Cour(s) de discipline pour des étudiants nantais - La Semaine Vétérinaire n° 1476 du 23/12/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1476 du 23/12/2011

Exercice professionnel

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Auteur(s) : CYRIL PARACHINI-WINTER

Des membres de l’Ordre ont sensibilisé, informé et mis en situation, via un jeu de rôles, des élèves d’Oniris sur l’exercice illégal de la profession.

L’amphithéâtre d’honneur d’Oniris a accueilli1 des membres de l’Ordre. Étienne Leiseing, Ghislaine Jançon et Jacques Guérin ont rendu visite aux étudiants de 3e année. L’occasion, pour certains, de découvrir cette instance bien souvent mystifiée, pour d’autres, d’approfondir leurs connaissances. Entre des présentations de parcours dont la diversité n’a d’égale que le caractère atypique et des séances de débats ouverts, l’après-midi était centrée sur la mise en situation d’une chambre de discipline. Les membres de l’Ordre n’ont pas hésité à interpeller et à donner un rôle aux étudiants intrigués, ravis et bien souvent intimidés.

Une affaire concrète qui s’inscrit dans le futur proche des étudiants

L’affaire retenue est une plainte réelle, qui est toujours en cours d’instruction au tribunal pénal. En avril dernier, M. K amène son chien à la clinique des docteurs B et F. Mlle L gère seule le service des urgences à ce moment-là. Elle note des muqueuses pâles et une douleur abdominale craniale chez l’animal. Après une injection d’antispasmodiques, elle laisse partir le propriétaire et son chien, en demandant à M. K de bien surveiller son animal. Le maître revient vers minuit, car l’état du chien se dégrade. Celui-ci est mis sous perfusion, puis meurt vers 1 h du matin. M. K a remarqué beaucoup d’hésitation et un manque flagrant d’expérience chez Mlle L (il lui reproche en particulier de ne pas avoir hospitalisé l’animal, alors qu’une hémorragie interne pouvait être suspectée). En outre, il découvre, en contactant l’Ordre des vétérinaires le lendemain, que le “docteur” L n’y est pas inscrit. En réalité, Mlle L est étudiante en T1 pro et, à ce titre, n’est pas assujettie à l’inscription au tableau de l’Ordre. Même si elle est en mesure d’exercer la médecine vétérinaire hors des périodes scolaires, elle ne peut qu’assister les docteurs B et F et, en aucun cas, les remplacer, a fortiori au cours d’une garde (seul un vétérinaire dûment habilité est en mesure d’assurer la permanence des soins, une des notions fondamentales sur laquelle insiste largement la transposition en droit français de la directive “services”). M. K se plaint également de la présentation de Mlle L sous le titre erroné de “docteur”.

Des étudiants dans la peau de conseillers ordinaux

Des étudiants étaient les acteurs de cette reconstitution grandeur nature : une animatrice de séance (Sarah Martin) et 4 conseillers ordinaux (Damien Michaud, Nicolas Damas, Guillaume Manneveau, Romain Mauduit). Étienne Leiseing jouait son rôle de président du CRO et Ghislaine Jançon celui de conseiller rapporteur de l’affaire. Yves Legeay (professeur à Oniris) interprétait le plaignant (M. K). Christophe Vocat (juriste conseil) endossait, quant à lui, le rôle de l’avocat de l’accusé du jour, le docteur B (incarné par Mélissa Boursier, étudiante). Le président de la chambre était un magistrat incarné pour l’occasion par Jacques Guérin. Le reste de la promotion constituait l’assistance d’une chambre (dont les séances sont ouvertes au public).

La parole est d’abord donnée au conseiller rapporteur, qui expose à la chambre les faits et les griefs retenus. Puis le président donne la parole au plaignant, qui rappelle les motifs de sa plainte. Par la suite, le président et les conseillers lui posent des questions complémentaires (« Un expert a-t-il été nommé pour déterminer si une erreur de soins a été commise ? », etc.). Vient l’heure de la plaidoirie du docteur B, puis sa défense par son avocat. De nouveau, les membres du Conseil tentent de clarifier l’affaire via quelques questions et laissent, comme il est d’usage, la parole à la défense pour clore la séance. Les conseillers se retirent enfin pour délibérer.

4 griefs majeurs retenus

Les motifs de la convocation du docteur B sont alors prononcés :

→ s’être fait assister par Mlle L, étudiante en T1 pro, ni titulaire d’un diplôme d’études fondamentales vétérinaires ni inscrite au tableau de l’Ordre, pour assurer un service d’urgence (beaucoup de vétérinaires s’exonèrent de cette responsabilité, même s’il n’est possible d’établir une convention qu’avec des personnes ou des structures de même degré de compétence) ;

→ s’être rendu coupable de complicité d’exercice illégal ;

→ avoir omis de transmettre un contrat de travail au Conseil de l’Ordre ;

→ avoir ouvert au public une consultation d’urgence dans des conditions n’assurant pas la qualité de services que les propriétaires sont en droit d’attendre.

Tous ces faits, s’ils sont vérifiés, constituent des infractions au Code rural. Les membres de la chambre délibéreront en s’y référant (en particulier au Code de déontologie intégré dans la partie réglementaire). Toutefois, en chambre de discipline, l’intime conviction est la règle pour des faits non palpables (ici, pour la complicité d’exercice illégal). En cas d’égalité des votes, la voix du magistrat compte double.

Mlle L risque 2 ans de prison et 60 000 € d’amende

Au final, les docteurs B et F sont condamnés à une suspension du droit d’exercer sur tout le territoire français pour une durée d’un mois et à 590,30 € de dépens, qui correspondent aux frais de procédure (il n’y a jamais d’amendes stricto sensu), pour les 2 motifs de non-transmission du contrat de travail et pour le manque de qualité du service d’urgence. L’affaire a été portée en appel devant le Conseil supérieur de l’Ordre (CSO), qui a adouci les peines devant l’absence évidente de volonté de nuire des défendeurs. La sanction prononcée par un CSO ne saurait aggraver le jugement précédent (à l’exception près où les 2 parties feraient appel). Mlle L n’étant pas inscrite à l’Ordre, elle ne peut être jugée par cette instance. Néanmoins, M. K a également porté cette affaire devant le tribunal pénal au motif de l’exercice illégal de la médecine vétérinaire. Le jugement n’a pas encore été rendu, mais les peines maximales encourues s’élèvent à 2 ans de prison et à 60 000 € d’amende. De plus, le tribunal pénal est compétent pour prononcer n’importe quelle sanction qui relève de la chambre de discipline du conseil régional de l’Ordre.

« Une réelle prise de conscience des risques encourus »

« Cet après-midi était instructif et réellement intéressant, non seulement dans l’aspect pratique de son déroulement, mais aussi sur le plan des connaissances fondamentales que nous avons acquises sur l’Ordre, expliquent Nicolas Damas et Damien Michaud. Nous mettre dans la peau des conseillers du CRO nous implique dans la problématique du statut de vétérinaire assistant, qui nous intéresse directement. Nous nous sommes rendu compte de l’importance que revêt désormais, dans notre profession, le consentement éclairé. Nous avons également pris conscience des peines encourues et de la facilité avec laquelle on peut atteindre un point de non-retour. » Une chose est certaine : la venue à l’école de membres de l’Ordre aura donné un visage à cette instance majeure de la profession. Les souvenirs laissés dans l’esprit des étudiants par cet après-midi risquent fort d’influencer leur pratique future.

  • 1 Le 7 décembre dernier.

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