Traiter l’arthrose chez un chien insuffisant rénal - La Semaine Vétérinaire n° 1471 du 18/11/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1471 du 18/11/2011

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Thibaut Cachon*, Jean-Pierre Genevois**, GWENAËL OUTTERS***

Fonctions :
*service de chirurgie, VetAgro Sup Article rédigé d’après une conférence présentée au congrès de l’Afvac en 2010, à La Défense.

L’arthrose et l’insuffisance rénale chronique (IRC) sont fréquentes. Il est donc logique de retrouver ces affections de façon concomitante. Cependant, les anti-inflammatoires, clé de voûte du traitement de l’arthrose, présentent des contre-indications lors d’IRC. Cette problématique a fait l’objet d’une présentation au dernier congrès de l’Afvac.

MESURES HYGIÉNIQUES

La prise en charge thérapeutique classique de l’arthrose est multimodale : contrôle du poids, adaptation du mode de vie, physiothérapie, thérapie médicamenteuse dominée par l’administration d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et traitement chirurgical. Chez les animaux arthrosiques atteints d’IRC, il convient d’insister sur le traitement hygiénique en vue de s’affranchir du traitement médical le plus longtemps possible. L’obésité ne constitue pas une cause primaire d’arthrose, mais elle aggrave celle-ci (augmentation des contraintes sur l’articulation, baisse de l’activité à l’origine d’une amyotrophie). Une perte de poids de 6 à 8 % permet de diminuer la douleur et d’améliorer la locomotion en réduisant la sévérité des lésions. Elle retarde le recours aux traitements médicamenteux.

La prévention de l’obésité diminue également la prévalence de l’arthrose. Le mode de vie de l’animal arthrosique est adapté, avec le maintien d’une activité physique fréquente, régulière et de faible intensité. Cette mobilisation articulaire assure une vitalité du cartilage, réduit l’ankylose, lutte contre l’amyotrophie et favorise le contrôle du poids. La marche en laisse et la natation ont prouvé leurs effets bénéfiques. L’exercice s’arrête avant que l’animal ressente une douleur. La physiothérapie met en œuvre des techniques dont le bénéfice est avéré. Celles-ci sont applicables en clinique ou à domicile (cryothérapie, application de chaleur avant l’exercice, massages, mobilisation active ou passive, ultrasons, électrostimulation, balnéothérapie, etc.).

ADAPTER LES POSOLOGIES

Le traitement médicamenteux est indispensable dans la majorité des cas : il procure une analgésie satisfaisante et limite la progression de l’arthrose. La pharmacocinétique des molécules est modifiée lors d’IRC. L’effet des molécules et la sensibilité des récepteurs sont augmentés. L’élimination du médicament est perturbée si son excrétion est rénale. Il convient, par conséquent, d’adapter les doses à l’animal et de chercher la quantité minimale efficace. En revanche, l’absorption digestive demeure inchangée, dans la mesure où le sujet ne reçoit pas d’antiacides ni de sels de calcium.

Pour traiter correctement les animaux insuffisants rénaux, il convient de les stabiliser, de grader l’IRC pour choisir les molécules utilisables et de traiter les complications (hypertension, hyperparathyroïdie secondaire). Il est important de lister les traitements associés (inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine [Ieca], chélateurs, pansements digestifs, etc.) et les affections concomitantes (insuffisance cardiaque en particulier).

QUAND UTILISER LES AINS

Les AINS, en réduisant l’action des prostaglandines, génèrent une vasoconstriction de l’artériole rénale afférente. S’ensuit une chute du débit de filtration glomérulaire, qui peut entraîner une insuffisance rénale aiguë ou une majoration d’une IRC préexistante. Les AINS favorisent également la nécrose papillaire.

Chez le chien et le chat, les cox1 et les cox2, exprimés de façon similaire dans le rein, servent au maintien de la perfusion rénale. Les effets rénaux des AINS ne sont donc pas diminués par le recours aux coxibs. Ils sont néanmoins à préférer, car ils minimisent les lésions intestinales. L’administration d’AINS est à adapter selon le stade de l’IRC, de la protéinurie, de l’hypertension et des traitements concomitants. L’association d’un AINS et d’un Ieca est à éviter, car elle diminue la perfusion rénale. Les AINS peuvent être utilisés sous surveillance médicale stricte (mesures biochimiques, pression artérielle, culot urinaire, protéinurie, glycosurie), chez les animaux présentant une IRC de stade 1 et 2, non-hypertendus et non protéinuriques. Le dosage des gamma-GT urinaires est également un marqueur sensible des lésions glomérulaires. La dose, la fréquence et la durée sont adaptées (titration).

