Aucun type de chiens n’est plus mordeur qu’un autre - La Semaine Vétérinaire n° 1452 du 27/05/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1452 du 27/05/2011

Epidémiologie. Morsures canines

Actualité

Auteur(s) : Nicolas Fontenelle

La France recense 33 décès liés à des attaques de chien en vingt ans.

Une enquête conduite par l’Institut de veille sanitaire (InVS), avec le concours de l’association de vétérinaires comportementalistes Zoopsy, tord (définitivement ?) le cou à une idée largement répandue dans le grand public : il n’existe pas de lien entre la gravité de la morsure et le type de chien mordeur. « Il n’a pas été mis en évidence que certains chiens étaient plus dangereux que d’autres, ni par la fréquence des morsures ni par leur gravité », notent les auteurs. Si le berger allemand, le labrador et le Jack Russell sont les races les plus impliquées dans les cas de morsure (sur une centaine au total), ce n’est pas un hasard : ces chiens entrent dans le top 15 des inscriptions au Livre des origines français (LOF).

L’enquête a été réalisée entre le 1er mai 2009 et le 30 juin 2010 au sein de huit hôpitaux(1). Au cours de cette période, 485 recours aux urgences pour morsures de chien ont été signalés. Presque à chaque fois, il a été possible de fournir une description épidémiologique des personnes mordues, des morsures et des chiens mordeurs, puis de déterminer les facteurs de gravité des lésions, et enfin d’étudier, un mois après, l’évolution et les conséquences de la morsure, tout en rendant compte de l’agressivité des chiens mordeurs. Un vrai travail de bénédictin.

Deux facteurs de gravité mis en évidence : l’âge et le fait de connaître le chien mordeur

Majoritairement (78 %), la victime connaît le chien qui l’a mordue : il vit dans le même foyer (36 %), appartient à une connaissance (30 %) ou à la famille élargie (12 %). Fait nouveau apporté par l’enquête : les adultes présentent des morsures plus graves que les enfants. Jusqu’ici, la littérature mondiale montrait plutôt l’inverse. Ils se font mordre le plus souvent en cherchant à séparer des chiens qui se battent, tandis que chez l’enfant, la morsure apparaît comme une mise en garde, lorsque le chien est irrité. « On peut donc penser que, chez les adultes, le chien exerce moins de contrôle lors de la morsure que lors des mises en garde envers les enfants, estiment les auteurs. Cela pourrait expliquer la gravité plus importante des lésions chez les adultes, les morsures non contrôlées étant sans doute plus graves que les autres. »

La moyenne d’âge des victimes est de 28,8 ans, les moins de 15 ans représentant 36 % des cas. Il n’y a pas de différence significative entre hommes (51 %) et femmes (49 %). Mais le sex-ratio varie : les hommes trentenaires sont plus mordus que les femmes du même âge, mais au-delà de 60 ans, ces dernières sont davantage victimes de morsures que les hommes.

Lors de l’attaque, le chien mord souvent plus d’une fois : deux morsures ont été constatées chez 16 % des patients et de trois à cinq chez 9 % d’entre eux. Heureusement, dans la majorité des cas (61 %), les lésions sont superficielles, voire absentes (3 % des cas), versus 29 % de plaies profondes et 7 % de plaies délabrantes (voir encadré). Dans deux cas, le pronostic vital était engagé, mais sans décès au final.

Dans 50 % des cas, les lésions se situent au niveau des membres supérieurs, dans 24 % au niveau de la tête, particulièrement du visage (19 %). Les membres inférieurs sont touchés dans 20 % des morsures. Les enfants sont surtout mordus au niveau de la tête.

Un mois après la morsure, deux répondants sur cinq ont déclaré garder des séquelles, le plus souvent esthétiques (80 %), mais aussi physiques (douleurs, perte de mobilité pour 15 % d’entre eux) ou psychologiques (cauchemars, peur des chiens, moral affecté pour 5 %).

Le plus souvent, la morsure survient dans une habitation

Les chiens mordeurs sont majoritairement des mâles (74 %) adultes (âgés de 15 mois à 7 ans, 68 %). La plupart n’avaient jamais mordu auparavant (69 %). Lors de l’attaque, les chiens étaient accompagnés d’un humain familier (39 %) et non tenus en laisse (35 % des cas). Le plus fréquemment, la morsure survient dans une habitation (68 %). Il s’agit d’une agression par irritation (la victime a énervé le chien) dans 65 % des situations, mais les victimes estiment le plus souvent que la morsure n’était pas prévisible (74 %) ou peu prévisible (12 %).

10 % des chiens mordeurs étaient atteints d’une affection (arthrose, douleurs du train arrière, cécité, cryptorchidie, épine dans un membre, insuffisance mitrale, etc.). « Les morsures de chien constituent un problème de santé publique », estiment les auteurs. Selon eux, des campagnes de prévention devraient être menées. « Les risques sont le plus souvent méconnus, soulignent-ils. Les enfants doivent en particulier apprendre à ne pas considérer le chien comme un jouet, mais comme un être vivant avec ses réflexes de défense. »

  • (1) Les centres hospitaliers (CH) d’Annecy, de Béthune, de Blaye, de Fontainebleau, de Verdun, le Groupe hospitalier du Havre, le Centre hospitalier universitaire (CHU) de Limoges et l’hôpital de la Timone à Marseille. Enquête disponible sur le site www.invs.sante.fr

Cas graves : les adultes en première ligne

Dans l’enquête, 87 morsures ont provoqué des lésions importantes (plaie délabrante ou associée à une atteinte osseuse, tendineuse, articulaire, etc.). L’âge moyen des victimes est de 34 ans. Elles sont deux fois moins fréquentes chez les enfants.

50 % des morsures sont situées au niveau des membres supérieurs et 29 % au niveau de la tête. Le chien est connu de la victime dans la majorité des cas (86 %). L’attaque est le plus souvent survenue sans raison apparente (41 %) ou lors d’une intervention pendant une bagarre entre chiens. Selon les comportementalistes, il s’agissait d’une agression par irritation (64 %), de type hiérarchique et territorial à part égale (17 %).

Les races les plus impliquées sont le labrador (11 cas), le berger allemand (10), le boxer (4) et le Jack Russell (4), le plus souvent des mâles (65 %). Au total, 18 chiens de catégorie sont à l’origine de morsures : 15 rottweilers et 3 staffordshire terriers.

N. F.

Un observatoire fantôme

Qui se souvient que la création d’un Observatoire national des morsures est prévue dans l’article 1 de la loi du 20 juin 2008 sur les chiens dits dangereux ? Il devait permettre une analyse des circonstances et de la prévalence des agressions par races canines, donc « une approche scientifique et non plus médiatique », soulignait la profession unanime. Où en est-on Nulle part. Tiré à hue et à dia par les intérêts divergents des lobbies, le projet est au point mort.

N. F.
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