Les fractures de la troisième phalange chez le cheval - La Semaine Vétérinaire n° 1479 du 20/01/2012
La Semaine Vétérinaire n° 1479 du 20/01/2012

Formation

ÉQUIDÉS

Auteur(s) : ERIN GILLEM

POINTS FORTS

– Le pronostic d’une fracture de P3 varie selon la configuration.

– Les fractures non articulaires bénéficient d’un meilleur pronostic que les fractures articulaires qui prédisposent à l’ostéoarthrose.

– Pour les fractures comminutives, le pronostic sportif est pauvre, mais la survie n’est pas négligeable.

Les fractures de la troisième phalange sont d’origine traumatique chez le cheval. Elles sont fréquemment rencontrées et doivent être incluses dans le diagnostic différentiel chez un cheval qui présente une douleur au pied. Ces fractures sont classées selon leur configuration (voir figure). Une classification juste est essentielle pour établir un plan thérapeutique adapté et offrir un pronostic réaliste.

SIGNES CLINIQUES

L’anamnèse rapporte une boiterie d’apparition aiguë et sévère (plus marquée sur le cercle) qui s’aggrave parfois au cours des 24 premières heures, l’inflammation créant une pression à l’intérieur de la boîte cornée. Les fractures de types IV, VI et VII peuvent générer une boiterie moins sévère. Les signes cliniques aigus incluent une chaleur du pied, un pouls digité augmenté et une douleur marquée à la pince à pied. Les fractures qui impliquent l’articulation interphalangienne distale (IPD) présentent fréquemment une effusion synoviale hémorragique. La douleur diminue progressivement pendant les 2 à 4 premières semaines et la majorité des chevaux sont sains au pas après 4 à 8 semaines. Le diagnostic différentiel inclut l’abcès de pied, le clou de rue, l’arthrite septique, la fourbure, le syndrome naviculaire et la bleime profonde.

APPROCHE DIAGNOSTIQUE

Certains chevaux répondent à une anesthésie digitale palmaire/plantaire, alors que la plupart nécessitent une sésamoïdienne abaxiale. Les fractures articulaires répondent partiellement à l’analgésie intra-articulaire.

La radiographie est l’examen diagnostique de choix. Les clichés standard du pied (latéral, dorso-palmaire/plantaire en appui, dorso-proximal-palmaro/plantaro-distal oblique et palmaro/plantaroproximal-palmaro/plantarodistal oblique) sont parfois insuffisants. Une vue dorso (45) proximal (45) latéral-palmaro/plantaro-distal oblique peut être utile, particulièrement pour les fractures de type I. Si une fracture est suspectée, mais non confirmée à la radiographie, des clichés peuvent être pris 10 jours plus tard à la suite de l’élargissement uniforme du trait de fracture par l’ostéolyse. Ce phénomène ne doit pas être confon­du avec un déplacement de la fracture, qui apparaît comme l’élargissement d’une extrémité du trait. L’implication articulaire d’une fracture aiguë peut être identifiée à la radiographie en injectant un milieu de contraste dans l’articulation IPD. Si la fracture est articulaire, le milieu de contraste s’étendra dans la fracture.

La radiographie peut sous-estimer l’aspect comminutif ou articulaire d’une fracture.

Le scanner et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) sont particulièrement utiles pour préciser la configuration. La scintigraphie évalue l’implication clinique d’une fracture chronique et guérie, mais dont le trait persiste à la radiographie.

TRAITEMENT

Selon la fracture, un traitement chirurgical ou conservateur est envisagé. L’intervention chirurgicale est à réserver aux cas où la congruité articulaire est mise en jeu, les fractures de type III pouvant être traitées par une fixation interne et celles de type IV par l’excision ou la fixation du fragment. La majorité des fractures de P3 sont traitées de manière conservatrice par une combinaison de plâtre de pied ou de ferrage thérapeutique, de repos au box pour 8 à 16 semaines et d’anti-inflammatoires non stéroïdiens durant la phase aiguë.

En phase aiguë, il est souvent plus facile de poser un plâtre qu’un fer. Le plâtre de pied est essentiel pour limiter l’expansion des talons et ainsi immobiliser la fracture. Cela améliore le confort immédiat du cheval. Traditionnellement, les plâtres de pied devaient englober tout le sabot et la bande coronaire. Ces plâtres présentaient plusieurs complications (cassure, plaies de pression, corps étrangers passant par-dessus le bord proximal) et nécessitaient un suivi rapproché. Plus récemment, un matériel de plâtre à base de polyester de grade balistique a été adapté, permettant au plâtre de pied de rester distal à la bande coronaire (HoofCast1, voir photo). Ce matériel peut être coupé pour permettre un accès à la sole pour les soins de pied (clou de rue avec fracture concomitante de P3). En phase de convalescence, les chevaux peuvent garder leur plâtre HoofCast ou être équipés d’un fer barré. Dans certains cas, particulièrement les fractures de type III, les chevaux doivent porter un fer correctif pour le reste de leur carrière sportive. À plus long terme, les fractures articulaires (types II, III, IV et V) bénéficient de traitements intra-articulaires dans le but de contrôler la synovite et l’ostéoarthrose.

