Les troubles métaboliques et gynécologiques affectent le gecko léopard - La Semaine Vétérinaire n° 1453 du 03/06/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1453 du 03/06/2011

Pathologie de Eublepharis macularius

Formation continue

NAC

Auteur(s) : Lionel Schilliger

Fonctions : diplomate de l’European College of Zoological Medicine en herpétologie et praticien à Paris.

L’hyperparathyroïdisme nutritionnel, la lipidose hépatique et la rétention d’œufs sont des affections communes chez ce reptile.

Le gecko léopard, reptile insectivore, est sujet à la maladie métabolique osseuse ou ostéodystrophie fibreuse nutritionnelle et environnementale. Chez cette espèce, la pathogénie, les symptômes et le traitement de cet hyperparathyroïdisme secondaire d’origine nutritionnelle sont en tous points comparables à ce qui est décrit chez d’autres reptiles insectivores, chez l’iguane vert herbivore et chez les tortues végétaliennes. L’hyperphosphorose et l’hypocalcémie (d’origine alimentaire) sont aggravées par une hypovitaminose D3 liée à un défaut d’exposition à des rayonnements ultraviolets (UVB). Une grande fatigue et des troubles ambulatoires (démarche hésitante avec la face ventrale qui frotte sur le sol) signent une hypocalcémie. Les fractures osseuses, quasi spontanées, sont alors fréquentes et l’animal éprouve encore de plus grandes difficultés à se déplacer.

Même si ce gecko a des mœurs crépusculaires et nocturnes, il est primordial de lui installer un tube à UVB (un modèle de type Reptisun 5.0 est suffisant), car les insectes qu’il consomme en captivité sont pauvres en vitamine D3 (ce qui n’est pas le cas dans la nature, car les insectes sauvages sont le fruit de toute une chaîne alimentaire). Administrer de la vitamine D3 exogène (via de la poudre de type Reptivite® ou Repti-Calcium with vitamin D3®) est dangereux, car un surdosage en cholécalciférol est grave et facilement atteint en saupoudrant les grillons, même de manière occasionnelle.

La lipidose hépatique, fréquente, est physiologique pendant l’ovogenèse

La lipidose hépatique (fatty liver syndrom) est courante chez le gecko léopard. Le foie perd sa couleur rouge foncé normale et adopte une teinte jaunâtre caractéristique. Cette infiltration lipidique du foie est le plus souvent due à une suralimentation en vers de farine (Tenebrio molitor), en vers de farine géants (Zoophobas morios), en larves de teignes de ruche (Galleria mellonella) ou en grillons (Acheta domesticus, voir tableau). Au regard des besoins en matières grasses de ce reptile, ces proies sont trop riches en lipides. Les geckos atteints de cette affection métabolique sont obèses et possèdent une queue large, ainsi que d’énormes corps gras abdominaux. Ils deviennent ensuite anorexiques et léthargiques.

Mais attention, cette hépatopathie n’est pas toujours liée à une suralimentation et peut également être physiologique. Elle peut être la conséquence d’un hyperparathyroïdisme d’origine nutritionnelle ou rénale, d’une stase folliculaire (ovariomégalie bilatérale secondaire à une absence d’ovulation), d’une hypothyroïdie, d’un diabète ou, simplement, d’une anorexie prolongée. En outre, la lipidose est normale au cours de l’ovogenèse (période pendant laquelle le foie se charge d’un pigment jaune appelé vitellogénine), ou de l’hivernage (pendant lequel le foie agit comme un organe de stockage de réserves graisseuses).

Sur le plan biochimique, les animaux atteints peuvent présenter une élévation de leur glycémie (normalement inférieure à 0,5 g/l). A la radiographie, il est parfois possible d’observer une hépatomégalie (les champs pulmonaires sont alors réduits, car les reptilesn’ont pas de diaphragme) associée, dans certains cas, à la présence d’ascite. Un examen anatomopathologique d’une biopsie hépatique permet de confirmer le diagnostic.

Le pronostic de ce trouble hépatique est, malgré tout, assez favorable, car le foie est un organe capable de se régénérer. La prévention de cette affection passe par une alimentation rationnée et équilibrée : les repas sont à espacer et les larves d’insectes, particulièrement riches en matières grasses, à proscrire.

Le traitement d’une rétention d’œufs fait d’abord appel à des méthodes “douces”

Chez le gecko léopard, les rétentions d’œufs sont le plus souvent liées à l’absence de lieu de ponte (ou à un lieu de ponte inadapté), à un stress (qui peut provoquer une hyperprogestéronémie susceptible d’inhiber la contraction des oviductes juste avant la ponte), à l’absence de fécondation (pas de mâle), à une surcharge pondérale (une hypertrophie des tissus adipeux peut entraver l’expulsion des œufs), à une immaturité sexuelle des femelles ou une compétition entre elles (pour un site de ponte, pour un mâle), à de l’hypocalcémie (d’origine nutritionnelle ou rénale), à des infections bactériennes des oviductes (qui se collabent autour des œufs en cas de salpingite), ou encore à une déshydratation et/ou une malnutrition (dues à de mauvaises conditions de maintenance).

