Quelles règles régissent les biens d’un couple marié ? - La Semaine Vétérinaire n° 1454 du 10/06/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1454 du 10/06/2011

Pouvoirs de gestion sur la communauté

Gestion

QUESTIONS/RÉPONSES

Auteur(s) : Céline Peccavy

Fonctions : Avocate au barreau de Toulouse

L’animal de la famille, acquis par l’un ou l’autre des époux pendant le mariage, devient un bien commun, ce qui a des conséquences en termes de prise de décisions.

Les couples ne s’en soucient pas tant qu’aucune ombre n’est portée à leur union. Ainsi, la plupart du temps, le chien et le chat sont les animaux de la famille et non ceux d’un époux en particulier. Alors pourquoi se soucier de qui peut légalement faire quoi ? Tout simplement parce qu’il est rassurant de savoir que ce qui est décidé aujourd’hui ne pourra pas donner lieu à contestation demain. Des règles s’appliquent ainsi en France à la majorité des conjoints : ceux qui ont fait le choix de ne pas souscrire de contrat de mariage.

1 QU’EST-CE QUE LE RÉGIME DE COMMUNAUTÉ LÉGALE ?

Tous les couples mariés en France sont soumis à un régime matrimonial. Nul ne peut y échapper. Les différences qui existent résident seulement dans le fait que certains ont choisi d’adhérer à un régime particulier, alors que d’autres n’ont pas émis d’avis. Pour ceux-là, c’est la communauté légale, le régime par défaut, qui est appliqué, conformément à l’article 1400 du Code civil.

2 QUELS SONT LES PRINCIPES DE GESTION DE LA COMMUNAUTÉ LÉGALE ?

Les règles de gestion des biens d’un couple marié sous le régime légal figurent aux articles 1400 et suivants du Code civil. Ce régime oblige à distinguer les biens principalement selon leur date et leur mode d’acquisition, ce qui amène à la création de trois masses différentes :

– pour les deux premières, les époux conservent chacun en propre les biens qu’ils avaient acquis avant leur union ;

– la troisième est la masse commune, constituée de l’intégralité des biens acquis par les époux pendant la durée du mariage, notamment avec leurs gains et leurs salaires.

Dans l’hypothèse où l’animal de la famille est acquis par l’un ou les deux époux pendant le mariage, il s’agit alors d’un bien commun. Cela aura des conséquences en termes de gestion et donc de prises de décisions.

Lors de la réforme des régimes matrimoniaux de 1985, le législateur pouvait opter soit pour une cogestion généralisée, soit pour une gestion séparée (chaque époux gérant une fraction de la communauté), soit pour une gestion concurrente. Le système choisi et qui demeure aujourd’hui est le troisième. Il représente une grande évolution pour les femmes dans la mesure où, auparavant, seul le mari possédait les pouvoirs de gestion sur la communauté.

Le texte qui consacre ce choix est l’article 1421 alinéa 1er du Code civil, qui stipule que : « Chacun des époux a le pouvoir d’administrer seul les biens communs et d’en disposer, sauf à répondre des fautes qu’il aurait commises dans sa gestion. Les actes accomplis sans fraude par un conjoint sont opposables à l’autre. »

Le principe est donc le suivant : la communauté est dotée de deux administrateurs entre lesquels il n’existe aucune priorité ou hiérarchie. Par application aux animaux domestiques, un époux peut donc seul et valablement décider de la réalisation d’une intervention chirurgicale. De la même manière, il peut prendre seul l’initiative d’introduire une action en justice en garantie en présence d’un vice ou d’un défaut de conformité. Il peut tout autant souscrire seul une assurance. Il y a fort à parier qu’il en serait de même en cas de cession de droit d’élevage ou d’abandon de portée.

3 COMMENT EST ENCADRÉE CETTE GESTION, SANS FAUTE NI FRAUDE ?

Selon l’article 1421 du Code civil, dénuée d’intention nuisible, la faute de gestion est un acte inopportun accompli par un époux et qui porte préjudice à la communauté. Cet époux doit donc réparer la faute commise en remédiant à l’appauvrissement de la masse commune.

