La yersiniose de la chèvre : étiologie, épidémiologie et pathogénie - La Semaine Vétérinaire n° 1480 du 27/01/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1480 du 27/01/2012

Formation

PRODUCTIONS ANIMALES/CAPRINS

Auteur(s) : KARIM ADJOU

POINTS FORTS

– L’agent causal de la yersiniose est la bactérie Yersinia (pseudotuberculosis et enterocolitica).

– La répartition de la maladie est mondiale.

– Elle provoque des avortements, des entérites et des mortalités après une contamination orale.

– Elle devient enzootique chez les caprins en Nouvelle-Zélande, avec un portage chronique asymptomatique.

La yersiniose est une affection émergente chez les caprins en Nouvelle-Zélande où elle tend à devenir enzootique. Elle est présente de manière sporadique dans des cas d’entérites, d’avortements, de mammites, d’abcès internes (foie) et de mortalité consécutive à une septicémie partout dans le monde.

ÉTIOLOGIE

Yersinia spp. sont des bactéries Gram négatif, aéro-anaérobies facultatives, non sporulées, non capsulées, qui ne présentent pas de fermentation lactique. Ce sont des coques de la famille des entérobactéries. Leur survie est longue dans le sol (jusqu’à 540 jours), et va de 20 jours dans l’eau de source à 4 °C à plus de 100 dans l’eau de mer.

En conditions expérimentales, elles sont cultivables sur les géloses de sang et sur la gélose de Mac Conkey, mais peuvent rapidement disparaître de la culture, surtout si l’échantillon provient de fèces.

3 espèces sont pathogènes :

→ Yersinia pestis provoque la peste chez l’homme et les rongeurs. Il y a déjà eu des cas de peste humaine dus à des caprins malades : la chèvre représente ainsi un animal sentinelle dans les pays endémiques ;

→ Yersinia enterocolitica et Yersinia pseudotuberculosis sont pathogènes pour l’homme et de nombreux animaux, y compris les chèvres. Yersinia enterocolitica est retrouvée dans l’environnement et Yersinia pseudotuberculosis est un hôte assez commun de l’intestin de nombreux animaux domestiques et sauvages. Les symptômes provoqués par l’une ou l’autre de ces 2 bactéries sont considérés comme ceux de la yersiniose (Obwolo, 1976).

5 sérotypes de Yersinia pseudotuberculosis, notés de I à VI, sont déterminés par l’antigène H, et 16 génosérotypes sont définis à partir de la fraction O, dont certains sont divisés en sous-types sérologiques. Les sérotypes I et III sont le plus souvent associés à la maladie chez les caprins. Le séro-typeIII produit une exotoxine qui constitue l’un de ses facteurs de virulence.

Il existe 6 biotypes principaux de Yersinia enterocolitica (1A, 1B, 2, 3, 4, 5) et plus de 57 sérotypes différenciés à partir de l’antigène de surface O (lipopolysaccharide). Tous sont pathogènes, à l’exception du 1A. Le sérotype 2 est incriminé dans une entérite chez les caprins en Norvège. Couramment, le sérotype O:2,3 (biotype 5) est associé à une infection intestinale chez les caprins et les ovins en Australie et en Nouvelle-Zélande.

Les antigènes somatiques O de Yersinia enterocolitica sérotype 9 présentent une réaction croisée avec les antigènes somatiques O de Brucella abortus. Il est démontré au Canada que des chèvres peuvent être infectées par le sérotype 9 et afficher des réactions faussement positives au test de brucellose avec l’utilisation de Brucella abortus (Mittal et Tizzard, 1980).

DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES

Chez l’homme

Au cours du xxe siècle, de nombreux épisodes sporadiques de yersiniose ont été rapportés chez l’animal et chez l’homme, partout dans le monde. Récemment, les désordres alimentaires provoqués par Yersinia entero-colitica chez l’homme ont augmenté et des liens avec une source animale, soit par contact, soit par le biais de l’alimentation, sont souvent suspectés, voire confirmés. Yersinia enterocolitica a ainsi été isolée dans du lait de chèvre proposé à la vente en Irlande du Nord (Walker et Gilmour, 1986) et en Australie (Hughes et Jensen, 1981), et 1 cas de yersiniose chez un éleveur a été mis en évidence lors d’une épizootie de diarrhée chez les chèvres due à Yersinia enterocolitica de sérotype 2, probablement par contact avec les animaux ou avec des fèces contaminées. En revanche, en Allemagne, une étude montre que les bactéries isolées des fèces de caprins sont opportunistes et non pathogènes. Le lait, le fromage et la viande issus de chèvres ne semblent donc pas être le principal mode de contamination pour l’homme (Arnold et coll., 2006).

Cas des chèvres

La yersiniose devient une cause prépondérante de problèmes de santé divers chez la chèvre depuis les 2 dernières décennies. Des cas d’avortements ou de mortalité après la parturition dus à Yersinia pseudotuberculosis sont rapportés en Allemagne, en Inde, au Japon et aux États-Unis (Smith et Shermann, 2007). Des abcès du foie et la formation de granulomes provoqués par cette même bactérie sont notés aux États-Unis, au Japon et en Australie. Cette bactérie provoque également des mammites chroniques chez les chèvres aux États-Unis et au Royaume-Uni. Aucune mammite clinique due à Yersinia enterocolitica n’est décrite chez la chèvre et les essais pour les reproduire expérimentalement sont restés infructueux.

