L’euthanasie s’impose chez les animaux sauvages qui ne peuvent être remis en liberté - La Semaine Vétérinaire n° 1451 du 20/05/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1451 du 20/05/2011

Prise en charge des sujets blessés

Formation continue

FAUNE SAUVAGE

Auteur(s) : Florine Popelin-Wedlarski

Seules 40 % des espèces recueillies dans les centres de sauvegarde sont relâchées. L’euthanasie à l’entrée, qui permet d’abréger les souffrances des animaux apportés au praticien, est une forme de prise en charge.

Au sein des centres de sauvegarde de la faune sauvage, les soins aux animaux ne peuvent être mis en place que dans l’optique d’un relâcher dans la nature. La réglementation interdit en effet de garder en captivité la majorité des espèces sauvages. Pour les sujets qui conserveront des séquelles invalidantes à la suite des soins, la seule solution est l’euthanasie. Cet acte entre également dans le cadre de la bien-traitance animale, si le praticien a la conviction d’un niveau élevé de souffrance.

La décision d’euthanasie prend en compte l’atteinte médicale et la biologie de l’espèce

La question d’entreprendre ou non des soins chez un animal sauvage se pose lors de sa prise en charge initiale, à son arrivée à la clinique, et avant le transfert vers un centre de soins habilité.

Le statut juridique de l’espèce (protégée, gibier, nuisible) n’influe pas sur la possibilité de pratiquer l’euthanasie, dans le sens où le vétérinaire a le droit de mettre fin aux jours d’un animal protégé si l’état médical de celui-ci l’impose. En revanche, ce statut intervient dans la décision dictée par la gravité de l’état de l’animal, les frais et le temps de travail prévisibles : davantage d’efforts sont consentis pour les espèces protégées que pour les gibiers ou les nuisibles, susceptibles d’être abattus dès leur sortie du centre de soins. La décision de l’euthanasie est prise conjointement par le vétérinaire et le responsable du centre de soins. Le praticien apporte ses compétences médicales et pose, au terme de l’examen clinique initial, un pronostic de survie. Si celui-ci est favorable, il convient alors d’évaluer les capacités de l’animal à retourner dans la nature, selon les séquelles prévisibles consécutives aux soins et son mode de vie. Cette estimation s’effectue si nécessaire avec un naturaliste, qui indiquera au vétérinaire les impératifs biologiques de l’espèce. Par exemple, l’amputation de tous les doigts d’une patte ne pose pas de problème particulier dans le cas du relâcher d’un pigeon. En revanche, elle est incompatible avec la survie d’un épervier, qui utilise ses longs doigts pour capturer les petits oiseaux dont il se nourrit. Privé d’une patte, ce rapace est condamné à mourir de faim.

Les compétences du centre de soins sont à prendre en considération

Il importe ensuite d’évaluer la durée et la complexité des soins nécessaires, ainsi que l’aptitude de l’animal à supporter la captivité et les manipulations. Certaines espèces, particulièrement sujettes au stress, peuvent mourir lors d’un long confinement (l’épervier d’Europe, par exemple) ou s’alimentent difficilement de manière spontanée en captivité (comme la bécasse des bois). Par ailleurs, il est impossible de prodiguer des soins quotidiens aux espèces agressives (telles que les mustélidés) sans anesthésie générale, ce qui ne peut pas être géré par le centre de soins pour des raisons d’équipement ou simplement de temps. Il faut en effet garder à l’esprit que l’animal est obligatoirement transféré vers le centre habilité le plus proche : les possibilités techniques et les compétences des bénévoles ou du personnel de ce lieu d’accueil doivent par conséquent être considérées lors de la décision d’entamer des soins lourds ou complexes.

Plus la durée de la captivité est importante, plus la réhabilitation en vue du relâcher est longue et délicate. Concernant les espèces migratrices, il est indispensable d’estimer si l’animal pourra être relâché avant le départ en migration ou s’il devra être maintenu en captivité jusqu’au printemps et, dans ce cas, s’il supportera – sur les plans physique et comportemental – une captivité de plusieurs mois. En outre, les risques de familiarisation avec l’homme au cours des soins et leur impact sur la possibilité du relâcher (voir encadré) sont à prendre en compte dans le protocole de réhabilitation.

