L’hystéroscopie et les biopsies utérines se justifient - La Semaine Vétérinaire n° 1438 du 18/02/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1438 du 18/02/2011

Infertilité chez la chienne

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Emmanuel Fontaine*, Fernando Mir**, Alain Fontbonne***

Fonctions :
*centre d’études en reproduction des carnivores (Cerca), école vétérinaire d’Alfort.
**centre d’études en reproduction des carnivores (Cerca), école vétérinaire d’Alfort.
***centre d’études en reproduction des carnivores (Cerca), école vétérinaire d’Alfort.

Ces outils techniques mettent en évidence des affections invisibles à l’échographie, telles que les endométrites.

Avec l’augmentation du nombre de clients désireux de faire reproduire leurs animaux domestiques, les vétérinaires sont de plus en plus souvent confrontés à des problèmes d’infertilité. Si la démarche à adopter face à ce syndrome est parfois complexe, il est aujourd’hui établi que les atteintes utérines tiennent une place importante parmi les affections à l’origine de ces troubles. Si certaines d’entre elles sont facilement mises en évidence à l’aide de l’outil échographique (pyomètre, mucomètre, hyperplasie glandulokystique de l’utérus), d’autres, comme les endométrites, restent plus subtiles et nécessitent des approches différentes.

Depuis plusieurs années, une équipe(1) du Centre d’études en reproduction des carnivores (Cerca) s’est penchée sur ce sujet et a déjà proposé des démarches pratiques pour essayer d’enquêter sur ce type d’affections. Ainsi, la réalisation de lavages utérins, après une cathétérisation transcervicale sous endoscopie(2), a permis de diagnostiquer des inflammations subcliniques de l’endomètre utérin, alors qu’aucune image échographique anormale n’était visualisée. Les écueils techniques rencontrés par cette approche (difficulté de récupérer un volume de liquide suffisant pour réaliser les analyses, problème d’interprétation des échantillons à la suite des possibles contaminations vaginales) incitent à essayer de nouvelles méthodes, plus à même de conduire à un diagnostic précis chez des animaux présentés pour infertilité et chez lesquels un trouble utérin est suspecté.

Lors du dernier congrès de la Société vétérinaire européenne pour la reproduction des animaux de compagnie (Evssar), qui s’est déroulé à Louvain-la-Neuve (Belgique) en mai dernier, cette équipe a présenté deux de ces nouvelles approches : les biopsies utérines et l’hystéroscopie.

Les biopsies utérines sont proposées après plusieurs échecs de reproduction

La réalisation de biopsies utérines par laparotomie, en raison de son côté invasif, a longtemps découragé bon nombre de vétérinaires. Pourtant, cette approche est parfois proposée en gynécologie humaine lorsque l’infertilité demeure inexpliquée. Elle représente en outre une technique de choix pour obtenir des prélèvements histologiques et bactériologiques de bonne qualité, plus à même de refléter le véritable statut utérin de l’animal concerné.

L’étude (voir bibliographie 1) réalisée concerne vingt chiennes en metœstrus présentées pour infertilité. Au cours d’une laparotomie, leurs ovaires et leurs utérus sont examinés macroscopiquement. Une incision longitudinale de 1 cm (voir photo 1) est ensuite réalisée au scalpel (lame de 10), soit au niveau de zones utérines jugées “anormales” (par leur aspect ou à la palpation de l’organe), soit au milieu de chaque corne utérine si rien n’est décelé. Les pièces d’exérèse ainsi récupérées sont identifiées et placées dans du formol pour une analyse histologique. Par l’orifice ainsi créé, des écouvillons stériles sont introduits dans la lumière utérine afin de rechercher les principaux agents responsables de l’infertilité chez la chienne (voir encadré).

Alors qu’aucune anomalie échographique n’est révélée, quinze chiennes présentent des lésions utérines : des endométrites (cinq), une hyperplasie glandulokystique de l’utérus moyenne à modérée (trois), voire importante (une), ou une association endométrite-hyperplasie glandulokystique de l’utérus (une), des signes de dégénérescence glandulaire ou fibrose (trois) et un choriocarcinome (une).