Les femelles les plus prédisposées aux rétentions d’œufs sont les primipares, celles qui ont déjà été atteintes de dystocie et les porteuses d’ovules non fécondés (toutes les femelles ovipares sont en mesure de pondre des œufs de manière cyclique sans avoir été au contact d’un mâle).

Deux grands types de rétention d’œufs existent chez les lézards :

– la rétention préovulatoire (stase folliculaire ou oophorite bilatérale), qui est associée à une absence d’ovulation et à un engorgement des ovaires en follicules mûrs devenus énormes, ne peut être soignée que par un traitement hormonal (proligestone) ou en pratiquant une ovariectomie ;

– la rétention postovulatoire, qui correspond à un véritable “mal de ponte” et est corrélée à une stase des œufs dans les oviductes, se traite par injections d’ocytocine ou, en cas d’échec, au moyen d’une intervention chirurgicale sur les oviductes.

Les rétentions postovulatoires sont dites :

– obstructives si elles sont induites par des malformations des œufs, d’anciens traumatismes du rachis ou de la ceinture pelvienne, une torsion d’un oviducte, ou encore par une compression de l’urodeum du cloaque par des fécalomes ou des urolithes ;

– non obstructives si elles sont simplement liées, comme c’est le cas le plus fréquent, à une atonie des oviductes.

Excepté en cas d’urgence, le traitement d’une rétention d’œufs chez un reptile fait d’abord appel à des méthodes dites douces : isolement de la femelle au calme et dans l’obscurité, réhydratation et amélioration de son état général si nécessaire, légère augmentation de la température du terrarium, aménagement d’un site de ponte adéquat sur le sol (mélange de sable humide et de vermiculite, par exemple). En l’absence de ponte, des injections d’ocytocine sont pratiquées toutes les trois heures environ jusqu’à la ponte (posologie : 2 à 20 UI/kg par voie intramusculaire ou intracœlomique, en réchauffant l’animal pour optimiser l’action de l’ocytocine).

En cas d’échec et de dégradation de l’état général du reptile, une intervention chirurgicale (ovario-salpingectomie) est à envisager rapidement.

Attention à certaines lampes UV inadaptées, responsables de dermites solaires

Un syndrome apparenté à celui de “fragilité cutanée” se rencontre chez le gecko léopard, en particulier chez les spécimens “phasés” qui ont fait l’objet d’une sélection génétique poussée relative à leur robe (observation personnelle). Chez les geckos léopards leucistiques, albinos ou hypomélanistiques (à robe claire, peu pigmentée), des dermites, dont la localisation est exclusivement dorsale (faces dorsales de la tête, du cou, du dos et de la queue) et évocatrice (en premier lieu) de brûlures classiques, sont parfois observées. Cependant, pour chaque cas rencontré, l’enquête zootechnique a permis d’écarter cette hypothèse. En revanche, chacun des geckos atteints était soumis à une exposition quotidienne à des rayonnements UVB. Il est donc possible que cette espèce peu pigmentée soit particulièrement sensible à certaines lampes full spectrum vendues en animalerie (de longueur d’onde trop basse, non naturelle).

Cette dermatite est extrêmement délabrante : la peau présente d’abord de petites croûtes éparses, puis elle s’affine considérablement et se déchire en lambeaux, mettant à nu les tissus conjonctivo-musculaires sous-jacents. Les animaux atteints sont anorexiques et meurent progressivement d’inanition.

Cette dermatose affecte probablement d’autres espèces de reptiles à robe claire. Son observation chez le gecko léopard s’explique certainement par le grand nombre de spécimens de cette espèce maintenus de nos jours en captivité.

Supplémentation en calcium et rayons UV préviennent les fécalomes de sable

Il est assez fréquent que les lézards en général, et les geckos léopards en particulier, ingèrent leur substrat (copeaux, sable, graviers, fibre de coco, etc.). Ces absorptions de corps étrangers sont susceptibles d’engendrer des occlusions intestinales qui nécessitent une intervention chirurgicale. La plupart du temps, l’ingestion de sable est due à des carences minérales (en calcium). La prévention de ce problème digestif passe donc par une bonne supplémentation de la ration en carbonate de calcium et par l’exposition régulière des animaux à des rayonnements UVB adaptés.

  • Retrouvez la bibliographie de cet article sur le site WK-Vet.fr, rubrique “Semaine Vétérinaire”, puis “Compléments d’article”.

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