La propagation de la rage en Afrique du Nord exacerbée par le transport des chiens

L’unité “dynamique des lyssavirus et adaptation à l’hôte” de l’Institut Pasteur poursuit les recherches sur l’origine et la propagation de la rage canine en Afrique. En effet, chaque année, 15 millions de doses vaccinales antirabiques sont administrées après une exposition au virus et 55 000 personnes meurent de la maladie, dont 99 % dans des zones où la rage canine est endémique.

Une précédente étude avait montré que le virus rabique canin de type Africa 2 se serait répandu en Afrique centrale et de l’Ouest par une dissémination graduelle des chiens contaminés au gré de l’expansion coloniale⁽¹⁾. Cette fois, les chercheurs se sont intéressés au type Africa 1, présent notamment en Afrique du Nord.

L’étude⁽²⁾ repose sur une nouvelle approche phylogéographique qui permet d’intégrer une dynamique spatiale et temporelle dans l’examen de la dissémination du virus.

L’analyse phylogénétique de 287 séquences génétiques, collectées pendant vingt ans en Algérie, au Maroc et en Tunisie, a été réalisée. Elle appuie l’hypothèse de quelques épidémies sporadiques de rage au milieu du xix^e siècle, avant que la maladie ne devienne enzootique en Afrique du Nord au xx^e siècle. Par ailleurs, elle révèle que les séquences génétiques forment des lignées distinctes dans chaque pays, séparées par les frontières géopolitiques.

L’intervention humaine, seule explication à la dispersion du virus

La modélisation de la dissémination du virus, à l’intérieur de chaque pays, montre qu’elle est fortement corrélée à la distance qui sépare deux localités par la route. Quant à sa vitesse de dispersion, elle est estimée entre 18 et 72 km par an, soit une diffusion trois à quatre fois plus rapide que celle observée lors des épizooties qui touchent la faune sauvage.

Ces résultats sont incompatibles avec une dispersion du virus par les seuls déplacements locaux des chiens. Ils permettent donc aux auteurs d’affirmer qu’« en transportant des chiens, les hommes ont joué un rôle clé dans la dissémination d’un des principaux agents pathogènes animaux ». D’autre part, une intervention humaine est la seule explication compatible avec la mise en évidence de quelques séquences génétiques qui se sont propagées sur une distance de plus de 200 km en moins de deux ans.

Ces conclusions montrent qu’outre une distinction spatiale et phylogénétique, les deux principaux types de virus rabiques africains présentent un mode de dissémination différent. Ces informations sont essentielles pour le contrôle de la maladie. Selon les auteurs, le rôle important joué par l’homme dans la dispersion de la rage canine en Afrique du Nord requiert « des procédures d’intervention à mettre en place plus rapidement que dans des situations où l’homme joue un rôle mineur ».

• (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1351 du 13/3/2009 en page 22.

• (2) C. Talbi, H. Bourhy et coll. : « Phylodynamics and human-mediated dispersal of a zoonotic virus », PLoS Pathogens, octobre 2010, vol. 6, n° 10, pp. e1001166.