Pour un débat sincère et loyal - La Semaine Vétérinaire n° 1438 du 18/02/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1438 du 18/02/2011

Entre nous

VOUS AVEZ LA PAROLE

Auteur(s) : Bruno Fiszon (N 85)

Fonctions : grand rabbin

Dans un courrier au titre provocateur, « La souffrance rituelle »(1), notre confrère Philippe Melon a cru bon de dresser un réquisitoire contre l’abattage selon le rite religieux.

Sur le fond, Philippe Melon évoque le rapport de l’Inra, c’est donc dans ce dernier que je souhaiterais extraire quelques éléments déterminants concernant les échecs de l’étourdissement, sur lequel semble se focaliser la discussion.

L’étourdissement, sous ses différentes formes, présente des taux d’échecs non négligeables. L’électronarcose, par exemple. « En fonction de l’abattoir, de la qualité de l’équipement, de la taille et de la forme des animaux, le passage du courant peut être insuffisant et douloureux. Ainsi, une enquête néo-zélandaise de 2001 rapporte des valeurs extrêmes de pourcentage d’électronarcose non satisfaisantes, variant de 2 à 54 % chez les ovins selon les cas. »(2)

Pour l’étourdissement avec tige captive, là aussi on constate que ce n’est pas la panacée antidouleur. Certes, elle est qualifiée « de manière efficace et fiable capable d’induire une perte de conscience instantanée et durable ». « Cependant en pratique et selon le type d’animal, on observe des taux d’échecs allant de 6 à 16 %, chez les bovins, dans les abattoirs commerciaux et donc un risque de douleur. »(2)

Quant à l’utilisation du gaz, elle n’est pas non plus indolore : « Par analogie avec l’homme, on fait l’hypothèse que la perception de ce gaz est désagréable, voire douloureuse, lorsqu’elle provoque des réactions prononcées chez les animaux. Le temps d’induction de la perte de conscience est variable selon les concentrations, mais se situe à dix-sept secondes pour le porc (perte de posture) et trente-deux à trente-quatre secondes pour les volailles (fermeture des yeux). »

Il semble clair, au vu des conclusions de ce rapport sérieux, que l’étourdissement comporte lui aussi bien des lacunes et, si on veut étiqueter “la souffrance animale”, il faut aussi mentionner les échecs de l’étourdissement ! Pour l’Inra, après un abattage selon le rite « chez le mouton, l’inconscience s’installe rapidement, après quatorze secondes en moyenne ». Voilà une donnée tout à fait acceptable pour cette espèce. Le problème essentiel est donc chez les bovins. Le rapport de l’Inra s’exprime ainsi : « Chez les veaux et les bovins adultes, on observe une grande variabilité de la perte de conscience, avec des extrêmes de huit secondes à quatorze minutes, ce qui s’explique par la formation de faux anévrismes, dans les durées les plus longues. En l’absence de tels anévrismes, un EEG isoélectrique est obtenu entre trente-six et cinquante-quatre secondes. » Ce sont donc ces derniers chiffres qui sont à prendre en considération dans une moyenne, et non les extrêmes de deux, voire quatorze minutes. De plus, l’électro-encéphalogramme plat se situe bien au-delà de la perte de conscience.

« Des études, limitées en nombre, sur le terrain, montrent que les faux anévrismes concerneraient 17 à 18 % des abattages musulmans ou juifs. » 17 à 18 % des animaux connaissent donc une perte de conscience tardive, et il faut tout mettre en œuvre pour réduire ce pourcentage. Toutefois, 82 à 83 % des abattages selon le rite entraînent des pertes de conscience dans des délais acceptables. Enfin, la shehitat (abattage selon le rite juif) concerne 0,037 % des bovins et des ovins abattus en Europe(2). Le nombre d’animaux qui présentent un faux anévrisme à la suite d’une shehitat est donc faible par rapport à celui des animaux qui souffrent après un échec de l’étourdissement (6 à 16 % de la totalité des bovins abattus).

Pour être efficace en matière de bien-être animal, point n’est besoin d’invectiver l’autre, mais il faut travailler sur les conditions techniques de la pratique de l’étourdissement d’une part, et de l’abattage selon le rite d’autre part. Il faut aussi mettre en place un programme de formation des opérateurs de l’abattage selon le rite, comme le prévoit la nouvelle réglementation européenne.

« Les juifs sont nos frères aînés dans la foi », disait le pape Jean-Paul II. Quelle marque d’estime du défunt souverain pontife ! Il reconnaissait là le rôle de cette religion, phare pour le christianisme. Il est probable que Jésus et les apôtres mangeaient cacher et je ne pense pas qu’ils faisaient preuve de cruauté particulière. Dans ce débat, il faut garder raison et examiner les faits sans esprit de dénigrement ou de polémique. C’est seulement ainsi que nous pourrons, ensemble, faire progresser la question du bien-être de l’animal.

  • (1) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1425 du 12/11/2010 en page 7.

  • (2) Synthèse du rapport d’expertise de l’Inra 2009, pp. 71 et 72.

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