Ces affections discrètes sont donc loin d’être négligeables chez la chienne, et les biopsies chirurgicales apparaissent comme de bons outils pour les diagnostiquer. Elles permettent au vétérinaire de repérer des lésions focales et de pratiquer des biopsies sur les sites qui lui semblent suspects. Les contaminations bactériennes par le contenu du vagin ne perturbent pas l’interprétation des résultats puisque les échantillons sont strictement utérins. Cependant, chez toutes ces chiennes, aucun agent infectieux n’est mis en évidence : le rôle de bactéries pathogènes dans ces processus, qui étaient à l’origine suspectées, serait peut-être surestimé.

La procédure, bien que chirurgicale, est aisée à réaliser et offre la possibilité d’analyser l’intégralité des différentes couches de l’utérus, de sa muqueuse interne, l’endomètre et ses couches glandulaires et musculaires.

Malgré le côté invasif de cet examen, le destiner à des chiennes restées plusieurs fois vides se justifie, car il permet d’établir un diagnostic clair et d’orienter les démarches pour proposer un traitement.

L’hystéroscopie ne s’accompagne pas d’effets délétères

La visualisation directe de l’endomètre serait également une façon de repérer les affections utérines discrètes. Elle est pratiquée chez la femme et la jument au travers de la réalisation d’hystéroscopies. Cette technique, qui consiste à introduire une fibre optique à l’intérieur de l’utérus pour visualiser son contenu, a été utilisée par le passé chez la chienne, mais uniquement lors de cœlioscopies (voir bibliographie 2) ou en post-partum immédiat lorsque le col utérin était suffisamment dilaté pour permettre le passage de l’endoscope (voir bibliographie 3). Cette approche semble donc compliquée à mettre en œuvre chez la chienne infertile.

Néanmoins, les récents urétéro-rénoscopes (27002K, 9.5 Fr, 43 cm long, Storz®, voir photo 2) utilisés dans le cadre d’inséminations intra-utérines chez la chienne, semblent, dans cette optique, représenter des outils de choix. Six essais ont été réalisés sur trois beagles, un berger allemand et un lévrier afghan femelles (voir bibliographie 3). Avant la réalisation de la procédure, les cinq chiennes sont sédatées à l’aide de médétomidine (0,5 µg/kg par voie intraveineuse) et maintenues en position debout. L’urétéro-rénoscope est alors utilisé pour visualiser le col de l’utérus, qui est ensuite cathétérisé avec un cathéter urétéral (Ureteral CRU®, 5Fr, Rusch, France). A l’aide d’air filtré (Gastropack®, Storz), le col est insufflé, ce qui permet une dilatation suffisante pour y introduire l’endoscope en suivant le cathéter urétral préalablement inséré (voir photo 3). L’hystéroscopie peut ainsi être réalisée, excepté chez le lévrier afghan femelle, chez qui l’examen a échoué.

L’hystéroscopie est donc une approche accessible aujourd’hui aux vétérinaires qui disposent du matériel endoscopique adéquat. La visualisation directe de l’endomètre, ainsi que l’exploration des deux cornes utérines, ouvre de nouvelles possibilités en termes d’investigations chez des animaux présentés pour infertilité. Si cette procédure n’a pas été appliquée dans cette étude sur des chiennes de petite taille (pour lesquelles le diamètre de l’endoscope peut constituer un facteur limitant), ses succès sur des chiennes beagles de 10 kg démontrent sa faisabilité chez la majorité des chiennes.

Dans les études précédentes, des complications ont été rapportées (hématomètre notamment), poussant même certains auteurs à déconseiller la réalisation d’hystéroscopies chez la chienne. Dans cette étude, si des pétéchies sont visualisées sur l’endomètre à la suite du passage de l’endoscope, aucune autre complication n’a été rapportée. La seule précaution a consisté à mettre les chiennes sous méloxicam (0,1 mg/kg) durant trois jours. Une des femelles a par ailleurs été remise à la reproduction par la suite et a conduit sa gestation à terme, sans aucune complication.

