Zoom sur quelques cursus vétérinaires à travers le monde - La Semaine Vétérinaire n° 1462 du 16/09/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1462 du 16/09/2011

Dossier

Auteur(s) : CYRIL PARACHINI-WINTER*, NATHALIE DEVOS**

La Vétérinaire fête cette année ses 250 ans d’existence. Mais à l’heure de Vet 2011, année mondiale de notre profession, force est de constater que les formations divergent entre les continents, et même au sein de ceux-ci, tant au niveau du parcours dans les écoles ou les facultés que des moyens pour intégrer celles-ci.

Depuis la création de la première école vétérinaire à Lyon, en 1761, par Claude Bourgelat, les écoles et les facultés vétérinaires se sont multipliées à travers le monde. Les témoignages de vétérinaires de différentes nationalités sur leurs cursus montrent leurs atouts et leurs écueils.

Comme le souligne Bernard Vallat, directeur général de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), l’idéal serait de tendre dans l’avenir vers une harmonisation internationale des formations (voir entretien page 40). Mais la rencontre avec des étudiants venus du monde entier lors d’un stage de découverte en Afrique du Sud (expédition Ecolife) en juillet dernier montre que la route qui y mène est encore bien longue.

AMÉRIQUE DU NORD : ÉTATS-UNIS

Katelyn Litchko, 20 ans, étudiante en 3e année à l’University of Connecticut, Kiley Cameron, 20 ans, étudiante en 3e année à la Clemson University (Caroline du Sud), Mikaela Lewitt, 20 ans, étudiante en 3e année à l’University of Florida, et Melissa Whitherel, 21 ans, étudiante en 3e année à la Fordham University (New York).

Ces 5 étudiantes en 3e année d’undergrade (équivalent d’une classe préparatoire, à ceci près qu’elle se déroule dans une faculté et dure 4 ans) viennent des 4 coins des États-Unis et témoignent de leur parcours similaire, ses points forts et ses inconvénients.

« Nous entrons en undergrade à l’université après le lycée, pour 4 ans. Celles-ci sont nombreuses, avec des niveaux très différents. De bonnes notes et un bon CV sont nécessaires pour intégrer une faculté prestigieuse. En réalité, le niveau et le contenu de l’enseignement peuvent varier énormément de l’une à l’autre selon les professeurs. En général, les élèves restent dans leur État, car étudier dans un autre coûte deux fois plus cher à l’inscription (pour un prix normal déjà compris entre 35 000 et 50 000 $ par an). Durant ces 4 ans, nous abordons des matières très générales (maths, physiques, etc.) et nous devons également choisir des matières phares (ou major) comme l’anatomie, la génétique ou l’embryologie. Plus nous avançons dans la formation, plus les cours se focalisent sur ces majors. Nous ne faisons, en revanche, que peu d’études espèce par espèce. Nous passons des examens intermédiaires et des partiels à chaque semestre, ainsi qu’une épreuve finale au bout des 4 ans, le General Record Examination, qui consiste essentiellement en un test de compréhension générale et de vocabulaire. Personne n’y échoue la plupart du temps. »

« Les étudiants postulent aux écoles vétérinaires de leur choix (il en existe 28 aux États-Unis) avant de passer cet examen. Les critères d’intégration sont les notes obtenues en undergrade, mais aussi, et presque plus, les expériences de chacun dans le domaine animal et vétérinaire (stages, travail dans des fermes, etc.). Un élève avec les meilleures notes du pays, mais sans aucune expérience à présenter, sera refusé partout. Puis l’école vétérinaire dure 4 ans, avec une formation générale surtout focalisée sur les carnivores et le bétail (une filière importante aux États-Unis et au Canada). Quelques écoles, comme en Géorgie, proposent des programmes spécialisés portant sur les animaux exotiques. Mais sinon, quiconque veut se spécialiser doit prolonger ses études deux à trois ans après son diplôme. Là encore, nous passons des partiels chaque semestre, et un examen général à la fin de l’école. » Assez unanimement, le principal point fort du cursus est la qualité de la formation (notamment en productions animales), ainsi que la quantité d’informations délivrées au cours du passage des étudiants dans ces lieux. Avec tout aussi peu d’équivoque, le point négatif reste le prix de ces universités, qui est d’autant plus handicapant que les bourses sont difficiles à obtenir, car seules les familles disposant de très bas revenus les obtiennent. De fait, beaucoup d’élèves de classes moyennes voient leur rêve d’enfant se briser face à cet obstacle financier.

AMÉRIQUE DU NORD : CANADA

Tiffany Gabriel-Bellantoni, 21 ans, étudiante en 1re année à l’université de Montréal.

Le parcours de Tiffany est atypique. Elle a préféré retarder son intégration dans une école vétérinaire de quelques années pour multiplier les expériences. « Je suis allée au lycée à la St Thomas High School, à Montréal. Pour intégrer une des 5 écoles vétérinaires du Canada (University of Prince Edward Island à Charlottetown, University of Calgary, University of Saskatchewan à Saskatoon, dite Les Prairies, et University of Guelph en Ontario, anglophones, et l’université de Montréal à Saint-Hyacinthe qui est la seule francophone), nous devons étudier deux ans dans un centre de formation, dit Cégep, au Vanier College dans mon cas. L’entrée est sans examen et les étudiants doivent y choisir 3 matières de chimie, 3 de physique, 1 de biologie, 2 de sciences humaines, 2 de français et 3 de sport. Nous sommes évalués dessus, et nous obtenons à la fin un R-score, qui reflète notre niveau global. Un R-score très élevé est requis pour entrer ensuite dans une des écoles, et particulièrement pour ceux qui veulent intégrer Saint-Hyacinthe et qui viennent du Canada anglophone, comme moi. Généralement, les anglophones se dirigent en masse vers la University of Guelph. Seuls environ 2 % d’entre eux sont acceptés au Québec. Cependant, avant d’intégrer l’université vétérinaire de Montréal, j’ai passé 3 ans à McGill University pour obtenir un diplôme de spécialisation en sciences du vivant, maladies et santé animale. J’y ai suivi des cours d’anatomie du chien, de physiologie des mammifères, de microbiologie, de biochimie, de génétique, d’immunologie et d’infectiologie. J’y ai fini mon cursus et je rentre finalement cette année à Saint-Hyacinthe, pour 5 ans. En plus du R-score élevé exigé, j’ai dû, compte tenu de mes origines, passer un test de français international et un entretien au cours duquel 6 mises en situation (avec des questions du type « vous êtes un patron et l’un de vos employés ne fait pas son travail, comment réagissez-vous ? ») permettent de sélectionner les élèves. L’enseignement reste général jusqu’en 5e année, moment du choix, comme en France, de la spécialisation : petits animaux, gros animaux (bétail et chevaux) ou animaux exotiques. Pour moi, le vrai point positif de cette formation, conclut Tiffany, est qu’elle m’oblige à apprendre une autre langue. En outre, avec des frais d’inscription de 10 000 $ à l’année, ces universités ne sont pas chères pour l’Amérique du Nord, d’autant plus qu’à l’inverse des États-Unis, le gouvernement délivre de nombreuses bourses. En revanche, je trouve que le système de sélection qui se focalise uniquement sur les notes et n’accorde qu’une attention minime au vécu et aux expériences pratiques n’est pas juste. »

EUROPE : NORVÈGE

Maria Michaela Ostholm (Suédoise), 27 ans, étudiante en 2e année à la Norvegian School of Veterinary Medicine.

Michaela explique, pour sa part, qu’après avoir étudié pendant un an le français à Aix-en-Provence, suivi 4 années d’études en biomédecine à l’université en Suède (grâce auxquelles elle est diplômée en parasitologie intestinale des singes), et avoir monté un projet de recherche au Kenya pendant 4 mois et demi, elle a réalisé son intérêt pour la médecine vétérinaire. « J’ai donc décidé de me réorienter vers cette voie. J’ai choisi d’aller en Norvège plutôt qu’en Suède car, dans ce pays, mon âge et toutes les expériences que j’avais déjà vécues étaient un gros avantage et comptaient au moins autant que les notes pour intégrer la faculté vétérinaire. Il n’existe qu’une seule école en Suède, de même qu’en Norvège, et les élèves y accèdent directement après le lycée. Celle de Norvège est très populaire et reçoit beaucoup de demandes. Pour autant, elle n’accepte que 70 étudiants par an, sur plus de 3 000 prétendants. La formation dure entre 5 ans et demi et 6 ans, selon le choix de la date de passage de l’examen final de l’université. Certains le passe au printemps, d’autres à l’automne et ils disposent alors de 6 mois pour monter un projet ou une thèse. »

« Nous suivons des cours théoriques chaque année jusqu’à la fin de notre cursus, ajoute Michaela, toujours entrecoupées de rotations en clinique, à partir de la 3e année. À la différence de beaucoup de pays, nous n’étudions pas plusieurs matières en même temps, mais les unes après les autres, séparées par une évaluation. Cette année par exemple, j’ai travaillé successivement sur la biologie animale, la biologie cellulaire, les statistiques et l’épidémiologie, la physiologie, l’anatomie et la nutrition. Nous étudions les animaux classiques, mais une attention particulière est accordée à l’étude des oiseaux et des poissons (le saumon, en particulier, qui est une grosse filière de production dans nos pays). Comme je l’ai déjà dit, nous finissons l’école par un examen qui porte sur tout le programme, orienté tout de même vers une spécialisation que nous choisissons en dernière année (production animale, sécurité alimentaire, médecine aquatique, etc.) ».

EUROPE : BELGIQUE

Mathilde Rouelle, 23 ans, étudiante en 5e année à la faculté vétérinaire de l’université de Liège.

