Conduite à tenir face à une cataracte diabétique - La Semaine Vétérinaire n° 1470 du 12/11/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1470 du 12/11/2011

Formation

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : FRANK FAMOSE

Fonctions : praticien à Blagnac (Haute-Garonne).

Points forts

– La cataracte affecte 75 % des chiens diabétiques dans un délai moyen de 6 mois après la découverte de leur diabète.

– Seule une intervention chirurgicale permet de récupérer la transparence du cristallin.

– L’équilibre du diabète n’est pas un facteur limitant l’acte chirurgical. En revanche, le comportement du chien en est un.

– L’intervention chirurgicale requiert la motivation des propriétaires.

– La technique est similaire à celle employée pour les cataractes classiques (phacoémulsification et implantation d’un cristallin).

La cataracte diabétique est relativement fréquente et parfois déroutante. Elle est liée aux perturbations métaboliques associées à l’évolution du diabète et s’accompagne d’une perte de vision généralement brutale.

ÉPIDÉMIOLOGIE

La cataracte atteint 75 % des chiens diabétiques dans un délai moyen de 6 mois après la découverte de leur diabète. Son évolution est d’autant plus précoce que l’animal est jeune. La perte de vision qui en résulte constitue parfois le motif de consultation conduisant au diagnostic de diabète sucré. Chez le chat, la cataracte diabétique est exceptionnelle.

PATHOGÉNIE

L’élément clé du développement de la cataracte diabétique est l’activité de l’aldose-réductase induite par l’hyperglycémie. Cette enzyme contenue dans le cristallin transforme le glucose en sorbitol. Ce dernier s’accumule et génère un appel osmotique. L’aldose-réductase est présente en grande quantité chez le jeune animal et disparaît chez le sujet âgé. Chez le chat, elle est indétectable après l’âge de 3 ans. Cela explique la faible fréquence de cataracte diabétique chez cette espèce.

L’augmentation de la concentration de glucose dans le cristallin s’accompagne également d’altérations des protéines par glycosylation et de phénomènes oxydatifs par libération de radicaux libres. L’effet osmotique entraîne la rupture des parois cellulaires dans le cristallin et la séparation des fibres qui conduit à la perte de transparence et à la cécité. L’augmentation globale du volume du cristallin s’accompagne de la rupture des capsules. La libération dans la chambre antérieure de protéines du cristallin, qui ne sont pas reconnues par l’organisme, est responsable d’une uvéite phacoallergique.

SYMPTÔMES

La cataracte diabétique évolue selon 4 stades.

1) La cataracte vacuolaire se manifeste par l’apparition de bulles équatoriales visibles après dilatation pupillaire (voir photo 1). Elle ne s’accompagne d’aucun trouble visuel.

2) La cataracte immature est signée par un aspect flou de la pupille. Les troubles visuels sont présents, avec un degré d’invalidité variable. Le fond d’œil reste visible par endroits.

3) Au stade de la cataracte mûre, le cristallin est blanc, homogène, volumineux (intumescent). Les lignes de suture sont visibles en face antérieure sous la forme d’un Y renversé (voir photo 2).

4) Lors de cataracte hypermature, le cristallin perd son homogénéité et présente des plis capsulaires. Les signes d’uvéites sont notés : pigments sur le cristallin, iris sombre (voir photo 3).

TRAITEMENT MÉDICAL

Les moyens de traitement médical sont limités. Depuis 2 ans, il existe un inhibiteur de l’aldose-réductase (Kinostat®) sur le marché américain. Il permet, par instillations oculaires, de “bloquer” l’évolution de la cataracte au stade vacuolaire. Son action est prouvée chez le chien. Les antioxydants n’ont, pour le moment, aucune activité démontrée. Dans le cadre de l’uvéite phacoallergique, les anti-inflammatoires ont un effet limité dans la mesure où l’allergène, représenté par les protéines du cristallin, reste présent dans l’œil.

TRAITEMENT CHIRURGICAL

Lorsqu’une cataracte est installée, seule l’intervention chirurgicale permet de récupérer la transparence. Elle vise à retirer les opacités tout en prévenant l’inflammation intra-oculaire.

Choix des animaux aptes à l’acte chirurgical

Les sujets sont sélectionnés selon 3 ? types de critères.

→ Critères oculaires

L’évaluation ophtalmologique s’effectue en 3 temps. Premièrement, il s’agit de s’assurer, via l’examen clinique et la lampe à fente, que l’animal souffre bien d’une cataracte et que celle-ci constitue un handicap visuel. La 2e étape permet d’identifier les éventuels éléments péjoratifs pour l’intervention (kératoconjonctivite sèche, uvéite, glaucome), grâce au test de Schirmer, à la mesure de la pression intraoculaire et à l’examen après dilatation pupillaire. Enfin, il convient de vérifier l’intégrité et la fonctionnalité de la rétine avec l’échographie du segment postérieur et l’électrorétinographie.

→ Critères généraux

L’intervention chirurgicale relative à la cataracte s’effectue sous anesthésie générale profonde. L’état de l’animal doit permettre d’induire une anesthésie en toute sécurité. Attention, le risque hypotensif est plus marqué chez les sujets diabétiques. L’équilibre du diabète est un critère relatif : il est préférable que le diabète soit bien équilibré mais cela n’est pas incontournable. Enfin, le comportement de l’animal est une donnée importante : un sujet remuant ou agressif peut rendre le traitement local difficile ou dangereux et compromet le résultat de l’intervention.

→ Critères liés au propriétaire

Celui-ci doit être motivé car l’intervention chirurgicale de la cataracte nécessite des soins locaux et généraux quotidiens sur une période qui peut s’étendre jusqu’à 6 mois. Il doit être également disponible pour les visites de contrôle (entre 4 et 8) et disposer de moyens financiers lui permettant d’assumer les frais d’examens, de chirurgie et de suivi. À ce titre, les propriétaires d’animaux diabétiques sont souvent d’accord pour l’intervention, en particulier lorsque le diabète est géré depuis quelques mois déjà. À l’inverse, lorsque le diagnostic de diabète est consécutif à la perte de vision liée à la cataracte, le taux de conversion (acceptation/proposition) est beaucoup plus faible.

Déroulement de l’intervention

Une fois la décision opératoire prise, l’opération est à programmer le plus rapidement possible afin d’éviter l’aggravation de l’uvéite phacoallergique. L’intervention est généralement précédée d’une préparation médicale (corticoïdes et anti-inflammatoires non stéroïdiens locaux) pendant une semaine.

Le scénario chirurgical est identique à celui d’une cataracte classique, avec un temps de préparation (dilatation, installation, positionnement, réglage des appareils) relativement long, pour un temps de chirurgie intraoculaire que le chirurgien souhaite le plus court possible. La durée moyenne de l’anesthésie est de l’ordre de 1 heure pour une intervention unilatérale et de 1 heure 30 minutes pour les 2 yeux. L’intervention se déroule en cohérence avec les principes de la chirurgie intraoculaire, en visant le traumatisme minimal, le temps d’intervention le plus court possible et l’introduction dans l’œil de la quantité minimale de fluides et d’instruments. La technique utilisée est la phacoémulsification par ultrasons.

SUITES OPÉRATOIRES

Ce sont les mêmes que lors des chirurgies de cataracte classique, à l’exception du risque hypotensif, plus important chez les animaux diabétiques. L’impact de l’intervention sur l’équilibre du diabète est généralement assez faible. Le suivi ophtalmologique repose sur la mesure de la pression intraoculaire, sur l’identification des signes d’inflammation, le suivi de la récupération visuelle et la recherche d’affections secondaires. Il se prolonge jusqu’à 6 mois après l’intervention. Chez le chien diabétique, le taux de complications, plus faible que lors de cataractes séniles, est comparable à celui des cataractes juvéniles. Ce phénomène est lié à l’utilisation d’une quantité modérée d’ultrasons dans la cataracte diabétique (l’intumescence du cristallin rend celui-ci fluide). Sur un plan technique, le risque majeur réside dans la rupture de capsule postérieure, parfois préalable à l’intervention, qui conduit au passage du noyau du cristallin dans le corps vitré.

Face à un chien diabétique, l’approche peut être envisagée selon 2 cas :

– l’animal n’a pas développé de cataracte : une information et un suivi sont nécessaires ;

– l’animal est atteint de cataracte : l’intervention est recommandée dans les meilleurs délais, si l’état du sujet le permet. Dans le cas contraire, un suivi des lésions d’uvéite est indispensable.

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