Packaging, la griffe des laboratoires pour vous emballer - La Semaine Vétérinaire n° 1470 du 12/11/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1470 du 12/11/2011

Dossier

Auteur(s) : ISABELLE DIQUÉRO

Carrés, rectangulaires, cylindriques, ils peuplent les étagères de vos cliniques. Ces quelques grammes de carton ou de plastique font partie de votre quotidien. Vous les manipulez sans savoir, qu’en réalité, ce sont peut-être eux qui vous manipulent. Si vous ne doutez pas de la puissance des principes actifs que renferment les médicaments, il est temps de vous interroger sur la force de leur emballage et de leur nom. Fruit de la réflexion commune d’un laboratoire et d’agences de création, leur conception ne doit rien au hasard. Secrets de fabrication.

Peu importe le flacon », pensez-vous… « Faux », répondent en chœur les agences de design, de création de nom et les laboratoires. Ceux-ci se livrent régulièrement à un exercice difficile : faire parler les produits. Ils les nomment, les habillent, déclinent leur message sur différents registres à la recherche du ton juste. S’il est tentant d’établir un parallèle entre le processus de mise en boîte d’une lessive et celui d’un médicament vétérinaire, il vaut mieux s’en abstenir. La démarche de base reste pourtant la même. « Avec les produits vétérinaires, explique Jean-Michel Farce, directeur général d’IG Design, nous nous adressons à des professionnels qui ont besoin de disposer d’innovations extrêmement concrètes. Nous évoluons dans le monde du réel, qui est bien différent de celui du “food”. »

US ET COUTUMES

Cet univers est doté de codes d’usage bien définis, auxquels il est impératif de se conformer. Qu’il s’agisse du nom ou du packaging, les instances veillent. Le carcan juridique qui entoure le baptême d’un médicament et son emballage est strict. La sélection des noms s’effectue à la lettre près, car il n’est pas question de créer de confusion entre les produits et les classes thérapeutiques. De plus, outre les critères classiques communs à tous les produits, le nom du médicament ne doit en aucun cas être déceptif (c’est-à-dire trompeur pour l’utilisateur) et induire d’assimilation avec la dénomination commune. Du côté de l’emballage, la grammaire est également pointilleuse. « Les obligations sont lourdes à gérer, concède Jean-Michel Farce. Nous devons délivrer une multitude d’informations sur une surface physique souvent insuffisante, surtout lorsque les mentions doivent figurer en plusieurs langues. » Au cadre dicté par les textes s’ajoutent les impératifs liés au terrain, qu’il s’agisse des utilisateurs ou des moyens de production. « Les volumes sont déterminés par les besoins de terrain, explique Yann Viguerie, directeur marketing ruminants chez MSD santé animale. Nous ne conditionnons pas des seringues par 1 000 quand un troupeau compte, en moyenne, 45 têtes. Ensuite, la logique industrielle est prise en compte. Pour des raisons de coûts, nous essayons d’avoir des gammes de production qui utilisent au maximum la même chaîne. Ainsi, il arrive parfois que le terrain dise 32 alors que la production impose 24. » Un phénomène confirmé par Jean-Michel Farce. « Dans certains cas, nous commençons par visiter les élevages avant de décider quoi que ce soit, confie-t-il. Il faut savoir écouter. Le meilleur packaging n’est pas forcément le plus original ou le plus beau. C’est avant tout celui qui correspond le mieux à l’ensemble des critères fixés. »

MODES D’EXERCICE

Le poids de la réglementation et de l’industrie provoque inévitablement une standardisation. Dans un tel environnement, la mode a-t-elle son mot à dire ? Rodolphe Grisey, créateur de l’agence Demoniak, répond à cette question par la négative : « Une marque n’est pas faite pour exister 6 mois ou 1 an. Il vaut donc mieux s’en méfier. » En revanche, il évoque volontiers un phénomène de courant : « Un travail s’effectue plutôt en aval de la création. Si un produit fonctionne bien, nous avons tendance à vouloir nous rapprocher au maximum de son nom. Il se forme alors un courant. »

« Il nous est souvent demandé de sortir des effets de mode, affirme à son tour Sophie Gay, directrice de Nomen France. Une originalité est avant tout recherchée. Nous nous efforçons donc de respecter les fondamentaux de notre client pour aboutir à quelque chose d’ajusté. Une sorte de costume sur-mesure. » Ce costume est croisé pour Pfizer : « Les noms de nos produits comprennent souvent la lettre X », explique Vanessa Dablin, responsable des affaires réglementaires des laboratoires Pfizer. Yann Viguerie confie, pour sa part que, lors du lancement de Zuprevo®, le choix du laboratoire s’est porté sur un nom en Z, « parce qu’il existe peu de mots commençant par cette lettre ; la mémorisation est ainsi facilitée ». Il n’y a donc pas de diktat, mais « des briefs clients qui, par salve, se ressemblent », explique Sophie Gay. Ainsi, le développement durable, le naturel, la préservation de l’environnement marquent de leur empreinte les noms, de même que « les racines classiques qui ont un effet rassurant », constate Rodolphe Grisey.

