parlons.

Rattaché au bureau de la FVE, le statutory body working group rend directement compte à Christophe Buhot, le président de la FVE, et nous sommes assurés de son soutien dans les propositions évoquées ci-dessus.

La S. V. : La notion de “guichets uniques” est de nouveau évoquée. Sera-t-il identique à celui instauré par la directive “services” ? En France, l’Ordre est-il le guichet unique de la reconnaissance de la qualification professionnelle ?

M. B. : Oui, le projet de modernisation envisage que le guichet unique soit le même que celui de la directive “services”. En France, depuis l’arrêté du 28 juillet 2011, la reconnaissance des diplômes relève exclusivement des conseils régionaux de l’Ordre.

La S. V. : La directive invite aussi à répondre aux préoccupations du public quant aux compétences linguistiques. L’Ordre a-t-il pour mission de contrôler cette compétence ? Peut-on refuser un vétérinaire qui n’aurait pas le niveau linguistique suffisant ?

M. B. : La directive 2005/36 avait déjà clairement introduit cette préoccupation. La France a donc inséré, dans son droit national, l’obligation pour l’impétrant de faire la preuve qu’il connaît la langue française. C’est une condition préalable à l’exercice. La modification envisagée dans la directive s’ajoute à cette préoccupation. Le dispositif sera donc renforcé, dans l’intérêt du public et des usagers. Bien entendu, dès à présent, l’Ordre, qui a pour mission essentielle de garantir la qualité du service rendu aux clients et de maintenir la confiance des citoyens dans la profession, ne peut permettre l’exercice d’une personne qui, manifestement et objectivement, ne serait pas en situation de comprendre son client ni de se faire comprendre. De plus, la proposition de modernisation de la directive indique clairement cette nécessité pour les professions de santé. C’est l’évidence, y a-t-il lieu d’en discuter davantage ?

La S. V. : Comment envisagez-vous la mise en place d’alertes efficaces en cas de faute professionnelle ?

M. B. : Pour tout vous dire, nous n’avons pas attendu le projet de directive pour échanger sur les condamnations, entre États membres francophones. Le procédé sera institutionnalisé et généralisé. Le système IMI constituera un bon vecteur. Attendons d’en savoir plus sur les modalités techniques précises. C’est en tout cas une bonne mesure.

La S. V. : L’harmonisation souhaitée au niveau de la formation ne met-elle pas de nouveau en exergue l’exception française de la “prépa” ?

M. B. : Oui, peut-être, d’une certaine manière… Mais, indépendamment de l’avenir que, nous autres Français, déciderons librement de réserver à nos classes préparatoires, au moment où nous l’entendrons et si jamais nous l’entendons un jour, il faut, une bonne fois pour toutes, se mettre dans la tête que ni la directive “services”, ni celle sur les qualifications professionnelles, ni même le traité de Rome n’imposent aux États membres de faire tous la même chose. Ce serait alors une bien triste Europe, que de plus en plus de citoyens européens refusent et refuseront. Une Europe dont nous ne voulons pas. En tout cas, une Europe vétérinaire que nous devons rejeter. Le nivellement par le bas, ça suffit ! Et en ce qui nous concerne, nous, vétérinaires français, l’Europe vétérinaire a souvent, trop souvent, constitué une régression. Alors, trop serait trop. Si nous devons abandonner les classes préparatoires, ce sera pour d’autres raisons.

  • 1 IMI : système d’information dans le marché intérieur, développé par la Commission européenne et qui permet aux autorités compétentes de communiquer directement.

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