Cas pratiques de jurisprudence en matière de chiens dangereux - La Semaine Vétérinaire n° 1457 du 01/07/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1457 du 01/07/2011

Droit

Gestion

JURIDIQUE

Auteur(s) : Marine Neveux

Le praticien engage sa responsabilité lorsqu’il certifie l’appartenance d’un animal à un type morphologique. Plusieurs étapes législatives placent aussi le vétérinaire au cœur de l’évaluation de la dangerosité.

Le 19 mai dernier, l’Association francophone des vétérinaires praticiens de l’expertise (AFVE) tenait son colloque à Maisons-Alfort. L’occasion d’un tour d’horizon particulièrement utile sur les mesures liées aux morsures canines ou aux chiens dits dangereux, sur lesquelles le praticien peut être sollicité dans le cadre de son exercice professionnel.

Les catégories reposent sur des critères morphologiques et raciaux

Les chiens dangereux, au sens légal du terme, sont définis par la loi du 6 janvier 1999 et dans l’article L.211-12 du Code rural. Deux catégories sont distinguées : les chiens d’attaque et les chiens de garde et de défense. Les éléments de reconnaissance de ces chiens catégorisés figurent dans l’arrêté du 27 avril 1999.

Dans ce cadre, le cas du “staffie” ou staffordshire bull terrier est particulier : ce n’est pas un chien catégorisé, malgré l’ambiguïté de la loi au départ sur ce point. « C’est aujourd’hui un terrier administratif », ironise notre confrère Christian Diaz, vice-président de l’AFVE.

Au sens légal, deux points sont essentiels : la taille du chien d’une part, la poitrine et la tête de l’autre.

Les chiens de race qui appartiennent à la deuxième catégorie doivent correspondre au standard officiel de leur race. Un animal qui présenterait un défaut éliminatoire par rapport à ce standard sortirait de facto du cadre de la catégorisation. « Un chien de race non confirmable n’est pas de seconde catégorie si l’on s’en tient aux textes », souligne Christian Diaz. Il ne faut d’ailleurs pas hésiter à demander l’avis d’un sapiteur (expert confirmateur) en cas de doute. En outre, certains défauts sont éliminatoires, d’autres non.

Confirmé ou non, un chien de race le reste. L’inscription au Livre des origines français (LOF) n’entraîne qu’une présomption de deuxième catégorie, car dès qu’un chien y est inscrit, il est automatiquement exclu de la première catégorie.

Par ailleurs, il est important de rappeler que « le vétérinaire ne doit affirmer que des choses dont il a vérifié la véracité ». De même, la stérilisation obligatoire ne concerne que les animaux de première catégorie, donc si elle est conseillée par le praticien, mieux vaut être sûr de soi quant au classement du chien…

Au final, il est impossible d’acquérir un chiot de première catégorie, car les critères pris en compte ne se voient qu’à l’âge adulte. La cession de chiots de première catégorie n’est d’ailleurs pas interdite… puisqu’ils n’existent pas.

Le vétérinaire donne un avis ou éclaire le juge

Le praticien n’est finalement là que pour donner un avis sur le chien, la décision appartient à son propriétaire ou à son détenteur. « C’est important de faire la différence entre l’avis et la décision », insiste Christian Diaz. De même, le vétérinaire éclaire un juge à l’aide de critères objectifs. De son côté, le propriétaire décidera en tenant compte d’éléments qui ne sont pas seulement techniques. « Cette dichotomie existe dans tous les domaines de l’expertise », précise notre confrère. Prenons l’exemple d’un arrêt de la cour de Montpellier de mai 2005. Dans cette affaire, un chien de grande taille mord sur la voie publique. L’euthanasie est demandée sur l’instruction du procureur. Le propriétaire écope de six mois de prison avec sursis, pour mise en danger d’autrui et la détention d’un chien non stérilisé et non déclaré en mairie. Le vétérinaire avait porté la mention « croisement boxer et dogue argentin ». Néanmoins, en l’absence d’autre précision sur les caractéristiques de l’animal susceptible de permettre son classement, qui relève d’une véritable expertise, l’appartenance du chien à la première catégorie n’a pu être établie avec certitude. Il y a donc eu relaxe sur ce chef d’accusation. L’appel a confirmé la mise en danger, non par rapport à la catégorie, mais sur l’aspect dangereux du chien.

Il convient de différencier le constat de l’expertise

Si le constat décrit des éléments morphologiques sans se prononcer sur les conséquences de fait ou de droit, l’expertise est un dispositif technique par rapport à des investigations. Son objectif est d’aboutir à un avis, une interprétation ou une recommandation. La prudence est donc de mise et les précautions rédactionnelles aussi.

