L’anatomiste Honoré Fragonard est initialement formé àla chirurgie

Notre confrère Christophe Degueurce, dans son récent ouvrage intitulé Honoré Fragonard et ses Ecorchés, un anatomiste au siècle des Lumières⁽¹⁾, retrace la vie de ce pionnier, associé au développement de la toute nouvelle science qu’est alors la médecine vétérinaire.

L’anatomiste Honoré Fragonard est l’un des plus brillants collaborateurs de Claude Bourgelat et suivra son maître au château d’Alfort, berceau de l’école vétérinaire, à proximité du pont de Charenton. Comme son illustre cousin le peintre, il naît en 1732 à Grasse. Il sera chirurgien avant de devenir le premier anatomiste de l’école de Lyon. Son travail de dissection et de préparation de pièces anatomiques contribuera, non seulement à la formation des étudiants, mais aussi au Précis anatomique du corps du cheval que Claude Bourgelat publie en 1768.

Fragonard constitue également une collection de pièces anatomiques et d’histoire naturelle. Formé initialement à la chirurgie de l’homme, il évoluera vers l’étude de l’anatomie des animaux et participera à la découverte de l’anatomie d’espèces pratiquement inconnues à l’époque, comme les ruminants.

Mais il est surtout l’auteur des Ecorchés, qui font sa réputation dès le xviii^e siècle et qui sont destinés à la formation des élèves. Fragonard a deux grands secrets : il maîtrise comme nul autre l’injection des vaisseaux, mais surtout il met au point une technique qui préserve ses créations de la dégradation, si bien qu’elles sont encore aujourd’hui parmi nous. Fragonard s’épanouit dans la maîtrise de l’anatomie, la qualité de la dissection, l’originalité de compositions savantes qui lui assurent un succès sans égal.

Si la renommée des travaux de Fragonard est établie dès la fin du xviii^e siècle, des dissensions entre lui et Bourgelat aboutiront à son départ de l’école. Il s’installera alors à son compte et produira des milliers de pièces qui viendront orner les cabinets de curiosités des richissimes amateurs.

Fragonard, c’est aussi le seul musée universitaire labellisé « musée de France »

Certaines périodes auraient pu voir la dégradation des œuvres, notamment en 2003 lorsque de fortes chaleurs ont provoqué une altération des pièces. Ces difficultés vont alors accélérer le projet de rénovation mené sous l’impulsion du conservateur, Christophe Degueurce. Le musée a rouvert en 2008 et présente aujourd’hui ses collections dans le cadre magnifique d’un bâtiment de prestige de la fin du xix^e siècle. Preuve de la dimension culturelle de notre patrimoine vétérinaire, le musée Fragonard est le seul musée universitaire à posséder, en propre, le label « musée de France ».

« L’histoire de notre profession, de nos disciplines, à la frontière de l’homme et de l’animal, passionne le grand public, souligne Christophe Degueurce. Ainsi, mon ouvrage sur Fragonard, publié par la Réunion des musées nationaux, qu’on associe généralement plus au Louvre ou au musée d’Orsay qu’à notre monde, paraîtra en anglais en avril prochain à New York, et un docufiction tiré de ce livre a d’ores et déjà été filmé et monté : il sera diffusé par la chaîne Arte, au cours de l’année. On y verra Bruno Todeschini incarnant Fragonard, aux prises avec Bourgelat, une matérialisation de notre histoire qui ne nous est pas habituelle. Les attentes du public sont grandes et des opportunités sont à saisir en matière de publication. »

Le musée, quant à lui, travaille à la conservation des collections, à l’amélioration constante de l’accueil du public et, surtout, à son extension vers d’autres salles, prochainement libérées dans le bâtiment d’anatomie, pour créer un pôle culturel mutualisé avec l’université Paris-Est au sein de l’ENV d’Alfort. « Nous avons un potentiel culturel immense, car nous sommes à la jonction homme-animal. »

Inutile de souligner l’importance,pourla profession, d’aider à la préservation de ce patrimoinequilameten valeur. Concrètement, un chantier de grande ampleur va avoir lieu à Alfort, qui verra la restauration complète du monument à la gloire de Bourgelat inauguré par le président Jules Grévy en 1879, pour le centenaire de la mort de l’instituteur. Cette restauration est financée, via la Fondation du patrimoine, par des vétérinaires et des amis de l’ENVA. Tous les confrères peuvent y contribuer.

• (1) Editions de la Réunion des musées nationaux, Paris, 2010, www.rmn.fr

  Voir aussi La Semaine Vétérinaire n° 1328 du 26/9/2008.