OABA : 50 ANS D’ACTIONS CONTRE LA SOUFFRANCE ANIMALE - La Semaine Vétérinaire n° 1445 du 08/04/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1445 du 08/04/2011

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Auteur(s) : Marine Neveux

L’œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA), fondée en 1961 par Jacqueline Gilardoni, a soufflé ses cinquante bougies le 2 avril dernier à l’Assemblée nationale. Cet événement comporte une connotation particulière en cette année mondiale vétérinaire. L’occasion de retracer l’historique de l’association, mais aussi de constater les évolutions, les progrès et malheureusement, parfois, un retour en arrière concernant certaines problématiques liées à la bien-traitance animale.

Alors qu’elle célèbre en 2011 ses deux cent cinquante ans, la profession vétérinaire a été saluée pour son engagement dans le domaine de la protection animale. En témoigne la médaille décernée par l’œuvre d’assistance aux bêtes d’abattoirs (OABA) à Michel Baussier, président du Conseil supérieur de l’Ordre. « Je compte emmener l’ensemble de la profession à réfléchir à ce débat », a souligné notre confrère qui s’était déjà engagé, dans sa profession de foi à l’Ordre, à prendre à bras-le-corps la problématique du bien-être animal. « Et peut-être inscrire la protection animale dans la loi qui fonde la profession vétérinaire. »

A l’occasion de l’assemblée générale de l’OABA, le 2 avril dernier, Jean-Pierre Kieffer, son président, a aussi salué l’engagement de Benoît Assémat, président du Syndicat national des inspecteurs en santé publique vétérinaire (SNISPV), pour ses prises de position « très courageuses » lorsqu’il s’agit de mentionner les carences de moyens humains dans les abattoirs, ainsi que son « courage, sa clairvoyance face au ministère de l’Agriculture ». Benoît Assémat a, de nouveau, fait part de ses craintes à propos des réorganisations et des baisses d’effectifs d’inspecteurs : « Il y a probablement un risque important, maintenant et pour les prochaines années. » En effet, la problématique des abattoirs suscite bien des inquiétudes depuis quelques mois.

Jean-Luc Angot, directeur-adjoint à la Direction générale de l’alimentation (DGAL), a aussi rendu hommage à l’action de l’OABA, à « la disponibilité dont [celle-ci fait] toujours preuve et à l’aide matérielle et technique apportée aux services vétérinaires à chaque fois qu’ils en font la demande lors d’opérations de sauvetage d’animaux ». Notre confrère n’a pas manqué de souligner la pertinence du maillage vétérinaire dans le cadre de la protection animale : « En contact direct avec les troupeaux et les éleveurs, les vétérinaires sont en première ligne pour déceler les cas de maltraitance ou d’abandon, de même que de maladie. Aussi, la pérennité d’un maillage vétérinaire dans nos campagnes est également un élément clé pour le maintien du bien-être des animaux de rente. »

Cette assemblée générale était donc particulière puisqu’elle fêtait les cinquante ans de l’association, accueillie à l’Assemblée nationale sous la bienveillance de notre confrère député Michel Lejeune, et ouverte par l’académicien Alain Decaux. L’association a, en outre, dressé un triste bilan : cinquante ans après la création de l’OABA, l’insensibilisation avant l’abattage est loin d’être systématique, en infraction vis-à-vis des textes obtenus grâce à l’action de Jacqueline Gilardoni, sa fondatrice (voir encadré p. 31).

