Traitement au tarissement favorisant l’antibiorésistance : tout reste à prouver

L’argument selon lequel la relative stabilité de l’antibiorésistance des agents pathogènes impliqués dans les mammites ne remet pas en cause l’antibiothérapie au tarissement est jugé peu recevable par Francis Sérieys : « Ce sont les effets collatéraux (…) sur les diverses flores commensales, et non sur les agents pathogènes de la mamelle, qu’il faut considérer », quelle que soit la voie d’administration, locale ou générale.

La référence à l’appui de cette affirmation (Poirier et coll., 2007) ne suffit pas, selon moi, à clore le débat. D’une part, il ne s’agit pas d’une publication scientifique au sens strict (absence de données concernant la partie matériel et méthodes notamment) et d’autre part, il est habituel en science de considérer qu’un fait est établi lorsque plusieurs publications dignes de ce nom aboutissent aux mêmes conclusions, ce qui n’est pas le cas actuellement, mais n’est pas à exclure dans l’avenir.

Dans l’immédiat, on peut avancer des preuves indirectes du faible impact du traitement au tarissement sur les flores commensales.

Tous les spécialistes des mammites s’accordent à considérer que la mamelle est normalement stérile et que la plupart des infections résultent de la pénétration, par le canal du trayon, des agents pathogènes. Or, la majorité des espèces bactériennes concernées sont présentes sur l’animal et dans son environnement (y compris les fèces). À ce titre, elles appartiennent aux flores commensales. Alors, comment expliquer que l’on n’observe pas une augmentation significative de l’antibiorésistance de ces micro-organismes pathogènes en relation avec l’antibiothérapie au tarissement, comme postulé ?

Je ne défends pas une position rétrograde en préconisant le traitement systématique au tarissement, recommandé dans les années 60, comme cela pourrait être compris. Une lecture attentive montre en effet qu’il existe une conclusion sur laquelle les deux points de vue s’accordent, et c’est sans doute là l’essentiel : il faut cibler le traitement antibiotique sur les vaches infectées et généraliser l’utilisation des obturateurs. Il ne s’agit donc pas de remplacer les antibiotiques par les obturateurs, comme cela est rapporté par La Semaine Vétérinaire³. On peut d’ailleurs se demander si cette information ne constitue pas une erreur d’interprétation des préconisations du plan d’action du Comité national pour l’utilisation raisonnée des antibiotiques. À cet égard, on peut s’étonner que ce comité n’ait pas remis en cause la présence des antibiotiques utilisables au tarissement dans la liste positive. Cela aurait contribué efficacement à « avancer dans la maîtrise des mammites avec moins d’antibiotiques ».

• 1 Paru dans La Semaine Vétérinaire n° 1459 du 26/8/2011 en page 7.

• 2 Paru dans La Semaine Vétérinaire n° 1456 du 24/6/2011 en page 7.

• 3 Voir La Semaine Vétérinaire n° 1453 du 3/6/2011 en pages 12-13.