Une nourriture enrichie en tryptophane réduit les bagarres lors de la mise en lot des animaux

Les affrontements entre les porcs sont fréquents lors de la mise en lot, en postsevrage ou en engraissement. Ces bagarres ont un impact sur la santé et le bien-être des animaux. La sérotonine ou 5-hydroxy-tryptamine est un neuromédiateur impliqué dans la régulation de l’anxiété.Son principal précurseur est le tryptophane. Augmenter l’apport de ce dernier dans la ration stimulerait la production de 5-hydroxy-tryptamine et réduirait l’anxiété des porcs au moment des mises en lot. Une étude américaine⁽¹⁾ évalue l’intérêt d’un apport ponctuel de tryptophane sur le comportement des animaux lors de remaniement de lots.

Un lot de cochettes reçoit une supplémentation de 250 % de tryptophane

Dans cette expérimentation, quarante-huit cochettes sont réparties en huit cases de post-sevrage à dix-neuf jours d’âge. Les six femelles de chaque division proviennent de portées différentes. Les cases ne sont pas remélangées à l’entrée en engraissement (à cinquante-quatre jours d’âge). Les animaux reçoivent le même aliment. A trois mois d’âge et pendant sept jours (J1 à J7), les cochettes de quatre cases (lot T) reçoivent un supplément de 250 % de tryptophane par rapport aux bêtes non supplémentées (lot S). A J1 et J7, une prise de sang est effectuée sur chaque cochette. Le temps consacré aux différentes activités et postures est mesuré pour chaque animal de J1 à J5. Chaque cochette de l’étude est mise en présence d’une autre “hors étude” du même âge pendant cinq minutes à J6, puis à J7. La survenue d’une bagarre et le délai d’initiation sont enregistrés. Le protocole est renouvelé à six mois d’âge. Chaque case change alors de lot : les animaux qui étaient dans le lot T deviennent témoins et ceux du lot S reçoivent du tryptophane.

Des bagarres moins fréquentes au sein du lot tryptophane (39 % versus 87,5 %)

De J1 à J5, les cochettes du lot T sont moins actives. Elles se reposent plus et interagissent moins au sein de la case que les bêtes du lot S. Ces différences ne sont toutefois significatives qu’à trois mois d’âge (p < 0,05).

A trois mois d’âge, en présence d’un animal “hors étude”, la fréquence des bagarres initiées par une cochette de l’expérience est moins élevée dans le lot T que dans le lot S à J6 (39 % versus 87,5 %, p < 0,05). A J7, les cochettes du lot T déclenchent autant d’affrontements que celles du lot S (respectivement 87,5 % et 84,5 %). A J6, les animaux du lot T provoquent moins rapidement les bagarres que ceux du lot S (donnée non montrée, p < 0,05). La fréquence des affrontements déclenchés par la cochette “hors étude” est plus élevée dans le lot T que dans le lot S à J6 (22 % versus 4,5 %, p < 0,05), mais pas à J7. A six mois d’âge, les différences ne sont pas significatives entre les lots.

Les concentrations sériques en tryptophane augmentent plus à trois mois qu’à six mois

De J1 à J7, dans le lot T, les concentrations sériques de tryptophane augmentent de 180,7 % à trois mois et de 85,2 % à six mois d’âge. Dans le lot S, ces hausses sont significativement plus faibles : 11,8 % à trois mois, 22,9 % à six mois d’âge (p < 0,05). De J1 à J7, les concentrations sériques de 5-hydroxy-tryptamine dans le lot T croissent de 20,3 % à trois mois et de 12,8 % à six mois d’âge. Ces augmentations ne sont pas statistiquement différentes de l’évolution dans le lot S.

L’enrichissement de l’aliment peut être insuffisant par rapport aux besoins à six mois

En résumé, l’enrichissement de l’aliment à 250 % de tryptophane accroît le temps de repos et réduit les bagarres à l’introduction d’un nouvel animal à trois mois, mais pas à six mois d’âge. Les concentrations sériques en tryptophane augmentent d’ailleurs davantage à trois mois qu’à six mois. L’absence de différence significative entre les lots à six mois d’âge peut avoir plusieurs origines. Par exemple, l’enrichissement de l’aliment à 250 % de tryptophane peut être insuffisant par rapport aux besoins à six mois d’âge (un moment où survient aussi la puberté, qui peut influer sur l’état de stress des animaux). Enfin, le fait d’avoir renouvelé le protocole avec les mêmes cochettes à six mois d’âge introduit le biais de l’apprentissage. Ce dernier peut également expliquer l’absence de différence entre les lots du nombre de bagarres déclenchées à J7 (mémorisation à J6).

Des études similaires pourraient être menées sur des truies. La directive “bien-être” qui impose leur mise en groupe entre en application à partir du 1^er janvier 2013.

• (1) R. Poletto , R. Meisel, B. Richert, Hw.Cheng, J.Marchant-Forde : « Aggression in replacement grower and finisher gilts fed a short-term high-tryptophan diet and the effect of long-term human-animal interaction », Applied Animal Behaviour Science, 2010, vol. 122, pp. 8-110.