Priorité à la lutte contre l’antibiorésistance - La Semaine Vétérinaire n° 1473 du 02/12/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1473 du 02/12/2011

Plan de la Commission européenne

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Auteur(s) : STÉPHANIE PADIOLLEAU

La Fédération vétérinaire européenne (FVE) a organisé1 un séminaire intitulé « antimicrobials : a true one health issue ». Un problème commun à l’homme et à l’animal, car les résistances observées chez les bactéries qui affectent le premier sont également présentes chez le second. Les traitements utilisés en élevage sont suspectés du pire.

L’épidémiologie de la résistance se caractérise par une phase de développement extrêmement ancienne qui n’a rien à voir avec l’utilisation d’antibactériens. Ce phénomène apparaît quelque part et peut se diffuser à d’autres bactéries. Les résistances sont ensuite sélectionnées. C’est à cette étape-là que l’usage d’antibiotiques entre en jeu, par augmentation de la pression de sélection. Une fois les bactéries sensibles éliminées, il ne reste plus que les résistantes. Ces dernières peuvent alors se multiplier et échanger leurs gènes, assurant ainsi la persistance de la résistance. Une dernière phase, dite de réduction, est éventuellement possible. Elle existe chez quelques bactéries, pour quelques molécules. Elle est toutefois extrêmement rare.

Depuis 2006, les staphylocoques dorés résistants à la méthicilline (Sarm) sont moins fréquents chez l’homme dans certains pays, à la suite de la réduction de l’usage des antibiotiques. Contre-exemple, la résistance au chloramphénicol est toujours aussi répandue, en dépit d’un frein puissant à son utilisation.

Grâce à des supports mobiles (plasmides, entre autres) et à l’augmentation des voyages, la transmission des gènes de résistance facilite la diffusion des résistances. Toute personne qui se rend en Inde ramène des clones de bactéries résistantes : 80 à 90 % des E. coli présents dans ce pays sont producteurs de bêta-lactamases à spectre élargi (ESBL). Sans aller aussi loin, une personne qui mange du poulet a 1,53 % de chances d’ingérer des coliformes producteurs d’ESBL. Lorsque ces bactéries sont également productrices de carbapénémases, il ne reste alors plus que 2 antibiotiques potentiels en mesure de les soigner (la tygecycline et la colistine). Aucune nouvelle molécule active contre ces bactéries Gram négatif n’est attendue avant 5 à 10 ans. Voilà un vaste et urgent problème auquel s’attaque l’Europe.

La collecte de données comparables pour tous les pays est préconisée

La FVE a clairement exprimé sa position par la voix de son président, Christophe Buhot. Les mesures proposées doivent être fondées sur les résultats scientifiques, mais aussi être réalistes, obligatoires, proportionnées, durables et évaluées. Un amendement au Code de conduite des vétérinaires européens est prévu. Il insistera sur la nécessité, pour les praticiens, de garder à l’esprit les conséquences de l’emploi de médicaments en médecine vétérinaire sur l’utilisation des mêmes molécules chez l’homme. À tout moment, le vétérinaire doit être conscient des implications du développement de résistances à des molécules ou des familles de molécules spécifiques. En outre, la collecte de données est préconisée. Celles-ci doivent être comparables pour tous les pays. L’accent est mis sur l’importance de la prescription, qui est la conclusion raisonnée d’un diagnostic établi à la suite d’un examen clinique effectué par le praticien. Ce sont des actes vétérinaires et ils doivent le rester. La qualité de la prescription est à soigner, avec une meilleure utilisation des antimicrobiens. « Un usage non prévu par la notice ou qui suit la cascade doit être restreint ou interdit », a insisté Christophe Buhot. Autres préconisations : restreindre le recours aux antibiotiques critiques et ne les utiliser que lorsqu’il n’existe pas d’autre alternative (après un test de sensibilité). L’emploi en prophylaxie, ou pire, en aliment médicamenteux, ne doit pas être la norme, et en aucun cas compenser de mauvaises conditions d’élevage. Les produits “discount” et les prix variables sont également en ligne de mire. Un tarif au kilo identique (quelle que soit la présentation) et une interdiction des ventes sur Internet (car cela peut nuire aux efforts entrepris) sont proposés.

Pas de remise en cause européenne du système français de santé animale

Le plan de lutte contre l’antibiorésistance de la Commission européenne (voir encadré) présenté le 18 novembre allie des actions à mettre en œuvre en médecine humaine (1, 4, 6, 9) et vétérinaire (2 et 3, 5, 7, 10). D’autres mesures (8, 11 et 12) concernent les 2.

Dans tous les cas, un renforcement de l’information au grand public et de la formation des professionnels, qui prescrivent (médecins et vétérinaires) des antibactériens ou qui les utilisent (éleveurs), est prôné. Le but est de sensibiliser et, surtout, de favoriser une utilisation sécurisée des molécules dont on dispose actuellement. Comme l’a expliqué Ladislav Miko (DG Sanco2), venu exposer le plan aux vétérinaires, « c’est un premier pas dans un problème très complexe ».

Une présentation renforcée par le discours de Marit Paulson, représentant du Parlement européen : « L’objectif ultime est de maintenir l’efficacité des antibactériens. » Pas d’interdictions strictes, pas encore de législation ferme, mais des lignes de conduite que les États membres sont invités à respecter. En raison de l’aspect mondial et multisectoriel du problème, l’importance d’une approche holistique est soulignée (santé humaine, animale et publique, sécurité sanitaire des aliments, environnement).

Certaines propositions, en contradiction avec la libre-circulation des produits ou le Code du commerce, ne peuvent s’appliquer en l’état : la bonne information des consommateurs prend alors tout son sens en vue de restreindre l’emploi d’antibiotiques. En revanche, aucune volonté de découpler prescription et délivrance n’est mentionnée. Pour l’instant, la remise en cause européenne du système français de santé animale n’est donc pas évoquée.

  • 1 Le 18 novembre dernier, journée européenne de sensibilisation aux antibiotiques, à Bruxelles.

  • 2 Direction générale de la santé et de la protection du consommateur.

Les 12 actions concrètes de la Commission européenne

1. Améliorer la sensibilisation à une utilisation appropriée des antimicrobiens.

2. Renforcer la législation de l’Union dans le domaine des médicaments vétérinaires et des aliments médicamenteux pour les animaux.

3. Élaborer des recommandations pour une utilisation avisée en médecine vétérinaire, y compris dans les rapports de suivi.

4. Renforcer la prévention et la lutte contre les infections.

5. Intégrer à la nouvelle législation sur la santé animale des outils juridiques destinés à renforcer la prévention et la lutte contre les infections.

6. Favoriser des activités conjointes inédites en vue de mettre de nouveaux antimicrobiens à la disposition des patients.

7. Encourager l’étude des besoins de la médecine vétérinaire en nouveaux antibiotiques.

8. Favoriser et/ou renforcer les engagements multilatéraux et bilatéraux aux fins de la prévention de la résistance aux antimicrobiens et de la lutte contre celle-ci.

9. Renforcer les systèmes de surveillance de la résistance aux antimicrobiens et de l’utilisation d’antimicrobiens en médecine humaine.

10. Renforcer les systèmes de surveillance de la résistance aux antimicrobiens et de l’utilisation d’antimicrobiens en médecine vétérinaire.

11. Intensifier et coordonner les travaux de recherche.

12. Mieux informer le grand public.

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