L’ATTRACTION COMME MOTEUR

« Il n’y a pas de mode proprement dite, assure Jean-Michel Farce. Actuellement, la tendance est à la praticité. L’objectif est de faciliter l’administration et l’observance, d’être plus didactique via le packaging. La préférence peut passer par l’intelligence de l’emballage primaire et secondaire, à condition qu’elle simplifie la vie du vétérinaire. »

La préférence est bel et bien le nerf de la guerre. Parce qu’en habillant leurs produits, c’est avant tout les praticiens que les laboratoires cherchent à emballer. « Dans les gammes de produits pour ruminants, nous sommes plus informatifs que séducteurs, reconnaît Yann Viguerie. Nous recherchons avant tout l’ergonomie. Cependant, plus nous sommes sur de grands volumes et sur du grand public, plus le travail de visibilité devient un exercice d’attractivité. Avec les antiparasitaires, la mise à l’herbe durant 2 mois, il est essentiel d’attirer. »

« Il n’y a rien de gratuit, confirme Ludovic Besson, dirigeant de l’agence Détour Graphic. Les codes couleurs ont une importance. Ils varient selon l’animal, la cible et la saisonnalité. Les couleurs douces s’approprient plus facilement, par exemple. Des tons plus agressifs sont plus volontiers utilisés pour un produit choc ou des teintes vives pour un produit phare. Pour les articles saisonniers, nous nous servons du cercle chromatique de l’époque à laquelle s’utilise le produit, comme le vert et l’orange pour le printemps. » Le nuancier est large. En effet, il n’existe aucun interdit en la matière, ni convention prédéterminée. « Il n’y a pas de code couleur vétérinaire, souligne Jean-Michel Farce. Des associations se créent avec l’usage. Pour chaque laboratoire, il y a des habitudes locales et des référents coloriels qui ne doivent pas bouger. » Chez Pfizer, par exemple, la vague est toujours présente sur l’emballage. Véritable signature, elle figure systématiquement à la même place. « La couleur diffère selon les produits, détaille Elizabeth Costes, directrice marketing. Elle joue un rôle informatif, tout comme la valence, le dessin de l’espèce ou encore la voie d’administration. Elle facilite la vie du vétérinaire. » Ces habitudes ne ferment pas la porte à la nouveauté, en particulier quand il est question de faire la différence. Pfizer n’a pas hésité à introduire du noir sur ses packagings pour son effet “produit haut de gamme”.

LES TONS CHANGENT

Qu’en est-il de l’originalité ? Les laboratoires vétérinaires sacrifieraient-ils la créativité sur l’autel de la réglementation ? Cela n’est pas certain. D’autant que, contrairement à ce que véhiculent quelques idées fortement ancrées dans l’imaginaire collectif, l’inventivité a la part belle dans ce long processus d’élaboration. Même si plus de 2 000 à 3 000 noms candidats sont créés avant de franchir l’ensemble des filtres, les machines n’interviennent pas. « Dans les années 80, dans certaines agences, des émulateurs moulinaient les choses, se rappelle Sophie Gay. Mais ce moyen est extrêmement limité et très pauvre. Chez Nomen France, il n’y a que des cerveaux et des stylos. » « La machine qui sort un nom n’existe pas, renchérit Rodolphe Grisey. Nous privilégions le travail de réflexion. Nous nous faisons éventuellement aider par l’ordinateur pour les recherches encyclopédiques et surtout pour le préfiltrage (recherche de marques existantes, vérification des antériorités, NDLR). » L’humain garde donc la main. Pourtant, « aujourd’hui encore, beaucoup de laboratoires ne s’autorisent pas à aller sur le terrain de l’originalité, même si ce moyen est idéal pour se démarquer, constate Ludovic Besson. Ils craignent les conséquences éventuelles sur leur image ou sur celle de leur produit. Cependant, nous sentons une évolution. Nous pouvons commencer à nous faire plaisir, même sur les packagings. Les générations ont évolué. L’éleveur a changé. Et les laboratoires perçoivent l’intérêt d’aller plus loin dans la communication, même sur le produit. »

JARGON DU NOM

Antériorité : existence de droits antérieurs (marques, mais aussi noms de sociétés, de domaines exploités, droits d’auteurs, etc.) qui rendent la marque indisponible.

