La péritonite infectieuse féline vue par la justice de Nancy - La Semaine Vétérinaire n° 1460 du 02/09/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1460 du 02/09/2011

Commentaire du jugement rendu le 16 juin 2011

Gestion

JURIDIQUE

Auteur(s) : Céline Peccavy

Fonctions : Avocate au barreau de Toulouse.

La juridiction de proximité de Nancy a débouté la propriétaire d’un chaton mort de péritonite infectieuse opposée à l’élevage dont il provenait. Retour sur une décision de justice étonnante.

RAPPEL DES FAITS

Le 11 novembre 2009, Mlle B acquiert et réceptionne un chaton de race british shorthair, né le 29 août 2009, auprès de Mme C, éleveuse de cette race féline. Le prix de vente est fixé à la somme de 950 €.

Dès le mois de décembre 2009, le chaton présente des écoulements oculaires séreux et des éternuements. A la mi-janvier 2010, il apparaît abattu et est amené en consultation chez le vétérinaire de Mlle B, qui établira le constat suivant : « Dysorexie. Gros ventre rempli de liquide signe du flot positif. Hyperthermie à 40 °C. »

Le praticien effectue un test concernant la péritonite infectieuse féline, puis l’envoie au laboratoire. Malgré une amélioration de courte durée, le chaton meurt le 30 janvier 2010. Les résultats du laboratoire, parvenus par la suite, confirmeront le diagnostic de péritonite infectieuse féline.

SAISIE DE LA JURIDICTION DE PROXIMITÉ DE NANCY (MEURTHE-ET-MOSELLE)

L’élevage de Mme C est situé dans une commune qui dépend de la juridiction judiciaire de Nancy et, comme le chaton a été remis à Mlle B sur l’élevage même, cette dernière n’a d’autre choix que de saisir un tribunal situé à Nancy.

Quant au tribunal en question, étant donné que le litige porte sur une somme inférieure à 4 000 €, Mlle B ne peut également que saisir la juridiction de proximité. C’est chose faite par l’assignation délivrée le 24 août 2010, soit près d’un an après l’achat du chaton.

QUALIFICATION JURIDIQUE DE LA PÉRITONITE INFECTIEUSE FÉLINE

Il vient naturellement à l’esprit de tout vétérinaire que la péritonite infectieuse féline est avant tout un vice rédhibitoire. Listée en effet par l’article R.213-2 du Code rural, elle fait partie de ces quatre maladies dont la gravité est retenue par le législateur au point d’éviter au propriétaire de l’animal un certain nombre de démarches judiciaires. Le Code rural permet ainsi au demandeur en justice, à condition bien entendu qu’il agisse dans les délais requis, d’obtenir garantie dès lors que la maladie est avérée.

Que la péritonite infectieuse féline soit un vice rédhibitoire ne fait donc pas le moindre doute. Par opposition, il ne fait également aucun doute qu’elle ne peut constituer un vice caché, au sens du Code civil, les deux notions étant exclusives l’une de l’autre.

Qu’en est-il alors du défaut de conformité au sens du Code de la consommation ? La jurisprudence, depuis 2005, s’est souvent prononcée sur le fait qu’un vice rédhibitoire et un défaut de conformité ne sont pas exclusifs l’un de l’autre.

A titre d’exemple, voici un extrait du jugement rendu par la juridiction de proximité d’Auch, le 9 mars 2007, pour un cas de dysplasie coxo-fémorale chez un chien :

« Il est constant que le chien, objet du présent contrat, souffrait d’une dysplasie importante et qui s’aggravait rapidement. Le fondement de la demande de M. L utilisant le Code de la consommation sera déclaré recevable. »

S’ils ne sont pas exclusifs l’un de l’autre, la jurisprudence (juridiction de proximité de La Châtre, 3 décembre 2009) admet également que la gravité d’un vice rédhibitoire en fait a fortiori un défaut de conformité :

« Attendu qu’il est certain que la dysplasie coxo-fémorale, qui est un vice rédhibitoire au sens de l’article R.213-2 du Code rural, constitue un défaut de conformité de l’animal vendu lorsqu’il est destiné à être un animal de compagnie, en ce qu’elle implique un handicap important et une souffrance chez le chien ainsi qu’un coût financier non négligeable, pour un particulier, s’agissant de la prise en charge d’un traitement médical ou chirurgical. »

Il n’est donc pas étonnant que, le 10 novembre 2010, concernant un cas de péritonite infectieuse féline, le tribunal d’instance de Bayonne juge en faveur de l’existence d’un défaut de conformité :

