Commentaire d’un jugement autour d’un cas de démodécie chez une chienne - La Semaine Vétérinaire n° 1440 du 04/03/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1440 du 04/03/2011

Juridiction de proximité de Cognac

Gestion

LÉGISLATION

Auteur(s) : Céline Peccavy

Fonctions : Avocate au barreau de Toulouse.

Une décision du 24 janvier 2011 reconnaît la démodécie comme un défaut de conformité dans le cadre d’une vente, mais n’accorde pas foi aux certificats vétérinaires produits et écarte tout remboursement.

LES FAITS DE L’ESPÈCE

Le 21 juin 2009, les époux Y, propriétaires d’un élevage canin, vendent à Mme X une chienne de race bouledogue français pour la somme de 1 300 €. La vente s’accompagne de la délivrance d’un certificat vétérinaire qui atteste du bon état de santé de l’animal. Malgré cela, le 24 août 2009, le vétérinaire T constate que le chiot vendu est atteint de démodécie.

Les vendeurs sont informés de cette situation.

L’annulation de la vente et la restitution du chiot sont proposées à Mme X, qui refuse. Cette dernière souhaite garder sa chienne et obtenir le remboursement de tous les frais vétérinaires. Elle assigne donc en justice les époux Y par acte délivré le 30 juillet 2010.

Mme X formule trois demandes indemnitaires différentes :

– le remboursement des frais vétérinaires et des indemnités de déplacement (pour consulter un spécialiste) déjà payés et qui s’élèvent à 2 344,64 € ;

– la condamnation des épouxY à payer les frais vétérinaires futurs et indemnités de déplacement corrélatives estimés à 319,44 € ;

– la condamnation des époux Y à verser, à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, la somme de 250 €.

LES TEXTES SUR LESQUELS SE FONDENT LES DEMANDES DE L’ACHETEUSE

Mme X n’invoque, en l’espèce, ni le Code rural ni les dispositions des vices cachés du Code civil. En tant que consommateur qui a fait l’acquisition d’un animal auprès d’un professionnel de l’élevage, elle fonde son action uniquement sur la garantie de conformité qui figure aux articles L.211-1 et suivants du Code de la consommation.

Une telle démarche judiciaire est aujourd’hui validée plus facilement par les tribunaux qui, confrontés depuis 2005 à l’augmentation de ces demandes, se sont familiarisés avec l’application du Code de la consommation aux ventes d’animaux.

Par conséquent, en l’espèce, rien d’étonnant au jugement du magistrat : « Attendu que la demanderesse fonde son action sur les articles L.211-1 et suivants du Code de la consommation et non pas sur les vices rédhibitoires soumis aux articles L.213-1 et suivants du Code rural, ou les vices cachés régis par les articles 1641 et suivants du Code civil ; attendu que depuis l’ordonnance du 17 février 2005 qui a modifié l’article L.213-1 du Code rural, la garantie de conformité prévue aux articles L.211-1 et suivants du Code de la consommation s’applique désormais à la vente d’animaux domestiques, dès lors que le vendeur est un professionnel et l’acheteur un consommateur ; que, par suite, la demande de Mme X ainsi fondée sera déclarée recevable. »

EVOLUTION DE LA DÉMODÉCIE DANS LE CAS D’ESPÈCE

La chienne est vendue le 21 juin 2009. Dès le mois d’août de la même année, la démodécie est détectée. Par la suite, la pratique de biopsies indique les résultats suivants : « Folliculite démodécique, chronique, modérée. » Après deux examens pratiqués chez l’animal, le vétérinaire T conclut, en novembre 2009, à la guérison de la chienne. Il oriente néanmoins sa cliente vers un spécialiste en dermatologie, le vétérinaire S, afin d’ôter tout doute. Une bonne initiative, puisque les examens effectués par le spécialiste montrent que la démodécie est en fait toujours présente. La chienne a donc encore besoin de soins pour guérir.

Les époux Y ne manquent pas d’utiliser à leur profit les conclusions du vétérinaire T relatives à la guérison de la chienne et de conclure que tous les soins apportés par le spécialiste ne sont nullement justifiés. Ils mettent également en avant que, sur ce point, aucune photographie de la chienne ne vient prouver sa maladie.

A l’examen de ces éléments, le juge doit répondre, avant d’examiner tout sujet d’indemnisation, à deux questions : la démodécie peut-elle être qualifiée de défaut de conformité ? Etait-elle présente au moment de la vente, sachant que le certificat vétérinaire établi quelques jours avant fait état d’un chien sans problème de santé ?

