Penser aux urétérolithiases lors de toute maladie rénale - La Semaine Vétérinaire n° 1451 du 20/05/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1451 du 20/05/2011

Uro-néphrologie féline

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Gwenaël Outters

Le traitement de première intention est médical. La chirurgie sous néphroscopie est une alternative aux techniques classiques, de même que la pose de stents.

Les lithiases du haut appareil urinaire sont identifiées depuis longtemps chez le chat. Elles sont cependant de plus en plus observées en raison de l’amélioration des moyens diagnostiques et de l’augmentation du nombre de cas. Celle-ci serait liée à l’alimentation distribuée lors du traitement d’autres affections urologiques, à la nourriture sèche et à l’acidose métabolique. Les urétéro-lithiases, oxalocalciques dans 95 % des cas, pour lesquels il n’existe pas de traitement calculolytique, se manifestent souvent sous la forme du syndrome “maladie du gros rein et du petit rein”, indique Thierry Francey. Le point de départ de cette affection est une lithiase du haut appareil urinaire. Une insuffisance rénale chronique débutante au cours de laquelle l’excrétion de calcium est augmentée est également évoquée (l’excrétion de calcium favorise la formation de cristaux d’oxalate de calcium). Les reins produisent des urolithes qui passent au départ sans problème par les voies urinaires puis les bouchent. Le chat présente initialement un syndrome abdominal douloureux, sans urémie ni azotémie en raison du fonctionnement normal du second rein. Pendant quelques heures à plusieurs jours, le rein du côté de l’obstruction augmente de taille et est douloureux. Il se rétracte ensuite. Le rein controlatéral connaît une hypertrophie compensatrice asymptomatique jusqu’à ce qu’une lithiase obstructive s’y installe. Le tableau clinique est composé d’un petit rein terminal et d’un gros rein, douloureux et obstrué. Le syndrome urémique se développe alors rapidement.

Le diagnostic différentiel inclut des pyélonéphrites (au cours desquelles un syndrome obstructif peut apparaître en raison des débris inflammatoires), une insuffisance rénale aiguë (causée dans les trois quarts des cas par des lithiases), un lymphome unilatéral, une insuffisance rénale chronique ou une péritonite infectieuse féline (souvent bilatérale). « Il convient de penser aux urétérolithiases chez tous les chats atteints d’une maladie rénale et lors de syndromes abdominaux douloureux, accompagnés d’agressivité ponctuelle et brutale », souligne Thierry Francey.

Le diagnostic s’appuie sur le tableau clinique, l’échographie et la radiographie

La difficulté du diagnostic repose sur la mise en évidence de l’urolithe. L’échographie nécessite un matériel de bonne qualité (urolithe et espace rétropéritonéal petits, faible dilatation rénale chez le chat) et de la technicité. Elle est facilitée lors d’une forte dilatation avec des signes obstructifs évidents. Cependant, les multiples passages des calculs dans les uretères créent une inflammation et une fibrose qui empêchent souvent leur dilatation. L’échographie permet aussi l’évaluation du parenchyme rénal. La biopsie rénale est risquée, en raison de fuites périrénales fréquentes.

Radiodenses, les calculs à oxalate de calcium sont identifiables à la radiographie : ils sont cependant souvent petits et leur visualisation est gênée par la superposition des autres organes. Si l’obstruction est complète, l’urographie par contraste intraveineux ne permet pas la distinction entre une insuffisance rénale aiguë, avec une lésion intrinsèque, et une obstruction urétérale. Il est possible, sous contrôle échographique, d’injecter le produit de contraste directement dans le bassinet. Cela nécessite un bassinet dilaté et de l’expérience. Il s’agit parfois de la seule solution diagnostique. Le scanner présente aussi des limites en cas d’absence de filtration rénale : si le contraste ne peut pas suivre les uretères, ce n’est pas une alternative à l’urographie par contraste.

Si l’animal a pu être médicalement stabilisé, le diagnostic est plus aisé deux à trois jours après l’apparition des symptômes. Dans ce cas, l’hémodialyse (deux à trois traitements de deux à trois heures, sans héparinisation), en diminuant l’azotémie et en corrigeant les anomalies hydro-électrolytiques, permet de gagner du temps pour le diagnostic. Ce choix facilite par ailleurs la prise en charge chirurgicale ultérieure.