La fraude, quant à elle, s’inscrit dans un autre contexte. Ainsi, la gestion concurrente n’a de raison d’être que lorsque les époux jouent le jeu du respect mutuel et n’accomplissent pas d’actes susceptibles de nuire à l’autre. Pour cette raison, le législateur a pris la peine de préciser que les actes accomplis en fraude par un époux sont inopposables à son conjoint.

Une difficulté demeure toutefois, car la loi ne définit pas la notion de fraude ! Il faut donc s’en rapporter à la jurisprudence. Selon celle-ci, la fraude est l’intention de la part d’un époux de porter atteinte aux intérêts de son conjoint. Dans les cas qui nous intéressent, cette intention peut donc être matérialisée par l’acte de vendre l’animal à bas prix, mais également par un acte de dégradation (décision de faire stériliser l’animal, alors que le conjoint voulait le faire reproduire).

Quid de l’acte d’abstention, comme le fait de ne pas emmener l’animal chez le vétérinaire alors qu’il est malade et que cela entraînera sa mort ? Si l’abstention est délibérée, le fait se situe dans le champ d’application de la fraude, dans le cas contraire, il s’agit d’une faute.

4 QUE DIT LA COMMUNAUTÉ LÉGALE EN TERMES D’ACTES DE DISPOSITION ?

Il faut ici combiner à la fois les articles 1421 et 1422 du Code civil. Le premier, en effet, dispose que chaque époux peut prendre seul la décision de vendre un bien commun. Sauf lors de fraude, le mari ou la femme peut donc vendre le compagnon à quatre pattes de la famille ! Mais attention, si l’un des conjoints peut le vendre, il lui est en revanche interdit de prendre seul la décision de le donner. L’article 1422 du Code civil stipule ainsi que « les époux ne peuvent, l’un sans l’autre, disposer entre vifs, à titre gratuit, des biens de la communauté » : c’est donc ici un système de gestion conjointe qui prend le dessus.

5 QUE DISPOSE-T-ELLE DANS LE CADRE DE L’EXERCICE D’UNE PROFESSION ?

Après la gestion concurrente et la gestion conjointe, voici la gestion exclusive ! Celle-ci est consacrée par l’article 1421 alinéa 2 : « L’époux qui exerce une profession séparée a seul le pouvoir d’accomplir les actes d’administration et de disposition nécessaires à celle-ci. »

Voilà une disposition qui intéressera particulièrement les professionnels de l’élevage. En effet, en application de ce texte, l’époux qui exerce la profession d’éleveur a seul le pouvoir d’acheter, de vendre et de prendre les décisions quant aux soins des animaux qui composent son élevage, même si ceux-ci demeurent des biens communs.

Ainsi, la gestion des animaux communs du couple relève d’une gymnastique juridique complexe, pratiquée, qui plus est, sans filet.

Questions fréquentes

• Les dettes de l’époux non éleveur peuvent-elles entraîner la saisie des animaux de l’élevage ? Oui, car sont engagés dans le passif tous les biens communs.

• L’action en nullité d’un acte frauduleux est-elle soumise à un délai ? Oui, cette action est enfermée dans le délai de deux ans à compter de la connaissance de l’acte.

• L’animal acquis avant le mariage par les deux époux devient-il, au jour du mariage, un bien commun ? Non, il reste un bien acquis en indivision et se trouve, de ce fait, soumis à ce régime.

C. P.

PRÉCISIONS

• Travail sur le même fonds agricole. Lorsque les époux sont coexploitants d’un fonds agricole, leur collaboration à un niveau égal de responsabilité exclut de pouvoir parler de profession séparée. La gestion ne peut alors qu’être concurrente. En revanche, lorsqu’un conjoint ne fait que collaborer à la marche de l’exploitation, on retombe dans le système de la gestion exclusive.

• Actes contradictoires. Si chaque époux peut valablement vendre le chien de la famille, qu’en est-il lorsque l’animal est vendu simultanément à deux personnes ? Dans une telle hypothèse, l’article 1141 du Code civil s’applique : c’est l’acquéreur de bonne foi, qui a été mis en possession le premier, qui demeure propriétaire.

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