Sur le premier point, le jugement affirme (mais ne développe pas) que « l’affection décelée sur le chiot vendu constitue un défaut de conformité au sens de l’article L.211-5 du Code de la consommation. »

Concernant le second point, le jugement est un peu plus explicite, car il fait état, non seulement du principe de présomption d’antériorité de la maladie lorsqu’elle apparaît dans les six mois de la délivrance, mais aussi des données médicales : « Attendu que, selon l’article L.211-7 du Code de la consommation, les défauts de conformité qui apparaissent dans le délai de six mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire ; que la preuve contraire énoncée à l’article L.211-7 n’est pas apportée ; qu’en outre, selon les connaissances actuelles de la science vétérinaire, la démodécie est transmise par la mère à ses chiots dans les trois premiers jours de leur vie […] »

LA QUESTION DE L’INDEMNISATION

Voilà donc la démodécie reconnue comme un défaut de conformité présent au moment de la vente. Examinons maintenant comment le juge a appréhendé la question de l’indemnisation. Avant tout, il est utile de rappeler que l’article L.211-9 du Code de la consommation dispose qu’« en cas de défaut de conformité, l’acheteur choisit entre la réparation et le remplacement du bien ».

A propos de cette option, le choix de Mme X a toujours été clair : elle souhaitait garder sa chienne, qu’elle a pris soin de faire suivre par un vétérinaire spécialiste en dermatologie afin qu’elle guérisse. Elle a donc sollicité de manière constante « les frais de réparation » équivalant aux frais vétérinaires. Cependant, le tribunal ne l’a pas considéré ainsi et a mis en balance le montant du prix de vente (1 300 €) avec le montant des frais vétérinaires réclamés (2 344,64 €).

L’article L.211-9 du Code de la consommation stipule que « le vendeur peut ne pas procéder selon le choix de l’acheteur si ce choix entraîne un coût manifestement disproportionné au regard de l’autre modalité, compte tenu de la valeur du bien ou de l’importance du défaut. Il est alors tenu de procéder, sauf impossibilité, selon la modalité non choisie par l’acheteur ». A la lecture de ce texte, il est possible de penser que le vendeur peut donc imposer son choix de reprendre l’animal. En réalité, il n’en est rien. En effet, l’article L.211-10 dispose que, face à ce choix du vendeur, l’acheteur peut opposer la nature particulière d’un animal et conclure que cette solution de reprise ne peut être mise en œuvre pour lui « sans inconvénient majeur ». Une véritable partie de ping-pong au terme de laquelle – malgré la résistance du vendeur – l’acheteur doit pouvoir obtenir de garder son chien, une réduction du prix de vente et surtout le remboursement des frais vétérinaires, dans la mesure où l’article L.211-11 dispose que des dommages et intérêts peuvent être accordés.

Tel n’a pourtant pas été le raisonnement juridique du juge de Cognac. Celui-ci a commencé par juger que « la gravité de l’affection de l’animal ne peut être vérifiée avec précision, faute de production de photographies, bien que la démodécie ait été qualifiée de “modérée” par le laboratoire vétérinaire qui a pratiqué la biopsie ». Voilà une véritable aberration ! En effet, valider une telle argumentation revient à dire que les certificats vétérinaires produits dans un dossier sur l’état de santé d’un animal n’ont aucune valeur ! Si, afin d’obtenir une garantie, il faut dorénavant faire appel à un huissier pour des photographies plutôt qu’à un vétérinaire, cela revient à dire que le juge judiciaire est plus à même que le praticien d’évaluer la maladie dont souffre l’animal ! En outre, c’est oublier un peu rapidement qu’en rédigeant ces certificats, les vétérinaires sont soumis aux dispositions de l’article 441-7 du Code pénal qui punit « d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d d’amende le fait d’établir une attestation ou un certificat faisant état de faits matériellement inexacts ».

Il est donc difficile de valider la première partie de développement. La seconde ne mérite guère mieux, dans la mesure où le juge écarte tout remboursement des frais vétérinaires et octroie à l’acheteur une indemnité qu’il n’a pas demandée : « Attendu que Mme X a effectué, comme c’était son droit, le choix de refuser la proposition de résolution de la vente qui lui était proposée et de conserver l’animal ; que, dès lors, ce choix lui impose d’assumer pour l’avenir les soins nécessités par la maladie de sa chienne ; que, conformément aux articles L.211-9 et L.211-10, la garantie de conformité due par les époux Y doit se résoudre par la restitution d’une partie du prix de vente qu’il y a lieu de fixer à 750 €. »

Quant au préjudice moral, le jugement est aussi inhabituel puisqu’il considère que seule « la séparation d’avec l’animal, que précisément » l’acheteur « refuse […], serait constitutive d’un préjudice moral » et que la réclamation doit donc de ce chef être rejetée.

En conclusion, voilà un jugement qui fera jurisprudence sur le fait que la démodécie est bien un défaut de conformité. Sur le reste, mieux vaut oublier ses dispositions.

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