L’urovagin, peu fréquent, est responsable d’infertilité, donc de pertes économiques - La Semaine Vétérinaire n° 1441 du 11/03/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1441 du 11/03/2011

Pathologie bovine

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Karim Adjou

Cette affection urogénitale d’origine multifactorielle est plus répandue chez les vaches primipares et chez les multipares âgées, à cause des dystocies et/ou d’une bascule du bassin.

L’urovagin est une accumulation anormale d’urine dans la partie antérieure de la cavité vaginale, au niveau du fornix du vagin. Cette rétention d’urine résulte de l’altération de la conformation anatomique du tractus génital (voir figure ci-contre). La quantité d’urine accumulée peut varier de quelques centaines de millilitres à plusieurs litres (jusqu’à 5 ou 6 l).

Dans un tractus urogénital bovin sain, la contraction du muscle constricteur du vestibule entraîne le soulèvement d’une crête de muqueuse en forme de “U” située cranialement à l’orifice externe de l’urètre. Lorsque la vache se positionne pour uriner, son bassin bascule ventro-caudalement. Le soulèvement de cette crête de muqueuse, associé à l’orientation du bassin, permet l’écoulement de l’urine en direction caudale, de l’ostium externe de l’urètre vers les lèvres de la vulve.

Si un changement anatomique du tractus génital survient, comme une bascule ventro-craniale du vagin et de l’utérus, l’urine coule non plus en direction caudale, mais vers l’avant, dans le vagin. En effet, une telle bascule, associée à une diminution du tonus du muscle constricteur du vestibule, fait que l’ostium externe de l’urètre se retrouve plus haut et le col de l’utérus plus bas que le plancher du vagin. Ainsi, lors de la miction, l’urine s’écoule, par gravité, dans le vagin, dont le poids augmente en proportion.

Alourdi, il bascule alors plus cranialement dans l’abdomen, ce qui accentue la tendance de l’urine à s’écouler en direction craniale. Ainsi, un cercle vicieux auto-entretenu se met en place.

Les vieilles vaches multipares ou les génisses n’ont pas les mêmes facteurs de risque

Le plus souvent, les urovagins sont observés chez des vaches âgées multipares, qui ont subi des modifications anatomiques du bassin. Ces dernières résultent d’une fonte de la graisse pelvienne, notamment des coussinets graisseux situés entre les parois du vagin et le bassin, qui survient avec l’âge. Elles sont également dues au changement d’orientation du bassin. Les vieilles vaches, qui ont subi de nombreux vêlages, ont tendance à présenter une bascule du bassin, favorisée par l’étirement des ligaments suspenseurs du tractus génital. La sangle abdominale de la vache s’étire et la musculature est moins développée. Le poids important du tractus génital, associé à cette diminution qualitative de la musculature abdominale, fait que l’utérus, le vagin et, par conséquent la vulve, sont déplacés cranio-ventralement. Ainsi, la vulve prend une orientation horizontale et les rapports anatomiques du tractus génital sont modifiés.

Toutefois, les génisses peuvent aussi être affectées d’un urovagin. Comme leur bassin n’a pas encore atteint son développement optimal, elles sont davantage sujettes aux dystocies, lesquelles constituent également un facteur de risque de survenue des urovagins. Chez les jeunes vaches, les risques de dystocie sont plus importants si le veau est un mâle, car il est souvent plus gros qu’une femelle. Lors d’un vêlage difficile, le muscle constricteur du vestibule peut être endommagé. Des contusions ou des traumatismes du vagin sont également possibles, avec des lacérations vaginales elles-mêmes responsables d’abcès pelviens et d’adhérences. Une luxation sacro-iliaque survient en outre s’il est nécessaire d’exercer de fortes tractions sur le veau pour le faire passer dans la filière pelvienne. Dans ce cas, le tuber sacrale fait protusion en dessous de la colonne vertébrale et le bassin est alors basculé.

23 % des vaches présentent un angle de croupe défectueux

La conformation du bassin constitue, chez les vaches, un facteur de risque de survenue d’un urovagin. Sa bascule cranio-ventrale, le plus souvent acquise mais parfois d’origine congénitale, peut contribuer à sa genèse.

Une étude épidémiologique(1) relative à l’impact de l’angle de la croupe sur l’incidence des urovagins a été menée sur mille trente-huit vaches issues de dix-huit troupeaux espagnols. L’angle de croupe des animaux est déterminé. Il est considéré comme positif si les branches de l’ilium sont plus basses que les hanches. Lorsque les branches de l’ilium et les hanches sont au même niveau, l’angle de croupe est considéré comme nul ou normal. Enfin, quand les hanches sont plus basses que les branches de l’ilium, il est négatif.

L’étude montre que la majorité de la population considérée possède un angle de croupe normal (58 %). En revanche, 23 % des vaches affichent un angle défectueux, négatif, et 19 % un angle de croupe positif. Ensuite, dans l’effectif total, toutes les vaches qui présentent un urovagin sont répertoriées, afin d’étudier si une corrélation existe entre l’angle de croupe et la présence de l’affection.

La population étudiée montre une prévalence de 2 % pour les urovagins, soit vingt-quatre vaches sur mille trente-huit. 46 % d’entre elles présentent un angle de croupe négatif, 31 % un angle normal et 13 % un angle positif. Les bêtes dont les branches de l’ilium sont plus hautes que les hanches, donc avec un angle de croupe négatif, semblent ainsi présenter un risque accru d’urovagin.