Pas d’euthanasie pour les sujets invalides qui entrent dans un programme de reproduction

Seulement 40 % des animaux recueillis dans les centres de sauvegarde sont relâchés. L’euthanasie à l’entrée, qui permet d’abréger rapidement les souffrances des sujets apportés au praticien, constitue en soi une forme de prise en charge de la faune sauvage. En outre, il est souvent plus facile de mettre fin aux jours d’un animal à son arrivée qu’après plusieurs jours ou semaines de soins (qui impliquent un investissement en temps, financier et personnel parfois conséquent) en se rendant compte qu’il est impossible de le remettre en liberté. Il est difficile d’expliquer la décision d’euthanasie au public, notamment à la personne qui a apporté l’animal, plus encore lorsque ce dernier pourrait être guéri, mais non relâché. Au Centre d’accueil de la faune sauvage d’Alfort, la politique consiste à dire la vérité en invoquant d’une part la souffrance présente et/ou celle qui sera subie pendant le traitement (douleur due à l’affection, stress de la captivité), d’autre part la nature sauvage de l’animal, dont le destin n’est pas de terminer sa vie derrière des barreaux. Ainsi expliqué, la majorité des découvreurs accepte le choix du vétérinaire.

Les programmes de reproduction en captivité pour les espèces rares et patrimoniales sont la seule exception à l’euthanasie systématique des animaux qui ne peuvent être relâchés. Il est possible de transférer les infirmes vers ces programmes, en accord avec la législation (une autorisation administrative est nécessaire).

L’euthanasie s’effectue systématiquement par une voie veineuse

En cas d’euthanasie, T61® ou Doléthal® sont utilisés indifféremment. Ils sont efficaces chez toutes les espèces sauvages. 0,2 ml de T61® par voie intraveineuse, par exemple, suffit pour un oiseau de la taille d’un pigeon.

L’euthanasie des mammifères sauvages ne pose pas de problème particulier : l’injection est réalisée de la même façon que chez les espèces domestiques. Chez le hérisson (sauf si l’animal est comateux), une anesthésie générale (gazeuse ou fixe) est pratiquée afin de dérouler l’animal et d’avoir accès au cœur, voie de choix pour l’administration d’euthanasique(1).

Chez les oiseaux, l’injection s’effectue de préférence par voie veineuse. Les inoculations intramusculaires d’euthanasique sont à proscrire. D’autres voies procurent une euthanasie rapide et indolore chez la totalité des espèces. Pour celles de taille moyenne à grande (supérieure ou égale à celle d’un pigeon), la veine alaire, située en face interne de l’aile au niveau du coude, peut être utilisée. Cette veine est fragile et les hématomes sont fréquents, mais cette voie est facile d’accès. Les aiguilles courtes et de faible diamètre sont à privilégier. L’oiseau est maintenu sur le dos, aile dépliée contre la table, ou tenu contre le manipulateur, aile relevée vers le haut. Chez les espèces de grande taille ou aux pattes puissantes (les anatidés, par exemple), la veine métatarsienne médiale (sur la patte) est aisément atteignable. Elle se trouve sur le tarso-métatarse (face médiale), part de la base du pouce et se dirige vers l’intérieur de l’articulation intertarsienne. Chez les oiseaux de taille égale ou inférieure à celle du merle, l’accès à ces voies veineuses est délicat, voire impossible. L’administration intracardiaque est alors privilégiée (voir figure ci-contre).

Pour toutes les espèces, il est possible d’emprunter la voie du sinus occipital. Cet accès veineux est utilisé dans les élevages de volaille ou de canards pour les prises de sang. Chez les espèces sauvages, il est réservé à l’injection d’euthanasique en raison de risques de lésions cérébrales. La tête de l’oiseau est repliée bec contre le cou afin de dégager l’articulation atlanto-occipitale (voir photo). L’aiguille est introduite de quelques millimètres dans la légère dépression palpée entre la base du crâne et la première vertèbre, en direction de la pointe du bec.

Prévenir les autorités de la présence d’un animal sauvage dans la clinique

A la suite de l’euthanasie, le corps est conservé par le vétérinaire, avant d’être récupéré par les services d’équarrissage ou d’incinération. Comme la mairie est responsable des animaux errants ou divagants sur sa commune, elle assume, en théorie, les frais relatifs à l’enlèvement des corps. Le vétérinaire est légalement tenu, en outre, de prévenir les autorités (Direction départementale de la protection des populations ou Office national de la chasse et de la faune sauvage) de la présence provisoire d’un animal sauvage, vivant ou mort, dans sa clinique.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1428 du 3/12/2010 en page 54.

Cas rédhibitoires pour le relâcher

• Arrachement d’un membre, fracture ouverte délabrante et/ou ancienne.

• Fracture articulaire.

• Atteinte vertébrale ou du bassin.

• Perte d’un œil (sauf chez les espèces opportunistes, rapaces nocturnes) ou des deux yeux.

• Plaies délabrantes sur de petits animaux (chauve-souris, passereaux).

• Maladie avancée (gale du renard, myiase du hérisson, paramyxovirose du pigeon, par exemple).

• Impossibilité pratique de réaliser les soins (pose de fixateur externe chez une fouine, par exemple), possibilités techniques du centre d’accueil.

F. P.-W.
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