PRIVILÉGIER LES ANTALGIQUES AUTRES QUE LES AINS

Les morphiniques sont indiqués lors de douleurs vives chez un animal atteint d’IRC, par voie injectable. Leur élimination est rénale et les effets secondaires sont susceptibles d’être majorés (augmentation de la dépression respiratoire chez l’homme, peu rencontrée chez l’animal). La dose doit, par conséquent, être diminuée (titration en vue de trouver la dose minimale efficace). Le relais per os s’effectue à l’aide des dérivés morphiniques. Les phénomènes d’accoutumance observés chez l’homme ne sont pas rapportés chez l’animal. Le tramadol peut être prescrit au long cours, sous sa forme à libération prolongée, à raison de 5 mg/kg matin et soir chez le chien (demi-dose chez le chat) sans effets secondaires.

La gabapentine, analogue au Gaba (1 à 10 mg/kg matin et soir), est couramment utilisée pour traiter les douleurs neurogènes. Son effet secondaire majeur, rapporté chez l’homme, est une sédation. Celle-ci se rencontre rarement chez l’animal. Elle s’élimine par voie rénale. Son efficacité est observée au bout de quelques jours à quelques semaines et un sevrage progressif est indispensable. Les antiacides diminuent son absorption de 20 %. Il est donc conseillé d’en décaler la prise de 2 heures.

L’amantadine (3 à 5 mg/kg/j pendant 21 jours minimum), analgésique central, est un antagoniste des récepteurs N-méthyl-D-aspartate (NMDA). Son élimination est rénale. Cette molécule présente un intérêt dans la prise en charge des douleurs chroniques. Ses effets secondaires (sédation, agitation) sont rares chez l’animal.

COMPLÉMENTS ALIMENTAIRES

Lors d’IRC, il est possible d’administrer des chondroprotecteurs. En ce qui concerne les compléments alimentaires, aucune notion pharmacocinétique n’est disponible. Ils possèdent un effet principalement anti-inflammatoire (diminution du nombre et de l’intensité des crises). Ils peuvent être utilisés au long cours. Une supplémentation en ω3 chez l’animal arthrosique a prouvé son efficacité dès 6 semaines (réduction de la dégradation du cartilage, amélioration de l’activité physique et diminution du recours aux AINS). Ces acides gras diminuent la production de métalloprotéases et de cytokines proinflammatoires au niveau articulaire.

Par ailleurs, ils ont également prouvé leur intérêt dans la prise en charge de l’IRC (baisse de la mortalité, amélioration de la fonction rénale, diminution de la protéinurie, lutte contre la cholestérolémie). Bien que la dose et le ratio ω3/ω6 pour une réelle efficacité thérapeutique restent encore empiriques, une complémentation en ω3 chez le chien arthrosique atteint d’IRC est indiquée.

CHIRURGIE

Le traitement chirurgical est étiologique (rupture du ligament croisé antérieur) ou symptomatique (arthroplastie, dénervation de la hanche). Dans les stades peu élevés d’IRC, l’intervention chirurgicale peut se révéler intéressante. Elle est subordonnée à une anesthésie de courte durée et raisonnée, avec un maintien de la pression artérielle (monitoring, fluidothérapie, dobutamine éventuellement). Le rapport bénéfice-risque est à évaluer avec le propriétaire.

POINTS FORTS

– L’insuffisance rénale chronique nécessite une adaptation du traitement de l’arthrose.

– Il convient d’insister sur les mesures hygiéniques afin de s’affranchir du traitement médical le plus longtemps possible.

– La dose minimale efficace est à rechercher pour tout médicament.

– Les AINS peuvent être utilisés sur de courtes durées au cours des premiers stades de l’insuffisance rénale chronique. Sinon, d’autres antalgiques sont à privilégier.

– Les ω3 sont indiqués dans les 2 affections.

LIEN ENTRE MALADIE RÉNALE ET DOULEURS MUSCULO-SQUELETTIQUES

Des études1 menées chez l’homme révèlent que les douleurs sont plus fréquentes chez les patients atteints d’IRC (75 % versus 20 % dans le lot témoin). Il s’agit principalement de douleurs musculo-squelettiques, dont l’importance augmente avec le stade de l’IRC et le surpoids. Cette douleur accrue est associée, chez l’homme, à l’hyperparathyroïdie secondaire. Celle-ci entraîne un remaniement de la plaque osseuse sous-chondrale, favorise la dégradation du cartilage, augmente les contraintes qui s’exercent sur ce dernier et dépose des substances amyloïdes dans les articulations. Une ostéomalacie est également rapportée. Chez le chien, aucune étude ne prouve la relation entre l’IRC et l’augmentation de la douleur articulaire. Cependant, comme chez l’homme, 75 % des chiens atteints d’IRC souffrent d’une hyperparathyroïdie secondaire, ce qui pourrait majorer les douleurs arthrosiques2. Par ailleurs, l’IRC entraîne une amyotrophie délétère lors d’arthrose.

1 Pham PC, « Pain prevalence in patients with chronic kidney disease », Clin Nephrol . 2010.

2 Cortedallas, JVIM 2010.

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