Pneumonie chez une tortue grecque - La Semaine Vétérinaire n° 1479 du 20/01/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1479 du 20/01/2012

Formation

NAC

Auteur(s) : JULIEN GOIN

Fonctions : praticien à Pornic (Loire-Atlantique).

POINTS FORTS

– La pneumonie chez la tortue est généralement d’origine bactérienne.

– L’imagerie est systématique afin d’objectiver la cause de la dyspnée (notamment pour différencier une pneumonie d’une compression pulmonaire extrinsèque, fréquente chez ces animaux sans diaphragme).

– Le lavage trachéo-pulmonaire est un acte diagnostique simple, qui permet également de désencombrer l’appareil respiratoire.

– Le traitement associe antibiothérapie parentérale et aérosolthérapie

– Le diagnostic, souvent tardif, entraîne un pronostic sombre.

– Le suivi est clinique et radiographique.

CAS CLINIQUE

Une tortue grecque (Testudo graeca) femelle de 6 ans est référée pour anorexie et dyspnée. Elle mesure 9 cm et pèse 140 g. Elle vit en extérieur avec un mâle à la belle saison et hiberne en hiver. L’examen clinique confirme la présence d’une dyspnée : la respiration, sifflante, s’effectue bec ouvert et cou en extension (voir photo 1). L’examen radiographique met en évidence une opacification diffuse du poumon droit (voir photo 2). Le diagnostic est celui d’une pneumonie unilatérale droite.

Traitement médical

La tortue est hospitalisée et une antibiothérapie est mise en place (enrofloxacine, 10 mg/kg/j par voie intramusculaire, voir photo 3). 3 séances d’aérosolthérapie quotidiennes de 30 minutes sont effectuées, par fumigation d’un mélange antibiotique (gentamicine, 1 ampoule de 10 mg), mucolytique (acétylcystéine, une ampoule de 1 g) et décongestionnant (Goménol(r)1, 1 ampoule de 82,5 mg, voir photo 4). 3 bains tièdes quotidiens de 15 minutes assurent l’hydratation et stimulent la défécation. L’anorexie est combattue par gavage (0,5 ml de petit pot pour bébé de purée de légumes, 1 jour sur 2). Un vermifuge est administré (fenbendazole, 50 mg/kg/j per os pendant 3 jours).

Lavage trachéo-pulmonaire

À T + 10 jours, un contrôle radiographique ne montre aucune amélioration. Par conséquent, un lavage trachéo-pulmonaire est réalisé. La tortue est anesthésiée (propofol, 10 mg/kg via le sinus veineux sous-nucal, voir photo 5). L’orifice glottique est cathétérisé à l’aide d’une sonde urinaire féline stérile de 1 mm de diamètre (voir photo 6). Une radiographie est réalisée pour vérifier que la sonde est bien orientée vers le poumon atteint (voir photo 7). Une quantité de sérum physiologique stérile correspondant à 0,5 % du poids de l’animal (soit 2 ml), est injectée lentement. La tortue est placée en décubitus dorsal, balancée délicatement d’avant en arrière, puis orientée la tête vers le bas afin de permettre l’aspiration de 1 ml environ de mucosités épaisses (voir photo 8). Un examen microscopique se révèle négatif pour la recherche d’œufs ou de larves de parasites. Un examen cytologique et microbiologique en laboratoire est demandé. Dans l’attente des résultats, le traitement est poursuivi à l’identique.

Suivi radiographique

À T + 18 jours, la dyspnée disparaît, mais l’anorexie persiste. La cytologie met en évidence la présence de quelques débris cellulaires. L’examen microbiologique ne montre ni bactérie ni champignon en croissance. Toutefois, en raison de la réponse clinique au traitement, ce dernier est poursuivi à l’identique. À T + 23 jours, un deuxième contrôle radiographique montre une diminution légère de l’opacification pulmonaire. À T + 30 jours, cette diminution est marquée (voir photo 9). La tortue est rendue à ses propriétaires. Son appétit revient dès son retour au domicile. L’antibiothérapie est poursuivie par voie parentérale seule pendant 1 mois. Un contrôle clinique réalisé 3 mois plus tard révèle un gain de poids de 70 g.

DISCUSSION

Étiologie

Les affections respiratoires (rhinite et pneumonie) sont fréquentes chez les tortues terrestres, notamment chez la tortue grecque, une espèce originaire de régions chaudes et sèches, fréquemment rencontrée en France à la suite d’importations illégales par des touristes depuis le Maghreb. L’origine peut être bactérienne, fongique, virale, parasitaire ou mécanique. Des conditions d’élevage inadaptées sont un facteur favorisant (choc thermique, température trop basse, hygrométrie trop élevée, hygiène insuffisante, carence alimentaire, etc.). Les formes unilatérales sont régulièrement rencontrées.

L’origine bactérienne est la plus fréquente. Les germes incriminés peuvent être Gram négatif (Aeromonas sp., Pseudomonas sp., Pasteurella sp., entérobactéries type Klebsiella sp. ou Salmonella sp., etc.), anaérobies (Clostridium sp., Fusobacterium sp., etc.), des mycobactéries (Mycobacterium sp.) ou des mycoplasmes (Mycoplasma agassizii). Les pneumonies virales sont essentiellement secondaires à un herpèsvirus, ce qui entraîne concomitamment une rhinite et une stomato-glossite caséeuse et nécrotique : l’aspect clinique est donc fortement évocateur, et une détection par polymerase chain reaction est possible. Les pneumonies fongiques (Aspergillus sp., Candida sp., etc.), parasitaires (pentastomides, trématodes) et mécaniques (par inhalation d’un corps étranger végétal, ou iatrogène lors de fausse déglutition) existent également. Des cas de tumeurs pulmonaires sont rapportés dans la littérature, mais demeurent rares.

Diagnostic

Lors de dyspnée chez un reptile, le recours à l’imagerie est systématique afin de différencier une pneumonie d’une compression pulmonaire extrinsèque, car ces animaux ne possèdent pas de diaphragme (rétention d’œufs, iléus digestif généralisé, par exemple). En raison de leur aptitude au métabolisme anaérobie, les pneumonies décompensent souvent à un stade lésionnel avancé. Leur pronostic est donc souvent sombre. Le lavage trachéo-pulmonaire, un acte diagnostique simple, permet de désencombrer l’appareil respiratoire. Dans certains cas tels que celui-ci, l’analyse microbiologique peut se révéler négative. En effet, les pneumonies infectieuses sont susceptibles d’évoluer selon un type granulomateux, qui empêche la récupération de germes par lavage. Par conséquent, une analyse négative est à interpréter avec précaution. L’évolution clinique et radiographique est un élément majeur dans l’appréciation de l’efficacité d’un traitement.

  • 1 Pharmacopée humaine.

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