Finalement, la névrectomie peut être envisagée pour les chevaux qui souffrent de boiterie chronique (fracture de type V). Il est important de déterminer à quel niveau l’anesthésie locale élimine la douleur du pied, plusieurs cas nécessitant une névrectomie au niveau de la sésamoïdienne abaxiale. La névrectomie est réservée aux sujets destinés à la retraite.

PRONOSTIC

Le pronostic des fractures de P3 varie selon le type. La guérison prend de 4 à 6 mois, tandis que le trait reste visible beaucoup plus longtemps à la radiographie.

Type I

Ces fractures non articulaires impliquent le processus palmaire/plantaire. Les signes cliniques et l’anesthésie locale permettent souvent de localiser une lésion unilatérale. Il est essentiel de distinguer le type de fracture (I ou II), car leurs pronostic et traitement diffèrent. À la suite d’une période de repos adéquate, les fractures de type I bénéficient d’un pronostic sportif bon à favorable.

Type II

Les fractures parasagittales articulaires présentent 2 traits de fracture à la radiographie, 1 à la surface dorsale, l’autre à la surface solaire, vue la forme en dôme de l’os. Ces fractures sont à distinguer des types I et V ; elles cachent souvent de petits fragments comminutifs, difficiles à détecter à la radiographie. Une fracture de type II qui ne répond pas adéquatement au traitement devrait subir des examens complémentaires (scanner, IRM). Le pronostic est moins bon que pour les fractures de type I (risque d’ostéoarthrose), mais il est tout de même bon à favorable et semble meilleur pour les chevaux de moins de 3 ans.

Type III

Les fractures sagittales articulaires peuvent être traitées par fixation interne ou de manière conservatrice. La chirurgie entraîne un haut taux de complications (drainage chronique, infection du site de trépanation et boiterie chronique, infection entourant l’implant, ostéite et/ou arthrite septique, non-union, irritation de la lamina sensitive par la vis et ostéoarthrose). Après 8 semaines de repos au box, 8 semaines de marche en main, puis 2 mois au paddock, le pronostic sportif peut être bon à condition d’éviter les complications. Le traitement conservateur bénéficie d’un bon pronostic pour les chevaux de moins de 3 ans, mais réservé pour les plus âgés.

Type IV

Les fragments du processus extensorius sont articulaires, mais ne sont pas toujours associés à une boiterie. L’excision ou la fixation des fragments, suivie de 6 à 8 semaines de repos, est le traitement de choix. Le pronostic à court terme est bon, mais les études à long terme démontrent que seulement 46 % des chevaux restent sains 4 ans après l’intervention chirurgicale.

Type V

Les fractures comminutives sont habituellement articulaires. La cause peut être traumatique ou secondaire à une fracture de type moins sévère, ostéite ou séquestre. Une radiographie sous-exposée permet de visualiser les fragments sur le bord de P3. En présence de sepsis, ces fractures doivent être débridées. Sinon, l’approche médicale est le traitement de choix. Le pronostic est pauvre, une névrectomie étant souvent nécessaire pour offrir un confort adéquat à la retraite.

Type VI

Les fractures du bord solaire de P3 affectent principalement les membres antérieurs (entre le quartier et la pince) des chevaux adultes et provoquent une boiterie de grade moins sévère. Elles sont parfois d’origine traumatique ou secondaire à une affection du pied. Ces fractures guérissent par résorption du fragment ou par union fibreuse. Le pronostic pour une fracture primaire est bon, alors qu’en cas de fracture secondaire, il dépend de l’affection primaire.

Type VII

Chez le poulain, les fractures du bord solaire de P3 sont localisées à la jonction entre le processus palmaire/plantaire et le corps de l’os et se prolongent jusqu’à 3 cm dorsalement sur le bord solaire. La boiterie est peu sévère et de courte durée, les signes cliniques étant souvent résolus avant l’apparition du trait de fracture à la radiographie. Le pronostic à long terme est excellent.

  • 1 Equitech, Crookham, Berkshire, UK. Source : J. Kidd, « Pedal bone fractures », Equine Veterinary Education, 2011, 23 (6), pp. 314-323.

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