L’hypothèse d’un lien entre le don d’embryons et l’existence d’un urovagin s’est posée dans des travaux sur le traitement chirurgical de l’affection, lorsque les chercheurs ont constaté que 86 % des vaches incluses dans l’étude étaient donneuses d’embryons. Les superovulations provoquées chez ces animaux pourraient contribuer au relâchement des ligaments du bassin, entraînant ainsi une bascule de celui-ci favorable au développement d’un urovagin. Selon une autre hypothèse, les hormones pourraient être impliquées dans le maintien de la conformation vaginale : celles utilisées dans les protocoles de superovulation contribueraient à augmenter la laxité des ligaments pelviens.

L’amélioration de la fertilité et les risques de complications conditionnent le traitement

Seule une intervention chirurgicale peut traiter un urovagin. Les techniques les plus couramment employées sont l’extension urétrale caudale et la formation d’un repli transverse de muqueuse. La première est décrite comme améliorant la fertilité, mais elle peut s’accompagner de complications majeures, comme la formation de fistules. La seconde est peu décrite dans la littérature. Il n’existe donc pas de données sur ses bénéfices.

Deux autres techniques sont apparues dernièrement. Il s’agit de l’extension urétrale modifiée par l’ajout d’un greffon de muqueuse, destiné à minimiser la formation de fistules, et du cerclage de la jonction vestibulo-vaginale. Cette méthode semble être peu ou pas bénéfique quant à la survenue de fistules. Quant à la technique du cerclage de la jonction vestibulo-vaginale, elle améliore la fonction contractile du muscle constricteur du vestibule, ce qui permet de résoudre les problèmes d’infertilité des vaches qui souffrent d’urovagin.

L’impact économique de l’urovagin est directement lié à l’infertilité des vaches

Les blessures recto-vaginales, en particulier l’urovagin, causent de sérieuses pertes économiques à l’élevage en raison de troubles secondaires d’infertilité. Une faible accumulation d’urine (100 ml) est suffisante pour induire ces problèmes, qui ont deux origines.

D’une part, l’urine qui stagne dans le vagin irrite la muqueuse vaginale et celle du col de l’utérus. Cette irritation provoque une vaginite et une cervicite sans manifestation clinique. Lors de l’œstrus, le col s’ouvre (voir figure ci-contre) et l’urine s’écoule alors dans l’utérus, ce qui provoque une endométrite chronique. Des échantillons d’endomètre ont été prélevés chez une vache avant une intervention chirurgicale destinée à corriger son urovagin (technique de l’extension urétrale), afin de réaliser une culture bactériologique et des examens histologiques et cytologiques. La culture bactériologique met en évidence Escherichia coli. L’examen de la biopsie révèle une endométrite nécrosante aiguë, caractérisée par une desquamation de l’épithélium luminal et une infiltration de l’épithélium par des polynucléaires neutrophiles et des macrophages. Cette endométrite secondaire à l’urovagin est responsable d’infécondité.

D’autre part, l’urine présente dans le vagin possède une action spermicide à l’égard des spermatozoïdes déposés dans le fornix. En conséquence, les vaches atteintes de cette affection montrent, par rapport aux autres, des chaleurs plus irrégulières et davantage de retours en chaleur après l’insémination. Même si cette infertilité n’est pas absolue, ces femelles arrivent plus difficilement à être gravides. Leurs indices de reproduction sont plus mauvais.

Les pertes économiques induites par les urovagins sont directement liées au nombre d’inséminations nécessaires pour féconder la vache, ainsi qu’aux traitements entrepris, qu’ils soient médicaux (traitement de la vaginite et de l’endométrite) ou chirurgicaux (traitement de l’urovagin).

  • (1) B.S. Astiz, M.J.V. Gonzalez, G.L. Ayala et coll. : « The influence of the pelvic conformation on the incidence of urovagina, an epidemiological study », XXII World Buiatric Congress, Hanovre, 12-23/8/2002, pp. 356-362.

  • Voir aussi la bibliographie complète de cet article sur WK-Vet.fr, rubrique “Semaine Vétérinaire”, puis “Compléments d’article”.

  • (3) M. Farhoodi, I. Nowrouzian, P. Hovreshti, M. Bolourchi, M.G.H. Nadalian : « Factors associated with rectovaginal injuries in Holstein dairy cows in a herd in Tehran, Iran », Prev. Vet. Med., 2000, vol. 46, pp. 143-148.

Prévalence de l’urovagin

L’urovagin est une affection observée aussi bien chez la jument que chez la vache, mais sa fréquence est plus faible chez cette dernière. Dans une étude(3) rétrospective sur la prévalence de différentes lésions recto-vaginales (dont l’urovagin) dans un troupeau à Téhéran, entre 1993 et 1996, 147 vaches sur 1 420 (soit 10,4 %) présentent ces blessures. La prévalence des pneumovagins et des lacérations périnéales du troisième degré au sein de cette population est respectivement de 5,7 % et 1,9 %. Alors que la prévalence des urovagins dans le cheptel étudié est de 1,5 %, 55 % des cas concernent des primipares, 32 % des multipares avec 2 veaux et 13 % des multipares avec plus de 3 veaux (voir tableau). La fréquence des urovagins chez les vaches aurait tendance à augmenter actuellement. Cette affection semble surtout toucher les races charolaise et prim’holstein (génisses ou multipares âgées).

K. A.

POUR EN SAVOIR PLUS

Elodie Sautreuil : « Etiologie, facteurs de risques et traitement de l’urovagin chez la vache », thèse vétérinaire, ENV d’Alfort, 2009 (directeur : B. Ravary).

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