L’EXERCICE VÉTÉRINAIRE ITINÉRANT SE MAINTIENT - La Semaine Vétérinaire n° 1442 du 18/03/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1442 du 18/03/2011

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Auteur(s) : Céline Carles

L’activité itinérante n’a cessé de se développer jusqu’au milieu des années 2000, mais semble connaître une phase de stabilisation. Même si ce mode d’exercice continue d’attirer des vétérinaires qui le choisissent pour exercer exclusivement leur spécialité, il se conçoit rarement sur une carrière entière. Pourtant, la demande des praticiens est bien réelle.

L’exercice itinérant s’est développé dans les années 80. Les premiers consultants itinérantssontdeschirurgiens,qui interviennent dans les cliniques peu enclinesàs’engagerdans le lourd investissement que représentent la formation et le matérielchirurgical.Depuis, les spécialités exercées se sont diversifiées à l’ophtalmologie, l’endoscopie, l’échographie, le comportement, la médecine interne ou encore l’ostéopathie (voir graphique 1).

En 1996, les praticiens itinérants se regroupent et créent l’Association française vétérinaire pour l’activité itinérante (Afvai), première base de donnéesfiablesrelatives aunombrede confrères concernés en France. L’effectif passe de douze adhérents en 1996 à vingt-deux en 2001, trente-quatre en 2004, et vingt-sept en 2010. Tous les itinérants n’étant pas membres de l’association, leur nombre réel est cependant sous-estimé. Une approximationpeut toutefois être établie grâce à l’Annuaire Roy, qui répertorie quarante-quatre itinérants en 2011, sachant que ces données sont issues des déclarations des vétérinaires et sous réserve d’une correspondance exacte avec la définition ordinale (voir encadré en page 30). Quoi qu’il en soit, l’effectif se maintient et semble avoir atteint un palier. La relève est pourtant assurée, mais elle ne fait que compenser la “sédentarisation” de certains après quelques années d’itinérance.

Des disparités dans le maillage du territoire national

Certaines spécialités (dermatologie) sont peu représentées, voire plus du tout (neurologie, nouveaux animaux de compagnie). Est-ce le constat du moment ou certains domaines se prêtent-ils moins à l’exercice itinérant, par manque de rentabilité ? Difficile de répondre. De plus, les vétérinaires itinérants ne sont pas répartis de manière égale sur le territoire. Ils se concentrent principalement en région parisienne, en Normandie, en Provence-Alpes-Côte d’Azur et dans le Sud-Ouest (voir graphique 2). Certaines régions, comme la Bretagne ou le Nord-Est, sont peu couvertes. Le temps perdu et la fatigue associés aux plus longues distances à parcourir, ainsi que le manque de rentabilité, semblent expliquer la désaffection des itinérants pour les zones plus isolées et moins peuplées. D’après un récent sondage réalisé par La Semaine Vétérinaire(1), les secteurs couverts varient de 50 à 250 km, parfois plus, que l’activité soit concentrée sur les grosses agglomérations ou étendue sur plusieurs départements. Même si les frais de déplacement sont intégrés dans la facturation, le temps passé sur les routes ou dans les encombrements est loin d’être négligeable.

Des niveaux de formation et des diplômes variés

L’offre de soins spécialisés s’accompagne d’une augmentation des titres, diplômes et formations “spécialisantes” pour les vétérinaires. Qui dit “itinérant en ophtalmologie”, par exemple, ne signifie pas toujours “spécialiste”enla matière, au sens légal du terme, ce qui peut générer une certaine confusion dans les esprits. En effet, pour être reconnu comme spécialiste en France, il faut être titulaire d’un diplôme d’études spécialisées vétérinaires (DESV) ou de certains collèges européens (ECVD), obtenu soit à l’issue d’un cursus d’études de trois ans, soit par la validation des acquis de l’expérience (selon le décret du 16 décembre 2008 à l’article R.812-55). Les certificats d’études approfondies vétérinaires (CEAV) et d’études spécialisées (CES) ne donnent aucunement accès au titre de spécialiste.

Chez les itinérants, notre enquête révèle que les formations et les diplômes sont variés et ne se ressemblent pas, même au sein d’une discipline : internat et CES pour certains en chirurgie, board américain en médecine interne, diplôme interécole (DIE) en comportement et en ostéopathie pour d’autres, sans oublier la formation acquise sur le terrain. Sur l’ensemble des vétérinaires déclarés itinérants en chirurgie, un seul est titulaire du DESV en chirurgie des animaux de compagnie. Sans remettre en cause la valeur des diplômes des itinérants, il apparaît que les titulaires de DESV ne se lancent généralement pas sur les routes pour exercer leur spécialité… Beaucoup d’itinérants espèrent, à juste titre, une reconnaissance de leurs titres par la validation des acquis, même si les DESV ne couvrent pas toutes les spécialités. La plupart pratiquent donc leur “spécialité” sans pour autant prétendre au titre de spécialiste et, pour l’instant, la réglementation ne leur impose pas ce statut pour exercer. Ils sont cependant tenus d’assurer leur formation continue pour suivre constamment les progrès et les avancées dans leur domaine.

Exercer sa spécialité sans les contraintes de l’activité généraliste

Envisagée comme premier poste professionnel ou après une expérience en clientèle classique, parfois décevante, l’itinérance séduit par un certain nombre d’avantages. De façon unanime, le choix de ce mode d’activité est motivé par la volonté d’exercer exclusivement une discipline choisie, appréciée, pour laquelle un niveau de qualité est atteint et un effort de formation maintenu. Même si le courrier postal, le mailing et les contacts lors des congrès sont des moyens utiles pour se faire connaître, se présenter en personne dans les cliniques des référents potentiels semble essentiel pour la plupart des itinérants. Quand la satisfaction et la confiance du référent sont acquises, le bouche à oreille fait ensuite son œuvre.