Le traitement médical de première intention efficace dans deux tiers des cas

Chez le chat, « le débit de filtration glomérulaire peut être récupéré après quatre jours d’obstruction totale, puis les chances se dégradent rapidement », d’après Christelle Maurey. Partant de principes logiques, les choix thérapeutiques sont pourtant empiriques. La fluidothérapie corrige les troubles hydro-électrolytiques. Les diurétiques peuvent favoriser la diurèse et le passage de certains calculs de petite taille. Les opiacés luttent contre la douleur et favorisent la levée des spasmes. L’inhibition des récepteurs -mimétiques par de l’alfuzocine permettrait la relaxation des uretères. L’amitriptyline, aux propriétés anti-cholinergiques et myorelaxantes, est également prescrite à ces fins. D’autres antispasmodiques ou myorelaxants (phloroglucinol, diazepam) peuvent être utilisés. Enfin, une antibiothérapie est mise en place de façon empirique, mais systématique : les lithiases obstructives du haut appareil urinaire sont souvent accompagnées d’une pyélonéphrite infectieuse, et l’uroculture peut être négative si le flux urétéral est totalement arrêté.

La fonction rénale et l’ionogramme sont évalués tous les jours, le suivi échographique visualise la dilatation urétérale et la radiographie permet éventuellement de suivre la migration du calcul.

Notre consœur constate que l’amélioration clinique et biologique est généralement nette après quelques jours de traitement, même sans migration du calcul.

Le rôle de la levée des phénomènes inflammatoires, ainsi que celui de la migration des caillots et des débris cellulaires qui entourent les calculs, sont évoqués. Le suivi radiographique du calcul ne doit donc pas être le seul élément qui guide la décision chirurgicale, c’est le caractère obstructif persistant après le traitement médical qui la justifie. Ce traitement médical constitue ainsi le choix de première intention : 66 % des chats(1) y répondent. La lithotripsie n’est actuellement pas adaptée, car elle crée trop de lésions iatrogènes. Lorsque le traitement médical échoue ou que l’animal reste instable, une intervention pour lever l’obstruction est à envisager.

L’animal est stabilisé avant la chirurgie, par exemple par néphrostomie

En phase préopératoire, la thérapeutique liquidienne permet d’assurer l’équilibre acido-basique. L’hémodialyse lutte contre le syndrome urémique, mais ne lève pas l’obstruction. Elle n’empêche pas l’évolution de la lésion rénale secondaire à l’hydronéphrose. A contrario, la mise en place de sondes de néphrostomie, qui passent directement dans la cavité pyélique, permet de drainer l’urine à l’extérieur. La sonde est introduite dans le pôle longitudinal du rein jusqu’au bassinet, puis elle est sécurisée à la paroi abdominale. Cependant, le taux de complications est de 46 %. « Cette technique est indiquée en phase préopératoire, uniquement pour stabiliser l’animal. Elle entraîne une nette amélioration clinique et biochimique », indique Thibaut Cachon. La chirurgie du haut appareil urinaire requiert une technicité et un matériel spécifiques : microscope opératoire, loupe binoculaire, instruments de microchirurgie, sondes de petit diamètre, fils monofilaments montés sur aiguilles rondes (5.0 à 7.0). L’anesthésie des animaux à la fonction rénale altérée est délicate. Les soins postopératoires, lourds, nécessitent une équipe entraînée. Des complications majeures sont observées dans 31 % des cas et une mortalité périopératoire dans 18 % des cas. Le taux de survie à deux mois est de 91 %.

De multiples options chirurgicales selon la localisation du calcul

En ce qui concerne la lithiase pyélique non obstructive, le consensus est de ne pas intervenir. Si les lésions rénales sont irréversibles, une néphrectomie est pratiquée. Si les lésions sont réversibles et que le calcul est proximal, mieux vaut opter pour une urétérotomie ou une néphroscopie. Localisée dans le tiers distal, la levée de l’obstruction s’effectue par urétérotomie ou réabouchement urétéral, ou éventuellement néphroscopie si le calcul peut remonter dans le bassinet.

L’urétérotomie consiste à ouvrir l’uretère pour en extraire l’urolithe. Elle est difficile à réaliser chez le chat, d’autant que ses voies urinaires ne sont généralement pas dilatées. Les complications associées sont nombreuses : fuites urinaires (6 %), et sténose cicatricielle qui favorise les récidives. Pour limiter les sténoses, il est intéressant de suturer transversalement ou de poser des stents urétéraux en phase postopératoire (voir article en page 38).

