Revue de cas d’anorexie chez des tortues terrestres - La Semaine Vétérinaire n° 1474 du 09/12/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1474 du 09/12/2011

Formation

NAC

Auteur(s) : OPHÉLIE HERVET

Fonctions : Assistante hospitalière à Oniris.

Points forts

– L’anorexie, un motif de consultation fréquent chez la tortue, a des causes variées. Cependant, elle est souvent liée à de mauvaises conditions de vie (environnement et alimentation).

– L’hospitalisation est conseillée.

– Le pronostic est réservé.

CAS CLINIQUES

Anamnèse et commémoratifs

9 tortues terrestres (6 grecques, 1 des steppes, 2 d’Hermann) sont présentées à la clinique NAC et faune sauvage de l’école vétérinaire de Toulouse entre mai et août 2011 pour anorexie ou dysorexie, associée à d’autres symptômes. L’âge moyen des tortues est de 5 à 10 ans. Toutes vivent en extérieur (sauf une en terrarium à la température inconnue et sans rayons ultraviolets). La plupart sont placées en hibernation en hiver, mais les dormances sont rarement bien contrôlées (réveils intermittents, température trop élevée, etc.). Dans la plupart des cas, les régimes alimentaires semblent bien adaptés à l’espèce.

Examen clinique

Outre l’anorexie/dysorexie, les symptômes sont un abattement (4/9), un amaigrissement (4/9), un jetage (2/9), un arrêt du transit (2/9), une blépharite (2/9), une carapace “tobleronnée” – signe de carences anciennes – (2/9), une dyspnée légère (1/9), une stomatite (1/9), une otite (1/9), une faiblesse musculaire sévère (1/9), une carapace molle (1/9) et des ulcères de la carapace (1/9).

Examens complémentaires

Des coproscopies sont effectuées chez 8 des 9 tortues. 6 présentent des résultats positifs avec, pour la majorité, des œufs de nématodes.

Des radiographies sont pratiquées chez 3 animaux.

Une prise de sang réalisée chez une tortue ne révèle pas d’anomalies.

Diagnostic

Un diagnostic de parasitose intestinale est établi chez 6 tortues. 2 rhinites, 2 blépharites, 1 otite, 1 stomatite, 1 fécalome débutant (arrêt du transit et débris intestinaux à la radiographie) et 1 hypocalcémie (carapace molle, faiblesse musculaire sévère et diminution de la densité osseuse à la radiographie) sont également diagnostiqués (associés ou non). L’otite, la rhinite et la blépharite sont des signes couramment associés à une hypovitaminose A.

Traitement

Une hospitalisation est proposée pour chacune de ces tortues. Il s’agit du meilleur moyen de les placer dans un milieu contrôlé tout en mettant en œuvre une thérapeutique de soutien (réhydratation, alimentation assistée, supplémentation vitaminique, etc.).

Des traitements adaptés à chaque animal sont également mis en place (vermifugation, paraffine, fumigations et intervention chirurgicale pour l’otite).

8 des 9 propriétaires acceptent l’hospitalisation. Celle-ci dure de 1 à 3 semaines. 3 tortues sont rendues à la suite de la reprise de l’appétit. 2 sont restituées après 3 semaines sans amélioration (l’une succombe par la suite, l’autre se remet à manger spontanément). 3 reptiles meurent au cours de l’hospitalisation. Le taux de mortalité s’élève à 50 %.

DISCUSSION

Influence des conditions de vie

Cette étude révèle que les conditions de vie optimales de l’espèce n’étaient respectées chez aucun des cas. Or, ces animaux sont particulièrement dépendants de leur milieu de vie, en particulier de la température. Chaque reptile possède une zone de température optimale (échelle de températures compatible avec un fonctionnement optimal de l’organisme, ZTO). La ZTO de la tortue grecque est comprise entre 25 et 32 °C. Placer cet animal en extérieur, sans chauffage, à sa sortie d’hibernation (mars-avril) favorise une baisse du système immunitaire et une diminution du métabolisme assortie de maldigestion. L’animal risque donc de s’affaiblir progressivement au fil des années.

De plus, une hibernation de mauvaise qualité (température trop élevée qui ne permet pas une réelle entrée en dormance), attestée par des réveils fréquents de l’animal, contribue à puiser dans ses réserves et à l’affaiblir.

Des carences fréquentes

Parmi les 9 tortues de cette étude, 5 montrent des signes de carence alimentaire actuelle ou ancienne (2 carapaces “tobleronnées”, dont 1 avec hypocalcémie avérée et 4 suspicions d’hypovitaminose A). La difficulté d’offrir à ces animaux un régime alimentaire adapté sur le long terme est ainsi mise en évidence. Par conséquent, l’alimentation revêt une importance particulière lors du recueil des commémoratifs (dans cette étude, seules 2 tortues sont victimes de grosses erreurs d’alimentation).

Un apport en calcium et en vitamines est essentiel dans la ration des tortues terrestres. Les hypocalcémies sont fréquentes en raison d’une alimentation trop pauvre en calcium (laitue, tomate, herbe, etc.) ou d’une carence en vitamine D (généralement liée à l’absence d’accès aux rayons ultraviolets chez les animaux vivant en intérieur). Les hypovitaminoses A, plus rares que chez les tortues aquatiques, restent possibles. La vitamine A est indispensable au renouvellement des épithéliums de recouvrement. Les signes cliniques associés sont des atteintes des systèmes respiratoire (rhinite, pneumonie), digestif (anorexie), reproductif (dystocie), oculaire (blépharite), auditif (otite) et cutané (troubles de la mue, ulcères cutanés, etc.).

Prévention

Les principales maladies responsables d’anorexie chez ces espèces sont liées à des conditions de vie inadaptées. La meilleure prévention de ces troubles consiste à assurer à ces animaux des conditions de maintenance adaptées à leurs besoins physiologiques.

Par conséquent, il convient de maintenir ces reptiles en terrarium chauffé (point chaud entre 32 et 35 °C). L’hibernation (à condition d’être correctement menée) est possible chez les tortues en bonne santé. Elle est toutefois déconseillée chez un animal affaibli. Le reptile peut être placé dans un enclos extérieur en période estivale, si les conditions météorologiques le permettent (température pas inférieure à 25 °C la journée et à 20 °C la nuit). Une lampe à UV est à installer directement dans le terrarium (le verre arrête les rayons UV), à moins de 30 cm de l’animal.

Il importe de proposer un régime alimentaire adapté à la tortue, afin d’assurer des apports corrects en calcium et en vitamines (voir tableau). Une supplémentation orale en calcium peut être instaurée 1 à 2 fois par semaine et une supplémentation vitaminique environ tous les 2 mois.

Bibliographie

  • 1. Boyer Th., Boyer Dm. : « Turtles, tortoises and terrapins », Reptile Medicine and Surgery. Canada, Saunders Elsevier, 2006, p. 78-99.
  • 2. Boyer Th. : « Hypovitaminosis A and hypervitaminosis A », Reptile Medicine and Surgery, Canada, Saunders Elsevier, 2006, p. 331-835.
  • 3. Goin J. : « Liste des végétaux pouvant être distribués aux iguanes », 2008.
  • 4. Rossi J. : « General husbandry and management », Reptile Medicine and Surgery, Canada : Saunders Elsevier, 2006, p. 25-41.
  • 5. Schilliger L. : « Guide pratique des maladies des reptiles en captivité », 1re éd., Paris, Med’com, 2004.
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