La yersiniose est en train de devenir enzootique en Nouvelle-Zélande chez les caprins. Dans ce pays, le portage chronique et asymptomatique de la bactérie est commun chez les chèvres. Une variation saisonnière de l’excrétion est observée dans les fèces des animaux, surtout pour les Yersinia considérées comme pathogènes. Ces bactéries pathogènes sont également retrouvées plus fréquemment chez les jeunes animaux, et les non-pathogènes chez les adultes. L’exposition à une forme pathogène de Yersinia provoque une immunité anti-Yersinia. Dans cette étude, Yersinia rohdei a été isolée de fèces de caprins, pour la première fois (Lanada et coll., 2005).

Une recherche sur l’origine de la mortalité chez les chèvres en Nouvelle-Zélande a révélé que la yersiniose est la 4e cause de mort, la plus commune, et la 1re cause infectieuse (Buddle et coll., 1988). Elle est aussi la cause bactérienne la plus répandue d’entérite diagnostiquée via les examens de laboratoire. La maladie apparaît le plus souvent à l’automne ou en hiver. Elle est liée à un stress comme le transport, des manipulations excessives, une sous-nutrition ou une alimentation non adaptée, un temps froid et humide, des bâtiments inadéquats ou encore le contact avec des porcs. Les jeunes sont plus fréquemment touchés, mais tous les animaux y sont sensibles. Yersinia enterocolitica est plus souvent identifiée que Yersinia pseudotuberculosis. Cette maladie est également bien documentée en Norvège et en Australie.

PATHOGÉNIE

Le mode le plus courant d’infection est la voie orale, sauf dans le cas des mammites où la contamination passe le plus souvent par le canal du trayon. Les 2 Yersinia en cause dans les formes cliniques possèdent des facteurs de virulence plasmidiques, les antigènes V et W, identiques à ceux de Yersinia pestis. De plus, le sérotype III de Yersinia pseudotuberculosis produit une exotoxine qui augmente sa virulence.

Les bactéries se multiplient dans l’intestin en provoquant une entérite, mais elles peuvent aussi produire une bactériémie via la circulation porte et les canaux lymphatiques, et provoquer ainsi des abcès internes, des avortements et des morts subites.

Après une infection due à cette bactérie, la réponse immunitaire s’accompagne du développement d’anticorps anti-Yersinia. Dans une étude en Allemagne, ces anticorps ont été recherchés et la grande majorité des animaux inclus en possédaient un taux détectable par la technique Western Blot. Paradoxalement, peu de cas cliniques de yersiniose sont signalés dans cette région. Il semble donc que les animaux n’expriment pas toujours la maladie ou qu’elle n’est pas facilement reconnue (Nikolaou et coll., 2005).

Bibiographie

  • 1. Arnold T., Neubauer H., Ganter M., Nikolaou K., Roesler U., Truyen U., Hensel A., 2006 : Prevalence of Yersinia enterocolitica in goat herds from Northern Germany, J. Vet. Med. B 53, 382-386.
  • 2. Buddle BM. et coll., 1988 : A goat mortality study in the southern North Island, N. Z. Vet. J. 45, 167-170.
  • 3. Hughes D., Jensen N., 1981 : Yersinia enterocolitica in raw goat’s milk, Appl. Environ. Microbiol. 41, 309-310.
  • 4. Lanada EB., Morris RS., Jackson R., Fenwick SG., 2005: A cohort study of Yersinia infection in goats, Aust. Vet. J. 83, 567-571.
  • 5. Nikolaou K., Hensel A., Bartling C., Tomaso H., Arnold T., Rosler U., Ganter M., Petry T., Neubauer H., 2005: Prevalence of anti-Yersinia outer protein antibodies in goats in Lower Saxony, J. Vet. Med. B 52, 17-24.
  • 6. Obwolo MJ., 1976: A review of yersiniosis (Yersinia pseudotuberculosis infection), Vet. Bull. 46, 167-171.
  • 7. Seimiya MY., Sasaki K., Satoh C., Takahashi M., Yaegashi G., Iwane H., 2005: Caprine enteritis associated with Yersinia pseudotuberculosis infection, J. Vet. Med. Sc. 67, 887-890.
  • 8. Smith MC., Sherman DM., 2007: Digestive system In Goat medicine, 2nd Edition, Ames, Blackwell Publishing, 620p.
  • 9. Slee KJ., Button C., 1990: Enteritis in sheep, goats and pigs due to Yersinia pseudotuberculosis infection, Aust. Vet. J. 65, 271-275.
  • 10. Walker SJ., Gilmour A; 1986: The incidence of Yersinia enterocolitica and Yersinia enterocolitica-like bacteria in goats milk in Northern Ireland, Let. Appl. Microbiol. 3, 49-52.

LA YERSINIOSE ANIMALE

→ Les épizooties chez les animaux de laboratoire ou au sein des colonies aviaires sont la forme animale la plus courante de la maladie due à Yersinia pseudotuberculosis, mais elles sévissent aussi au sein du bétail. Le stress, la surpopulation et un temps froid soudain semblent être des éléments prédisposants. L’état de santé de l’animal est un facteur important dans la maladie. En effet, lors d’une étude au Japon, les animaux affectés par la yersiniose étaient uniquement ceux en lactation. Des bactéries sont retrouvées dans les cultures fécales des animaux qui ne sont pas en lactation, mais ils ne présentent pas de symptômes (Seimyia et coll., 2005).

Les oiseaux et les rongeurs sont considérés comme les réservoirs de l’infection et peuvent introduire des souches virulentes dans des troupeaux en contaminant les lieux d’alimentation. Les porcs sont des porteurs de Yersinia enterocolitica et peuvent infecter les ruminants dans des élevages mixtes. Comme ces bactéries sont souvent présentes dans la flore intestinale d’animaux sains, les facteurs qui compromettent l’intégrité de la muqueuse, comme le parasitisme ou la présence d’ulcères, prédisposent à une yersiniose septicémique.

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