Un traitement à base d’aglépristone est recommandé lors de metœstrus

Lorsque le praticien est confronté à des cas d’infertilité, les biopsies utérines et l’hystéroscopie sont des outils efficaces qu’il est désormais possible d’intégrer à la démarche diagnostique. Des conclusions précises peuvent en être tirées et ainsi orienter le clinicien en termes de traitement et surtout de pronostic. A la suite de ces procédures, aucune complication n’a été rapportée par l’équipe. Néanmoins, quand celles-ci sont réalisées en metœstrus, lapériode d’imprégnation maximale en progestérone, favorable au développement de pyomètres ou d’hyperplasies glandulokystiques lorsque l’utérus est stimulé, il semble important de recommander un traitement préventif à l’aide de l’antiprogestagène aglépristone (Alizine®, Virbac, deux injections à 10 mg/kg à vingt-quatre heures puis une injection par semaine jusqu’à la fin de la phase lutéale). Cela permet de minimiser ces risques et de se placer dans des conditions optimales pour maintenir la fertilité.

  • (1) Composée des auteurs de cet article.

  • (2) Voir La Semaine Vétérinaire n° 1376 du 16/10/2009 en pages 32-33.

BIBLIOGRAPHIE

  • 1 – F. Mir et coll. : « Value of surgical uterine biopsies for the diagnosis of infertility in the bitch », p. 128, 7e congrès de l’Evssar à Louvain-la-Neuve (Belgique), 14 et 15 mai 2010.
  • 2 – A. Gerber, J. Nothling : « Hysteroscopy in bitches », J. Reprod. Fertil., 2001, suppl. 57, pp. 415-417.
  • 3 – J. Watts, J. et P. Wright : « Investigating uterine disease in the bitch : uterine cannulation for cytology, microbiology and hysteroscopy », Journal of Small Animal Practice, 1995, n° 36, pp. 201-206.
  • 4 – E. Fontaine et coll. : « Development of a transcervical hysteroscopic technique in the bitch », p. 112, 7e congrès de l’Evssar à Louvain-la-Neuve (Belgique), 14 et 15 mai 2010.

Examens réalisés

• Cytologie utérine (écouvillon vaginal ou urétral humidifié avec une solution saline stérile).

• Ecouvillon pour recherche de bactéries aéro-anaérobies.

• Ecouvillons pour recherche d’agents spécifiques :

– mycoplasmes (par culture ou polymerase chain reaction) ;

– l’herpèsvirus canin de type 1 (CHV-1, par polymerase chain reaction);

– le virus minute (CPV-1, par polymerase chain reaction).

E. F., F. M., A. F.
Formations e-Learning

Nouveau : Découvrez le premier module
e-Learning du PointVétérinaire.fr sur le thème « L’Épanchement thoracique dans tous ses états »

En savoir plus

Boutique

L’ouvrage ECG du chien et du chat - Diagnostic des arythmies s’engage à fournir à l’étudiant débutant ou au spécialiste en cardiologie une approche pratique du diagnostic électrocardiographique, ainsi que des connaissances approfondies, afin de leur permettre un réel apprentissage dans ce domaine qui a intrigué les praticiens pendant plus d’un siècle. L’association des différentes expériences des auteurs donne de la consistance à l’abord de l’interprétation des tracés ECG effectués chez le chien et le chat.

En savoir plus sur cette nouveauté
Découvrir la boutique du Point Vétérinaire

Agenda des formations

Calendrier des formations pour les vétérinaires et auxiliaires vétérinaires

Retrouvez les différentes formations, évènements, congrès qui seront organisés dans les mois à venir. Vous pouvez cibler votre recherche par date, domaine d'activité, ou situation géographique.

En savoir plus


Inscrivez-vous gratuitement à nos Newsletters

Recevez tous les jours nos actualités, comme plus de 170 000 acteurs du monde vétérinaire.

Vidéo : Comment s'inscrire aux lettres d'informations du Point Vétérinaire

Retrouvez-nous sur
Abonné à La Semaine Vétérinaire, retrouvez
votre revue dans l'application Le Point Vétérinaire.fr