Un débat sur la campagne relative à l’abattage rituel

La fin de l’année 2010 a effectivement été marquée par la problématique de la mise à mort sans étourdissement. « Devant la banalisation de plus en plus répandue de la distribution des viandes qui répondent à des préceptes religieux, sans mention spéciale, il était normal que l’OABA veuille dénoncer la dérive de l’abattage rituel, à l’insu du consommateur et en infraction avec la réglementation », a expliqué Jean-Pierre Kieffer. Selon les rapports officiels, 60 % des ovins et des caprins et plus de 20 % des bovins sont tués sans étourdissement, alors que les communautés juive et musulmane représentent 7 à 8 % de la population en France. Une campagne d’information(1) sur les conditions d’abattage a ainsi été lancée et fait l’objet de pressions et d’objections de la part de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP). « Des sondages d’opinion montrent qu’une large majorité de nos concitoyens ne souhaitent pas consommer de telles viandes qui proviennent d’animaux égorgés à vif, en pleine conscience et dont l’agonie peut durer de longues minutes », a rappelé Jean-Pierre Kieffer. Plusieurs propositions de loi, qui émanent du député Nicolas Dhuicq et du sénateur Nicolas About, ont été déposées afin d’encadrer la pratique des mises à mort rituelles et d’informer le consommateur (via un étiquetage). Finiront-elles aux oubliettes sous la pression des lobbies ?

« Conformément aux propos du ministre Bruno Le Maire, 2011 sera une année charnière pour l’abattage rituel, avec la mise en place d’un encadrement plus strict des conditions de mise à mort sans étourdissement et des durées de contention des animaux concernés », a précisé Jean-Luc Angot. Mes services travaillent aux textes nécessaires : un décret et un arrêté définissant l’autorisation qui serait délivrée par le préfet et les obligations faites aux exploitants d’abattoir pour bénéficier de cette autorisation d’abattage rituel sans étourdissement sont en cours de rédaction. Ils seront notifiés à la Commission européenne. »

Qu’il se situe au niveau national ou européen, le sujet est délicat et les avancées sont difficiles. « Le ministre de l’Agriculture a reçu récemment les représentants des organisations de protection animale, a relevé Jean-Pierre Kieffer. Il a rejeté le recours obligatoire à une information du consommateur sur la méthode d’abattage. Cependant, il a promis un prochain décret qui encadrera les conditions de contention. Une fois de plus, la déception est à la hauteur des espoirs et des promesses non tenues, comme celle du ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy qui, en 2006, annonçait “la généralisation de l’étourdissement préalable”… »

Certaines procédures de retrait des animaux se soldent par des échecs

« Les autorités administratives des Directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCSPP) sont souvent perdues dans le dédale des contenus juridiques, avec des agents verbalisateurs qui ne visent pas forcément des textes permettant aux associations de protection animale de se constituer partie civile, a observé Frédéric Freund, directeur de l’OABA et juriste. D’où certains jugements, financièrement catastrophiques pour notre association, dans lesquels le prévenu est condamné, mais exonéré de payer les frais de garde des animaux retirés. Un exploitant a même entamé une procédure en référé pour faire condamner sous astreinte l’OABA à restituer les bovins qui lui avaient été remis. »

Un autre, pourtant condamné à quatre mois d’emprisonnement avec sursis, a saisi la justice afin de récupérer ses animaux. « Cet exploitant n’avait pas été interdit d’exercer sa profession et la confiscation des bovins, obtenue en première instance, n’avait pas été confirmée en appel », a poursuivi Frédéric Freund. L’OABA pourrait alors être contrainte de payer des dommages et intérêts si elle ne restitue pas les bêtes à un exploitant qui, « rappelons-le, a laissé mourir une cinquantaine de bovins et a été condamné pour ces mauvais traitements ». Vous avez dit justice ?

Jean-Luc Angot, pour sa part, a salué la collaboration offerte par l’OABA « qui est souvent sollicitée par nos services de terrain dans le cadre d’opérations de retrait d’animaux. Ce genre d’interventions, dont l’organisation se révèle assez lourde d’un point de vue logistique, n’est pas toujours réalisé avec toute la rigueur juridique requise, et des restitutions d’animaux à des propriétaires malveillants peuvent avoir lieu de façon catastrophique ». Afin d’y remédier, un groupe de travail réunissant des agents de terrain et d’autres qui possèdent une compétence juridique a été constitué dès la fin de l’année 2010. « L’objectif est d’établir des modèles de procédures et d’harmoniser les différentes pratiques sur le territoire national afin de sécuriser le travail qui est accompli dans ce domaine, souvent en commun avec l’OABA », a expliqué Jean-Luc Angot.

