Le rapport du CGAAER est insultant pour le travail réalisé dans nos écoles vétérinaires - La Semaine Vétérinaire n° 1436 du 04/02/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1436 du 04/02/2011

Entre nous

VOUS AVEZ LA PAROLE

Auteur(s) : Yves Millemann*, Francis Enjalbert**, Catherine Magras***, Théodore Alogninouwa****

Fonctions :
*(ENVA)
**(ENVT)
***(Oniris)
****(VetAgro Sup)

Le rapport du Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) concernant la faisabilité de créer un nouveau pôle de formation vétérinaire à Metz(1) ne peut laisser indifférent. Il est en effet imprécis et inexact sur de nombreux points. La lettre de mission, signée du ministre de l’Agriculture, part du constat de la « nécessité de diversifier le profil des vétérinaires et d’en augmenter le nombre pour répondre aux attentes du monde rural et de la société ».

Le constat de départ concernant l’inégalité de la durée des études vétérinaires françaises (sept ans) et européennes (cinq ans) est clair. L’objectif d’un recrutement annuel supplémentaire de quatre-vingts étudiants est également net, même si certaines personnes interviewées (représentant l’Ordre) se refusent à cautionner un chiffre aussi précis. A partir de là cependant, les rapporteurs orientent d’office ces quatre-vingts étudiants supplémentaires vers le « monde rural ». Ils bénéficieraient, dans un premier temps, d’un cursus réduit à cinq ans.

Il est étonnant que les auteurs ne se soient pas interrogés, au-delà des rapports préexistants :

– sur l’attrait actuel des étudiants des quatre ENV pour le monde rural, et sur la proportion de ceux qui envisagent ce parcours professionnel ;

– sur la proportion de vétérinaires recrutés via les concours A, B, C, D, E qui pratiquent dans le monde rural ou en relation avec les productions animales et la santé publique, alors que les différentes modalités de concours avaient déjà pour but d’attirer plus d’étudiants vers ces domaines ;

– sur la garantie que les quatre-vingts étudiants supplémentaires exerceraient bien dans le monde rural. En effet, il semble douteux que le changement des modalités d’entrée dans les ENV (entretien de motivation, voire tirage au sort…) puisse assurer que, cinq ans plus tard, les jeunes diplômés s’engagent dans une autre voie que la médecine des animaux de compagnie. Ces modalités pratiquées dans les autres pays de l’Union européenne portent-elles leurs fruits ? Le rapport ne le dit pas… ;

– sur l’enseignement actuellement prodigué dans les ENV. Associé à la modification du mode de recrutement, le changement proposé devrait amener plus de monde hors de la médecine des animaux de compagnie. Et c’est là que le bât blesse principalement. Car annoncées comme nouveautés et comme modèle, les mesures en place à la faculté de médecine de Liège sont déjà effectives dans les ENV françaises, depuis longtemps, ce que les auteurs du rapport n’ont pas daigné évaluer par eux-mêmes, préférant croire sur parole, avec légèreté et amateurisme, un collègue d’une faculté étrangère !

Le contact de plusieurs semaines avec le milieu rural (stages en exploitation, en pratique vétérinaire à dominante rurale) est réalisé dès les premières années dans les ENV. La zootechnie et l’économie rurale, la santé publique sont enseignées tôt dans le cursus de formation. Pendant leur scolarité, les étudiants ont de multiples occasions de pratiquer la médecine individuelle et collective chez les espèces de rente (hôpitaux des écoles, clinique ambulatoire ou stages). Il est faux et inadmissible de laisser croire que tel n’est pas le cas, et de présenter le miracle belge, avec la complicité de l’ex-doyen de cette faculté, comme un ensemble de mesures qui n’ont pas été tentées en France à ce jour.

Il est aussi choquant de réserver un cursus, hors classe préparatoire et concours traditionnel, aux quatre-vingts étudiants supplémentaires destinés au monde rural. On voudrait dire que les “intellectuels” sont en médecine des animaux de compagnie et les “manuels” dans les autres exercices professionnels qu’on ne s’y prendrait pas autrement, fût-ce par maladresse.

Il n’en demeure pas moins, certes, que les problèmes du numerus clausus, de la durée et du contenu du cursus (et des années de classe préparatoire), ainsi que ceux des vocations à l’exercice “non canin” sont bien réels. Mais force est de constater que l’attractivité des zones rurales est faible pour les jeunes diplômés dans bien d’autres secteurs (médecins ou autres). Aussi, il serait intéressant de comparer les mesures proposées dans ces professions par ceux qui en assurent la formation, mais aussi par les collectivités locales et les élus (avec leurs problèmes, leurs échecs et leurs réussites), à celles que l’on pourrait proposer pour notre profession, plutôt que de se contenter de présenter comme des idées nouvelles les modalités déjà en place dans l’enseignement vétérinaire en France comme à l’étranger. A une époque de réformes des politiques publiques, des référentiels nationaux et européens de formation, des Etats généraux du sanitaire, etc., il est inconcevable qu’une réflexion nationale engagée sur ces sujets puisse se faire sans une évaluation réelle, avec la consultation des personnels engagés sur le terrain, qui œuvrent quotidiennement à la formation de vétérinaires “ruraux” constituant ce maillage sanitaire dont la France se prévaut, et de quelques milliers d’inspecteurs de la santé publique. Aussi, les équipes pédagogiques des quatre établissements se tiennent prêtes pour toute participation à un état des lieux et à une analyse critique de la formation française de ces vétérinaires.

NDLR : les signataires tiennent à préciser que ce texte a été accepté par les membres des différents départements de productions animales et de santé publique des quatre écoles.

  • (1) « Rapport sur la faisabilité de créer un nouveau pôle de formation et de recherche vétérinaires à Metz pour former davantage de vétérinaires pour le monde rural. » Voir aussi La Semaine Vétérinaire n° 1420 du 8/10/2010, pages 12-14.

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