Prenons l’exemple d’une autre procédure judiciaire. Un jeune chien mord accidentellement une petite fille qui passe rapidement près de lui. La mère porte plainte. La mission du vétérinaire expert sera alors de déterminer la catégorie du chien. Il ne s’agit donc pas d’une demande d’évaluation du procureur, alors que le chien a effectivement mordu… « Il y a encore du chemin à parcourir au niveau pédagogique », déplore Christian Diaz. Le chien est mis sous surveillance sanitaire par le vétérinaire. Au passage, il est constaté que l’animal n’est pas identifié (ce qui relève d’une contravention de 4e classe), ce qui pose la question de la validité de la mise sous surveillance… Il est procédé à la mise en place d’un transpondeur. Le chien, plutôt de type berger, ne possède pas les caractéristiques morphologiques nécessaires à son classement dans une catégorie.

Le vétérinaire qui place le chien sous surveillance doit informer le propriétaire de ses obligations.

L’évaluation comportementale de la dangerosité

Avec la loi sur la prévention de la délinquance et celle sur la protection des personnes, les chiens mordeurs ont fait leur entrée dans les textes de sécurité publique.

L’évaluation comportementale peut être demandée par le maire pour n’importe quel chien. Tout vétérinaire peut s’inscrire sur une liste d’évaluateurs et dans plusieurs départements. La loi du 20 juin 2008 a rendu obligatoire cette évaluation pour les chiens de première et deuxième catégories âgés de huit à douze mois. Leurs propriétaires doivent en outre passer une attestation d’aptitude et obtenir un permis de détention délivré par le maire.

Le pouvoir du maire lui permet d’imposer des mesures qui peuvent aller jusqu’à l’euthanasie si le chien présente un danger grave et immédiat. L’avis d’un vétérinaire désigné par le préfet peut être sollicité. Il ne s’agit pas d’une évaluation au sens de l’article 211-14-1, mais d’une demande d’avis. Le vétérinaire n’est pas choisi par le détenteur de l’animal et n’a pas obligatoirement de mandat sanitaire.

Prenons l’exemple d’un arrêt de la cour administrative de Bordeaux de mars 2010. Le vétérinaire émet un avis favorable à l’abattage d’un chien. Les propriétaires demandent la suspension, mettant en avant le fait que l’arrêté préfectoral précise mal la notion de danger grave et immédiat et que cela relève du maire. La cour confirme la suspension de l’arrêté préfectoral d’abattage du chien face à l’absence de danger grave et immédiat.

Autre cas : en novembre 2007 le maire d’une commune ordonne l’euthanasie d’un chien croisé rottweiler qu’il considère comme relevant de la deuxième catégorie. Le chien est détenu par une personne mentionnée à l’article L.211.13, qui définit certaines incapacités. La propriétaire saisit le Conseil d’Etat, car elle conteste l’appartenance de son chien à la deuxième catégorie. Le juge de référés suspend l’euthanasie. En effet, s’il existe un doute sérieux sur la conformité au droit, la condition d’urgence s’applique, car la décision (euthanasie) est irréversible… L’arrêté municipal sera suspendu.

Tout professionnel doit déclarer une morsure

Tout chien mordeur doit également passer l’évaluation comportementale et tout professionnel ayant connaissance d’une morsure dans l’exercice de ses fonctions doit en faire la déclaration. A l’issue de l’évaluation, le vétérinaire classe le chien selon quatre niveaux de risque. Le renouvellement de l’évaluation concerne uniquement les chiens catégorisés et ceux classés dans les niveaux 2, 3 et 4. Pour le niveau 1, rien n’est imposé, mais laissé à la discrétion du vétérinaire et du maire.

Reprenons un cas réel : une personne tétraplégique fait l’objet d’un arrêté municipal d’euthanasie pour son chien de première catégorie. Le tribunal administratif de Montpellier annule l’arrêté, mais trop tard, après la mort de l’animal… La cour d’appel de Marseille est saisie. La situation administrative du chien n’était pas en règle, mais la méconnaissance des obligations ne caractérise pas un danger grave et immédiat. En outre, la propriétaire avait pris rendez-vous pour stériliser son chien et le mettre en règle. Dans ce cas, l’arrêté était entaché d’illégalité, il appartenait au maire de prescrire dans un premier temps les mesures de régularisation, non l’euthanasie.

VOIR AUSSI

• C. Diaz et C. Debove : L’évaluation comportementale, guide pratique et juridique, hors série au n° 1374 de La Semaine Vétérinaire du 2/10/2009.

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