Parmi les problématiques récurrentes, l’étude d’une norme halal européenne

L’année 2010 a été ponctuée par de nombreuses problématiques. La représentativité de l’OABA s’effectue à plusieurs niveaux, a détaillé Jean-Pierre Kieffer. Elle participe notamment aux réunions du comité de pilotage de l’Aïd el-Kebir sous l’autorité des ministères de l’Agriculture, de l’Intérieur et de la Justice. « Cette année, l’OABA a projeté un film qui montre les conditions dans lesquelles fonctionne un abattoir temporaire agréé. L’œuvre dénonce ainsi l’autorisation parfois délivrée à ce type d’établissement qui ne respecte pas la réglementation. » La plaquette destinée aux sacrificateurs rituels musulmans afin de rappeler les règles de protection animale a d’ailleurs été de nouveau éditée. L’OABA a participé au groupe de travail organisé par l’Afnor pour étudier les bases d’une norme halal au niveau européen. Néanmoins, « les participants français veulent imposer un préalable qui exclut tout recours à un étourdissement, en opposition aux normes proposées par d’autres pays européens, déplore Jean-Pierre Kieffer. Un dialogue constructif devient alors impossible. »

Autre point de crispation de l’année, l’OABA adémissionné du comité d’éthique du Centre d’information des viandes (CIV), « notamment pour ne pas avoir été auparavant consultée à propos de la diffusion de spots sur les radios dans le cadre de la campagne “Soyons fermes”(2) ».

Des perspectives plus positives ont néanmoins été mises en avant par Jean-Luc Angot : « Aujourd’hui, l’accent est mis aussi bien sur la sécurité et la salubrité de la viande que sur la prévention de mauvais traitements lors du déchargement, de l’immobilisation et de l’étourdissement des animaux, ainsi que sur le respect de conditions d’hébergement compatibles avec les impératifs physiologiques et comportementaux de chaque espèce. Il n’est pas question de se désengager de ces points essentiels. » Un nouveau règlement européen relatif à la protection animale en abattoir (CE n° 1099/2009) entrera en application au 1er janvier 2013. « Il prévoit, entre autres, pour toute personne qui travaille en abattoir, une formation spécifique à son poste au regard de la protection animale, ainsi que la présence obligatoire d’un responsable “protection animale” dans chaque établissement d’abattage à partir d’un certain tonnage. La France rendra obligatoire la présence d’un tel responsable dans chaque abattoir à partir du 1er janvier 2013. » La mise en place de méthodes d’inspection (harmonisées grâce à l’utilisation de grilles et de vade-mecum élaborés à l’échelon national avec l’aide d’experts de terrain), l’élaboration de démarches de contrôle dans les domaines du transport des animaux et de l’élevage des poulets destinés à la production de viande devraient, par ailleurs, renforcer les mesures en faveur de la bien-traitance animale.

En outre, Jean-Luc Angot reconnaît que le transport des animaux réservés à la consommation humaine est une « étape particulièrement critique en termes de bien-être animal. Toutefois, elle représente un enjeu économique considérable, eu égard au nombre de bêtes qui transitent chaque année dans notre pays et au travers de l’Europe (plusieurs dizaines de millions d’animaux de rente). La programmation des inspections “protection animale au cours du transport” a été modifiée en augmentant la pression de surveillance à des endroits stratégiques ».

Bien des sujets ont animé ces derniers mois. Ils continueront à rythmer l’année 2011 et les actions de l’OABA. Parmi eux, une proposition de loi interdisant la corrida et les combats de coqs, déposée à l’Assemblée nationale en septembre dernier, et la constitution d’un collectif de vétérinaires opposés à la tauromachie.

En outre, le président de l’OABA a de nouveau regretté le manque d’activité des conseils départementaux de santé et de protection animales (CDSPA). Certains d’entre eux ont néanmoins créé des groupes “éleveurs en difficulté” (comme dans l’Orne et la Haute-Saône) afin d’intervenir lors d’abandon de soins. Toujours est-il que le constat est le même tous les ans : il n’existe aucune structure, nationale ou régionale, permettant d’héberger et de soigner des animaux d’élevage abandonnés.