« L’article L.213-1 indique que les dispositions du Code rural s’appliquent sans préjudice ni de l’application des articles L.211-1 à L.211-15, L.211-17 et 18 du Code de la consommation ni des dommages et intérêts qui peuvent être dus s’il y a dol. Mme M, qui a acquis le chat en qualité de consommateur auprès d’un professionnel, est fondée à se référer aux dispositions du Code de la consommation. »

LE FONDEMENT JUDICIAIRE CHOISI PAR LA DEMANDERESSE

Trancher entre le Code rural et le Code de la consommation n’est pas un choix cornélien. La réponse s’impose sans difficultés à l’examen des dates. Est-on encore dans le délai de trente jours qui suit la vente ? Si oui, agir en se fondant sur le Code rural apparaît comme la meilleure solution. Si non, seul le Code de la consommation permet à l’acquéreur d’actionner la garantie.

Forte de ces données procédurales et ayant saisi le tribunal près d’un an après la vente, Mlle B fonde son action uniquement sur le Code de la consommation et met en avant le fait scientifique qu’un chat peut être infecté par le virus de la péritonite infectieuse et ne présenter des signes cliniques que bien au-delà d’un délai de vingt et un jours.

L’ARGUMENTATION DE LA PARTIE ADVERSE

Elle est organisée en deux temps. A titre principal, Mme C conclut que, concernant un vice rédhibitoire, le Code de la consommation ne peut s’appliquer. Elle insiste donc sur le fait que seul le Code rural est applicable dans cette affaire. Or, celui-ci impose à l’acheteur d’agir dans un délai de trente jours, un délai qui n’a pas été respecté dans ce cas.

Sur ce fondement, elle sollicite le rejet de toutes les demandes de Mlle B.

A titre subsidiaire, elle conclut que, dans l’hypothèse où le Code de la consommation aurait été applicable, la péritonite infectieuse féline ne s’est pas déclarée dans les vingt et un jours et que, de ce fait, rien ne prouve que le chat était porteur de la maladie le jour de la vente.

LE JUGEMENT DE NANCY

Après l’examen de ces deux argumentations, la juridiction de proximité de Nancy a ainsi tranché :

« Mlle B entend s’affranchir des dispositions du Code rural et revendique la seule application du Code de la consommation.

Le problème posé […] est donc de déterminer si les dispositions du Code de la consommation peuvent s’appliquer lorsque l’hypothèse soumise à son appréciation est prévue par le Code rural (à savoir vice constitué par une péritonite infectieuse féline) et donc de savoir si le délai restrictif de trente jours visé à l’article L.213 du Code rural laisse la place à l’application possible du délai de deux ans visé aux articles L.211-1 et suivants du Code de la consommation.

L’admettre reviendrait d’une part à vider de tout contenu l’article L.213-1 du Code rural, qui constitue une règle d’ordre public, s’agissant d’une disposition contraignante.

D’autre part, la mention que les dispositions du Code rural sont édictées sans préjudice de celles du Code de la consommation signifie que les dispositions du Code de la consommation restent applicables, nonobstant celles du Code rural, mais seulement pour les situations non réglées par le Code rural, sauf à considérer, si les deux législations devaient être entièrement concurrentes, que le juge devra régler le problème né de dispositions apparemment contraires et incompatibles entre les deux.

Le juge doit alors résoudre ce conflit de lois en faisant prévaloir le texte particulier (Code rural) sur le texte général (Code de la consommation), un texte particulier ayant précisément vocation à déroger à un texte général, quand bien même ce dernier resterait applicable pour ce qui n’est pas réglé par le texte particulier.

En l’espèce, les délais pour introduire l’action étant différents, la juridiction retiendra donc que le texte particulier doit prévaloir, de sorte qu’il sera jugé que l’action engagée hors les délais prévus à l’article R.213-5 du Code rural est tardive. La demande sera donc déclarée irrecevable, sans qu’il soit besoin d’examiner les moyens soulevés au fond. »

EN CONCLUSION

L’argumentation développée sur la hiérarchie entre le texte général et le texte particulier pour débouter Mlle B de son action en garantie ne saurait convaincre. Bien au contraire. Les juges de proximité ne cesseront donc jamais de nous surprendre et de nous amener à conclure que tout est envisageable en justice. On ne sait jamais, sur un malentendu, il est toujours possible, comme dans cette affaire, de gagner un procès…

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