Déceptive : se dit d’une marque susceptible de tromper les consommateurs (sur l’origine, la nature, la qualité ou la destination des produits ou des services désignés).

Déchéance : en France, la marque appartient au 1er déposant. Ce dernier peut se voir déchu de ses droits en justice par un tiers intéressé si la marque n’est pas exploitée depuis 5 ans.

Sémio-marketing : la sémiologie au service du marketing. Relatif à la marque, ce terme désigne l’étude des signes (typologie des noms, sonorités, lettres logos, etc.) qui apportent leur éclairage sur l’objectif marketing d’un dépôt de marque.

Veille active : surveillance des dépôts des concurrents afin d’analyser et de prévoir les actions marketing.

Veille marketing : surveillance des actions de la concurrence (terrain, actions juridiques, médias, etc.).

Veille passive ou juridique : surveillance de ses propres marques afin d’éviter la contrefaçon.

RECHERCHE DE NOM UN BAPTÊME VU DE L’INTÉRIEUR

« Le délai idéal pour conduire une recherche de nom dans cet univers est de 3 semaines, pour l’ensemble des phases créatives », indique Jean-Pierre Gauthier, fondateur et directeur de l’agence de création de noms Apanage. Il est toutefois nécessaire d’ajouter un délai de 4 à 8 semaines pour l’ensemble des phases de validation juridique du nom retenu. Le travail s’effectue conjointement entre l’agence de création et le laboratoire.

Pour Apanage, la présence d’un directeur de projet senior est indispensable. Il assiste le client tout au long du processus. Du côté de celui-ci, la présence d’un chef de produit et d’un responsable scientifique est nécessaire. Compte tenu de la spécificité de ce type de recherche, ils sont les garants de la validité du cahier des charges de la recherche créative. Leur expertise assure les orientations en termes d’univers d’évocations, de mots clefs, d’interdits. Ils définissent le cadre législatif spécifique à ce type de recherche, en particulier en ce qui concerne les autorisations de mise sur le marché.

→ La 1re étape est essentielle. Une bonne recherche de nom débute avant tout avec un bon cahier des charges. « Nous avons mis au point un outil, Guidage®, véritable liste des bonnes questions à se poser. Il couvre l’ensemble des contraintes : univers de produit, catégorie, prescription, concurrence, univers d’évocations souhaités. En clair, il vise à définir la promesse de la spécialité. »

→ Ensuite, à partir des informations recueillies dans ce cahier des charges, les différentes phases créatives (groupe créatif, recherches documentaires, de suffixes et de préfixes pertinents) sont développées.

→ La 3e étape est celle de la synthèse. Elle conduit à produire un millier de propositions de noms. « Nous effectuons ensuite un 1er filtrage juridique dans la classe 5, celle des produits pharmaceutiques et vétérinaires. Cela ne remplace pas la recherche d’antériorités approfondie, conduite de préférence par les services juridiques du laboratoire, mais elle permet de l’optimiser, en écartant les noms manifestement indisponibles. Au bout du compte, nous présentons à notre client une quarantaine de propositions argumentées. Nous sommes parfois amenés à conduire une recherche créative complémentaire. »

SÉANCE D’HABILLAGE

Briefing

→ Le laboratoire pharmaceutique rencontre le laboratoire d’idées (agence de design) afin de lui expliquer sa démarche. Il fixe le cahier des charges sur les aspects réglementaires, industriels et techniques. De son côté, l’agence définit les modalités de réalisation, le calendrier et les prix.

Conception et création

→ Un certain nombre de projets (entre 5 et 7) sont appliqués sur le facing des boîtes de médicament, puis présentés.

→ Le laboratoire retient 1 ou 2 projets.

→ Selon le choix du laboratoire, les éléments sélectionnés sont testés ou non sur des vétérinaires, des éleveurs ou des utilisateurs.

→ La forme finale est présentée à l’échelle réelle (prototype de la boîte complète).

Exécution

→ Le packaging débute sa vie sur les lignes de production et les linéaires. Ce parcours nécessite entre 6 et 12 mois selon l’ampleur de la tâche (produit isolé ou gamme). Son coût représente assurément un budget considérable, mais difficile à évoquer et à révéler, à en croire le silence des acteurs concernés. Les chiffres peuvent varier de 1 à 100 selon le travail réalisé.

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