  • (1) Affiches et site Internet (http://www.abattagerituel.com).

  • (2) Campagne d’information grand public sur la viande de bœuf, de veau et de porc, menée avec le soutien du ministère en charge de l’Agriculture et de l’Alimentation.

Les actions contentieuses

• Une trentaine de procédures pénales initiées par l’OABA au cours de l’année 2010 (bovins, ovins, caprins et équidés délaissés ou maltraités par leur détenteur).

• Actuellement, une centaine d’affaires judiciaires sont en cours.

• Une nette augmentation des mauvais traitements et sévices sur les animaux. « Bovins abandonnés et morts de faim, ovins privés de nourriture, bovins enfermés dans l’étable, morts de faim et de soif, abattages clandestins, vache laissée 15 jours sans soins après son vêlage et agonisante jusqu’à sa mort, conditions d’abattage particulièrement cruelles dans un abattoir du Calvados, sévices sexuels sur des chèvres au sein d’un élevage, plusieurs sites illégaux d’abattage lors de l’Aïd al Adha (dont un site près de Metz avec 200 moutons égorgés), 140 000 poules mortes de faim sur le site d’Alsace œufs de Kingersheim, vache tuée et son petit dépecé encore vivant », énumère Frédéric Freund, directeur et juriste de l’OABA.

• 420 animaux confiés à l’OABA : récupération des cheptels à l’abandon.

M. N.

Les médaillés de l’OABA

• Le groupement de gendarmerie de la Moselle

• Max Josserand, éleveur-négociant

• Michel Baussier, président du Conseil supérieur de l’Ordre des vétérinaires

• Benoît Assémat, président du SNISPV

• Christophe Buhot, vice-président de la Federation of Veterinarians of Europe (FVE)

• La presse vétérinaire (La Semaine Vétérinaire et La Dépêche Vétérinaire)

• Médailles aux fidèles adhérents  : Marie-Hélène Le Lopin, Odette Mas, Edith Quié, Paule Joncker

50 ANS DE PROTECTION DES ANIMAUX EN QUELQUES DATES

• 1957 : une ânesse échappée de l’abattoir de Menton se met sous la protection d’une femme et de sa fille. Jacqueline Gilardoni découvre ainsi le monde des abattoirs. Cette ânesse deviendra le symbole d’une vie consacrée à la cause animale.

• 1961 : les statuts de l’OABA sont déclarés à la préfecture. Après quatre années d’enquêtes dans les abattoirs, Jacqueline Gilardoni crée l’association dans le but d’obtenir la fabrication d’appareils d’insensibilisation et une réglementation pour rendre leur emploi obligatoire. Le but de l’OABA est de « défendre et assister les animaux de boucherie durant leur vie, leur transport et leur abattage par la proposition de lois appropriées. Chaque fois que cela lui sera possible, racheter, placer ou entretenir une bête dite de boucherie ».

• 1964 : le 16 avril, sous la pression de l’OABA, le décret dit « d’abattage humanitaire » rend obligatoire l’étourdissement des animaux de charcuterie et de boucherie, mais prévoit l’exception de l’abattage rituel.

• 1965 : l’OABA est reconnue d’utilité publique.

• 1970 : Jacqueline Gilardoni, six ans après le décret, dresse un bilan de la souffrance animale. 50 % des veaux et 85 % des moutons, agneaux et chèvres sont égorgés sans insensibilisation. Elle lance un appel à une protestation nationale. Une situation encore dénoncée, 40 ans plus tard, par l’OABA.

• 1976 : installation du siège de l’OABA dans la nouvelle Maison des vétérinaires, place Léon Blum à Paris. La loi du 10 juillet 1976 reconnaît à l’animal son statut d’être sensible.

• 2002 : la première assemblée générale de l’OABA sous la présidence de Jean-Pierre Kieffer se tient au palais du Luxembourg.

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