Par ailleurs, la sélection d’une clientèle favorable, avec laquelle des contacts étroits se nouent, place l’itinérant dans des conditions de travail confortables. Collaborer à la fois avec les vétérinaires et les propriétaires permet un meilleur échange de l’information médicale. C’est une activité riche sur les plans humain, relationnel et intellectuel. Par l’apport de nouvelles compétences, l’itinérant contribue à enrichir l’offre de services du référent, qui bénéficie ainsi d’une meilleure image de marque auprès de ses clients. Ceux-ci n’ont pas à se déplacer, ce qui peut être utile dans les zones peu “médicalisées” où les centres spécialisés sont éloignés et pour les animaux difficilement transportables (en raison d’un polytraumatisme, par exemple).

Un exercice qui sied aux femmes et demande peu d’investissements

En outre, l’itinérance procure une certaine liberté d’organisation, avec un emploi du temps modulable et des interventions uniquement sur rendez-vous. C’est une raison qui peut expliquer l’attirance des consœurs pour cet exercice. D’après l’Annuaire Roy 2010, plus de la moitié des vétérinaires itinérants sont des femmes (vingt-quatre sur quarante-quatre). Si la chirurgie est quasi exclusivement pratiquée par les hommes, les femmes optent préférentiellement pour l’ostéopathie et les médecines alternatives. Ces disciplines, qui relèvent moins de “l’urgence” que la chirurgie, par exemple, autorisent une plus grande souplesse d’organisation, davantage compatible avec un travail à temps partiel et une vie de famille.

Les investissements liés à l’exercice itinérant sont moindres par rapport à ceux des vétérinaires installés : pas d’immobilier professionnel, pas ou peu de personnel. L’itinérant a besoin de son matériel, d’un véhicule et d’un téléphone portable. Les médecines manuelles comme l’ostéopathie se pratiquent même sans matériel. L’absence de soucis d’administration d’une structure et de son personnel, ainsi qu’une comptabilité réduite, permettent une plus large disponibilité des itinérants à leur exercice.

Vers une sédentarisation au bout de quelques années

Même si les avantages sont nombreux, les itinérants sont aussi conscients des limites à leur activité que sont le temps et l’espace. Ils admettent tous que les déplacements sont une perte de temps et induisent des risques (accidents, pertes de points sur le permis de conduire). Le temps passé sur la route est incontestablement un frein à l’extension géographique de l’activité, sans parler de la fatigue qui s’accroît avec l’âge. Il n’est pas toujours facile d’organiser le travail en regroupant les interventions dans un même secteur, en raison des aléas de la demande. De nombreux itinérants déplorent aussi l’inconfort des locaux parfois inadaptés et le manque de suivi des cas. Ces inconvénients semblent expliquer pourquoi certains d’entre eux finissent par se sédentariser au bout de quelques années, souvent au grand regret de leurs référents. Leur activité dans une région donnée leur permet de se faire connaître, avant une installation définitive, seul ou en association. 56 % des itinérants qui ont répondu à notre sondage envisagent à terme de s’installer. La plupart ont vécu plus de dix ans d’itinérance et projettent d’élargir leur offre de services dans une structure fixe. Tout en créant un patrimoine professionnel cessible au moment de la retraite, certains souhaitent également améliorer leurs revenus. En effet, les revenus moyens annuels des itinérants sont globalement plus faibles (voir graphique 3) que ceux des vétérinaires libéraux installés, qui se situent entre 50 000 et 60 000 €(2). A la différence des cliniques qui réalisent des bénéfices sur les vaccins et la vente d’aliments, les itinérants ne sont payés qu’à l’acte. Les plus forts revenus reviennent alors aux itinérants chirurgiens.

  • (1) Un questionnaire relatif à leur activité a été envoyé aux 44 itinérants répertoriés dans l’Annuaire Roy 2010 et 9 réponses nous sont parvenues.

  • (2) Source : Caisse autonome de retraites et de prévoyance des vétérinaires, 2005.

  • (3) Décret n° 2003-967 du 9/10/2003.

L’exercice itinérant est encadré par le Code de déontologie

Le statut de consultant itinérant est reconnu et défini par le Code de déontologie depuis 2003(3). A la différence du vétérinaire consultant, qui exerce en “référé”, l’itinérant n’a pas de domicile professionnel d’exercice. Il intervient ponctuellement chez les confrères qui font appel à ses services parce qu’ils n’ont pas le matériel nécessaire ou la spécialisation requise. L’intervention d’un itinérant doit faire l’objet d’une totale transparence vis-à-vis de la clientèle. Chaque vétérinaire référent est tenu d’expliquer systématiquement pourquoi il fait appel à un itinérant. Une fois le consentement donné, l’itinérant et le praticien traitant engagent conjointement leur responsabilité, à partir de la prise en charge de l’animal jusqu’à la fin des soins.

Les interventions chez un même confrère doivent être occasionnelles pour l’itinérant, afin que la clinique ne soit pas considérée comme son domicile professionnel d’exercice. Aucune limitation chiffrée n’est toutefois précisée, ce qui laisse une certaine liberté. Selon le sondage réalisé par La Semaine Vétérinaire auprès des itinérants, la majorité d’entre eux se rendent chez plus de vingt vétérinaires référents différents (voir graphique 1) et réalisent quelque trente interventions par mois (voir graphique 2).

C. C.
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