« L’entrée à la faculté se fait sans concours, à la différence de la France. La formation dure 6 ans, mais malheureusement, la possibilité n’est pas offerte de choisir une spécialisation en dernière année. Il est possible de redoubler 3 fois. La plupart des étudiants dans ce cas ont une moyenne générale trop faible ou ont obtenu une note inférieure à 7/20 dans une des matières. Les cours deviennent plus ardus au fil des années et la 5e, que je viens de finir, s’est révélée sans conteste la plus difficile, avec une apothéose de 16 examens au mois de juin. Ce n’est qu’en 6e année que nous arrêtons les cours et commençons la pratique, avec en plus 12 semaines de stage obligatoires et quelques cours d’autopsie et d’épidémiologie. »

« Pour moi, précise Mathilde, l’intérêt principal de notre cursus est la qualité de notre formation théorique, grâce notamment à sa diversité et son ouverture (domaine non libéral, recherches en laboratoire, possibilité de suivre pendant 2 ans des cours à Anvers en médecine tropicale, etc.). L’autre gros avantage est le prix (900 € par an). Contrepartie immédiate, nous n’avons que peu de pratique, et comme nous n’avons aucun stage obligatoire avant la 6e année, beaucoup entrent en clinique en ne sachant rien faire. De plus, notre formation accueille trop de monde. Nous étions encore 250 dans ma promotion cette année. La Belgique n’offre pas de travail pour autant de vétérinaires par an. Pour moi, ajoute Mathilde, un numerus clausus devrait être instauré, au moins à partir de la 4e année où les étudiants de toutes les facultés vétérinaires de Belgique francophone (Bruxelles, Namur, Louvain-la-Neuve) se réunissent à Liège pour leurs deux dernières années. »

L’ÉVOLUTION DU CURSUS FRANÇAIS

Trois arrêtés ont modifié ces dernières années le cursus vétérinaire français.

– L’arrêté du 8 mars 1994 a fixé une première année de formation scientifique générale dans une classe préparatoire spécifique, suivie d’un concours puis de 4 années en ENV.

– L’arrêté du 13 juin 2003 a instauré 2 années de classes préparatoires BCPST (biologie, chimie, physique, sciences de la terre) communes avec la filière agronomique, qui constituent la voie A d’accès aux ENV.

Il a également mis en place les voies B, C et D qui permettent également d’accéder aux concours nationaux pour être admis à poursuivre le cursus de formation vétérinaire dans les ENV. La voie B est accessible aux étudiants en licence de sciences de la vie, la voie C concerne certains BTSA, BTS ou DUT. Enfin, la voie D concerne les diplômés en médecine, pharmacie ou chirurgie dentaire, ou titulaires d’un grade de master 2 à dominante biologie (bac + 5).

Le cursus dans les ENV reste fixé à 4 ans.

– L’arrêté du 20 avril 2007 a, lui, ajouté une année supplémentaire de formation dans les ENV.

La France détient actuellement le record de la durée d’études la plus longue parmi les 27 États membres de l’Union européenne.

AFRIQUE DU SUD UNE SÉLECTION DES PLUS STRICTES

Le stage en Afrique du Sud n’a pas permis de rencontrer d’étudiant vétérinaire de ce pays. Toutefois, au cours de la visite d’Onderstepoort, la seule école vétérinaire située au nord de Prétoria, un membre de l’administration a fourni quelques explications sur le système sud-africain.

La formation dure 6 ans depuis 2011 (au lieu de 5) après une entrée directement à la fin du lycée. Une sélection drastique est effectuée via un examen d’entrée qui ouvre les portes de l’école à 135 élèves par promotion. Le cursus se décompose en 1 an de formation générale où des matières comme la chimie ou la génétique sont enseignées, 3 ans de formation théorique en médecine vétérinaire, années au cours desquelles les travaux pratiques sont de plus en plus nombreux, et 2 ans réservés uniquement à la pratique dans les cliniques de l’école (clinique pour les carnivores, le bétail, les chevaux, mais aussi pour les oiseaux et les animaux exotiques). Les frais d’inscription sont de 34 000 rents par an, soit un peu plus de 3 500 €. La rigueur et la pluralité des disciplines enseignées, ainsi que la diversité des animaux sur lesquelles ces dernières portent, ont fait la renommée de cette université, unanimement reconnue comme une des meilleures du monde. À titre d’exemple, un minimum de 40 % de bonnes réponses est requis à un examen final et l’échec à plus d’un d’entre eux au cours de l’année entraîne le redoublement de la totalité des matières l’année suivante. À noter qu’au cours de la visite, une chose reste universelle au xxie siècle dans les écoles vétérinaires : une balance hommes/femmes, qui a tendance à pencher majoritairement vers le beau sexe. Une mixité toutefois bien tolérée par la gent minoritaire !

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