L’urétérectomie a lieu si la lésion de l’uretère est telle qu’elle compromet la cicatrisation. Cette technique est complexe chez le chat et les complications postopératoires sont encore plus fréquentes que lors d’urétérotomie.

La neo-urétérostomie ou néo-urétéro-cytostomie consiste en un réabouchement vésico-urétéral. Cette technique délicate permet de retirer les calculs de la portion distale de l’uretère et semble, pour certains chirurgiens, plus simple, plus rapide et présente moins de complications qu’une urétérotomie. Néanmoins, dans l’étude de A.E. Kyles(1), les complications postopératoires sont identiques. Quelle que soit la technique chirurgicale choisie, il convient d’identifier la nature des calculs et de rechercher les causes prédisposantes pour mettre en place un traitement préventif.

La néphroscopie est expérimentée à l’école de Lyon

L’intervention chirurgicale réalisée par néphroscopie est une technique développée à l’école vétérinaire de Lyon. Elle permet d’effectuer l’exérèse des calculs urétéraux et rénaux en même temps, en passant un petit endoscope dans la cavité pyélique. Les lésions de l’uretère sont ainsi limitées et le praticien s’affranchit des sténoses postopératoires et des uropéritoines. Les lésions rénales iatrogènes sont également diminuées. Cette technique peut être réalisée de façon bilatérale. Elle est cependant limitée si le calcul est particulièrement enchâssé dans l’uretère. Comme ce mode opératoire en est à ses balbutiements, il est actuellement impossible d’en connaître les conséquences exactes sur le rein.

Le rein est ôté de sa loge rénale et l’endoscope est introduit dans le pôle. Une triangulation est mise en place pour pouvoir travailler dans le bassinet. L’uretère est sondé par voie rétrograde pour faire remonter les calculs dans le bassinet. En phase postopératoire, une analgésie est nécessaire, ainsi qu’une fluidothérapie et une antibiothérapie. L’uroculture réalisée à partir des prélèvements conduits au cours de l’intervention chirurgicale permettra d’adapter l’antibiothérapie. La fonction rénale est suivie (évaluation de la diurèse, dosage de l’urémie, de la créatinémie, des gaz du sang, de l’hématocrite et des protéines totales). Il convient de détecter des complications le plus rapidement possible : la palpation abdominale régulière par le même observateur, ainsi que le contrôle échographique, assurent la détection d’un éventuel uropéritoine.

Les récidives sont à prévenir en phase postopératoire

35 % des chats atteints d’une urolithiase haute à oxalates de calcium présentent une hypercalcémie. Elle est souvent idiopathique, mais la démarche étiologique doit être réalisée (recherche d’hyperparathyroïdie, d’hypercalcémie paranéoplasique, etc.) et faire l’objet d’une prise en charge nutritionnelle. La prévention des lithiases à oxalates de calcium repose sur la limitation de la saturation urinaire. Une alimentation humide est recommandée pour obtenir une densité urinaire inférieure à 1,025. Le citrate de potassium possède un double avantage : le pH urinaire induit limite la saturation en oxalates de calcium et il est un inhibiteur naturel de la formation de ces cristaux. L’animal est réévalué deux à trois mois plus tard. En cas d’échec, si et seulement si l’animal n’est pas en hypercalcémie, l’administration d’un diurétique thiazidique peut limiter l’excrétion de calcium dans les urines.

  • (1) A.E. Kyles, E.M. Hardie, B.G. Wooden et coll. : « Management and outcome of cats with ureteral calculi : 153 cases (1984-2002) », J. Am. Vet. Med. Assoc., 2005, vol. 226, n° 6, pp. 937-944.

CONFÉRENCIERS

Thierry Francey, université de Berne (Suisse).

Christelle Maurey-Guenec, service de médecine de l’ENV d’Alfort.

Thibaut Cachon, service de chirurgie de VetAgro Sup.

Article rédigé d’après les conférences « Lithiases du haut appareil urinaire chez le chat : quand y penser, comment les diagnostiquer ? » et « Lithiases du haut appareil urinaire chez le chat : dialogue médico-chirurgical », présentées lors du congrès de l’Afvac, à La Défense en décembre 2010.

Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr