22, V’LÀ LES VÉTÉRINAIRES DES CÔTES-D’ARMOR - La Semaine Vétérinaire n° 1456 du 24/06/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1456 du 24/06/2011

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Auteur(s) : Mathieu Hautemulle

Le bilan 2010 de l’activité vétérinaire en Côtes-d’Armor est plutôt terne. La faute à la crise du lait en rurale, à la crise économique en canine. Aujourd’hui, la crise porcine menace. Dans l’un des tout premiers départements agricoles de France, la profession dépend en grande partie des élevages et de l’agro-alimentaire. Mais heureusement, elle ne manque pas de variété, d’attraits et de personnalités hautes en couleur.

Comment bat le cœur de la vache ? Loïc Maurin a posé la question, fin mai, aux jeunes visiteurs des Terralies, le salon de l’agriculture des Côtes-d’Armor. Vétérinaire au Groupement de défense sanitaire (GDS 22), qui conseille notamment 5 853 éleveurs laitiers du département (la quasi-totalité), il a initié les enfants à l’usage du stéthoscope. Le cœur de la profession vétérinaire, lui, bat ici au même rythme que les productions bovines, porcines et avicoles. Ainsi, 2010 « n’a pas été une année favorable » en rurale, selon Philippe Hénaff, installé à Plancoët et président du conseil régional de l’Ordre (CRO). A cause de la crise du lait et de ses effets, des éleveurs ont parfois privilégié l’automédication. Des problèmes de trésorerie se sont répercutés sur le règlement des factures. Mais la situation s’améliore.

A l’inverse, la vaccination obligatoire contre la fièvre catarrhale ovine, même si elle a éventuellement conduit à reporter des activités, a généré un surcroît de travail pour les vétérinaires. Toutefois, devenu facultatif, le vaccin a été administré à une part moins importante du cheptel (d’un tiers à la moitié, selon les clientèles) : dans ce département épargné par les cas les plus graves, le bien-fondé de la vaccination semble plus difficile à démontrer aux éleveurs.

De même, « si la crise porcine venait à s’aggraver », les praticiens du département, dans lequel est même fixée la référence nationale en termes de prix de la viande de porc, pourraient en pâtir. Malgré « une embellie début 2011 », cette crise perdure, entretenue par l’envolée du prix des aliments. Le niveau des financements publics ou privés attribués aux chercheurs de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) à Ploufragan illustre également l’impact que peut avoir la santé des filières (porcs et volailles) sur l’activité de certains vétérinaires.

Une vocation sanitaire liée à la révolution agricole

Pourtant, « dans des moments de crise, les éleveurs se doivent d’être encore plus rigoureux sur les volets préventif, sanitaire et parasitaire, sinon leur maigre marge restante disparaît », indique Eric Collin, installé à Plœuc-sur-Lié. Gestion sanitaire et approche globale des troupeaux se sont d’ailleurs développées. « Nous avons ici une vocation sanitaire, liée à la révolution agricole des années 60-70, quand la Bretagne s’est mise à produire en grande quantité. » Mais les exploitations laitières restent à taille humaine. « La rurale se trouve à mi-chemin entre les années 70 et le très industriel », confirme Pierre Mayaux, président du Groupement technique vétérinaire (GTV) des Côtes-d’Armor. Ce praticien de Matignon note toutefois le développement, notamment, des robots de traite. « En quinze ans, la typologie de la clientèle a changé, relève, à Pontrieux, Frédéric Genty. Beaucoup d’exploitations ont disparu, avec un phénomène de concentration, sans que le nombre total de bêtes évolue forcément. » Sur le littoral, les légumiers qui possèdent des vaches allaitantes ont « du mal à grandir, car la terre est chère, jusqu’à 8 500 € l’hectare ». En outre, parmi les autres changements notés, les clients sont mieux formés et plus exigeants.

Les cabinets de grande taille pourraient devenir la norme

L’organisation des vétérinaires peut suivre celle de l’agriculture. « Les structures agricoles et paragricoles s’organisent de plus en plus au niveau régional [et non départemental] : les GTV aussi, en Bretagne », affirme ainsi Pierre Mayaux. En juin 2011, le GTV Bretagne a organisé une « première journée vétérinaire bretonne » à Ploufragan.

Comme les exploitations, les vétérinaires se regroupent : pour le partage des gardes (quand les structures qui se rapprochent ne couvrent pas un territoire trop vaste), la permanence et la continuité des soins, l’essor des domaines de compétences (suivi de reproduction, qualité du lait, spécialisations en canine, etc.); pour mieux s’armer contre la concurrence, entre autres, des structures coopératives ; pour lancer des investissements de plus en plus lourds, etc. Pour beaucoup, les gros cabinets (d’une dizaine de vétérinaires, selon Philippe Hénaff) vont devenir la norme.

« Dans les structures rurales, il y a encore énormément de travail à développer, celui que nous avons laissé partir ailleurs, à l’image des visites d’élevage et du conseil », estime Pierre Mayaux. Comme partout, la vente du conseil est sujette à réflexion. Comment la concilier avec la prescription et la délivrance du médicament ? « Les éleveurs sont plus difficiles d’accès en Bretagne, car ils disposent de services de conseil comme ceux du GDS, du contrôle laitier, des coopératives », note Philippe Arzul, qui consacre, pour la société Vitalac, les trois quarts de son temps au conseil en élevage laitier et un quart à la mise au point de solutions nutritionnelles. Le GDS 22, de son côté, indique qu’il « ne fait pas tout et a besoin des vétérinaires de terrain pour le développement de nombreuses actions ». « En ne restant plus fidèles à une seule coopérative, les éleveurs mettent les praticiens en concurrence », se plaint, quant à lui, le vétérinaire-conseil d’un groupement de producteurs de porcs.

En rurale et en filières, des places plus nombreuses que les candidats

Le travail ne manque pas en productions animales. Mais, en raison d’une crise des vocations en rurale et d’une mauvaise image de l’exercice en filière porcine, les candidats font défaut. Les vétérinaires témoignent de la difficulté à trouver un confrère, qui vient d’ailleurs, de temps en temps, de l’étranger. Un recrutement rendu plus ardu encore par « l’absence de nouveaux diplômés des écoles vétérinaires en 2010 en raison du changement de cursus », note Philippe Hénaff. Mais certains départs en retraite sont annoncés…

Trouver du travail se révèle bien plus délicat en canine pure, en particulier entre la RN 12 (la quatre-voies reliant Rennes à Brest) et la côte. Cette Breizh Riviera est marquée par « une certaine concentration » vétérinaire, selon Philippe Hénaff. Les besoins sont plus pressants en Centre-Bretagne, frappé de désertification vétérinaire… et médicale. Ce déséquilibre pourrait s’expliquer par l’attrait général pour le bord de mer, réputé mieux équipé et (à tort) plus joli, et par une explosion de la clientèle canine sur le littoral.

L’activité canine en voie de saturation à cause de la crise économique

Dans l’ensemble, 2010 n’a pas non plus été une année prospère en canine, selon les vétérinaires interrogés, qui évoquent des chiffres d’affaires (CA) stables ou en baisse. « Habituellement, notre CA augmente de 5 à 10 % par an. Deux exceptions : une baisse en 1997 et une stagnation en 2010 », témoigne Nicolas Hecquet, membre lannionais du bureau ouest de l’Association française des vétérinaires pour animaux de compagnie (Afvac). Les clients sont plus nombreux à payer en plusieurs fois et la chirurgie de convenance a régressé. « Nous soignons de plus en plus de chats, et un peu moins de chiens, plus coûteux à entretenir, ajoute le Briochin Gérard Parent. La canine sature légèrement en raison de la crise. Les actes ne sont pas facturés à leur juste valeur. Nous nous auto-limitons sur les tarifs. » La crise abaisse un niveau de vie déjà moins élevé qu’à Paris, Nantes ou Saint-Malo.Le département est le plus pauvre de Bretagne, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Dans ce territoire où les cabinets ruraux semblent plus gros qu’ailleurs, ceux de canine se révèlent relativement plus petits. Aucun scanner dans le département, ni de grosse clinique canine ou d’hôpital vétérinaire, comme à Nantes.

Un terrain d’études majeur pour les scientifiques

Un plus grand dynamisme anime d’autres pans de l’activité vétérinaire. Ainsi, c’est à Plancoët, en 1977, qu’est née Centravet, dont le siège se trouve à Dinan. Parmi les 300 employés de cette centrale d’achats (3 200 clients libéraux en France, 330 millions de chiffres d’affaires), figurent 6 vétérinaires responsables pharmaceutiques, dont 3 travaillent dans le département. « Ce n’est pas un hasard si Centravet a été créée ici : dans cette zone fortement rurale, avec peu de canine à l’époque, les libéraux éprouvaient des soucis de positionnement des prix par rapport aux groupements de producteurs de porcs, souligne Eric Humbert, président du directoire. Peut-être plus que les autres, face à de grandes structures, les vétérinaires du grand Ouest se sont adaptés à un monde particulièrement compétitif. »

Auparavant, Eric Humbert avait dirigé le Zoo­pôle de Ploufragan, un rassemblement de structures dédiées aux productions animales, à l’image des équipes de recherche de l’Anses. Cette proximité des scientifiques permet, par exemple, de déceler et de caractériser rapidement des phénomènes émergents (comme le syndrome dysgénésique et respiratoire porcin, en 1991). « Les grands fléaux qui affectaient il y a encore quelques décennies l’élevage régional ont été éliminés, pour laisser place à la surveillance. En revanche, des affections complexes, insidieuses (comme les maladies digestives chez le porc) demeurent avec force, ainsi que des troubles qui relèvent davantage de la santé publique vétérinaire », remarque la chercheuse Isabelle Kempf. Certes, la forte densité des exploitations accroît le risque de transmission des maladies entre les élevages, mais le département ne déplore pas d’affections particulières spécifiques.

Au final, les activités vétérinaires sont multiples et les chiffres d’affaires globalement « stables ou en baisse », selon Philippe Hénaff. Il arrive qu’un mal-être s’exprime, face à des clients de plus en plus exigeants, voire procéduriers, ou à cause d’une évolution insatisfaisante des rémunérations(1). Mais tous saluent la qualité de vie dans ce département, moins onéreux que les grandes villes et doté d’attraits naturels et culinaires (noix de Saint-Jacques), en dépit de certains effets néfastes de l’élevage comme les algues vertes…

  • (1) Un sujet parmi d’autres sur lequel nous aurions souhaité interroger le SNVEL s’il avait accepté de nous répondre.

  • (2) Données Agreste.

Une pratique aux accents agricoles du département

Dans les Côtes-d’Armor, les bovins sont presque aussi nombreux que les habitants (581 000), eux-mêmes presque cinq fois moins nombreux… que les porcs. Le département est le champion français de la production porcine, même si « la spécialisation la plus répandue reste […] l’activité laitière, avec 36 % des exploitations professionnelles »(2). Il est aussi au 2e rang pour les veaux de boucherie et au 3e pour le lait. Le quart des œufs de consommation en France sont produits dans ce département, également sur le podium pour les volailles de chair.

Il est enfin marqué par une importante activité agro-alimentaire. Il est donc logique que la rurale (27 %) et les filières (31 %) concernent plus de la moitié des 289 vétérinaires costarmoricains inscrits à l’Ordre, devant la canine (36 %). L’Annuaire Roy recense 63 vétérinaires en hors sol. Le taux de femmes (38,4 %) devrait augmenter. La Bretagne (qui compte 150 vétérinaires de plus qu’en 2005) est la seule région, avec la Bourgogne, où le rapport entre les animaux de rente et ceux de compagnie est équilibré.

M. H.
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