La maladie de Carré représente une menace supplémentaire pour le lynx ibérique - La Semaine Vétérinaire n° 1432 du 07/01/2011
La Semaine Vétérinaire n° 1432 du 07/01/2011

Epizootie

Formation continue

FAUNE SAUVAGE ET NAC

Auteur(s) : Marie Sigaud

Une campagne vaccinale massive enrayerait la contamination de ces félins.

Le lynx ibérique (Lynx pardinus) est le félin le plus menacé au monde. Moins de deux cents individus vivent encore en liberté au sein de leur aire de répartition naturelle, la péninsule ibérique. Ils sont classés en deux sous-populations, dans le parc national de Doñana au sud-ouest de l’Espagne, et dans les parcs naturels de Sierra de Ándujar et Cardeña. La destruction et la fragmentation de son habitat sont les principales causes de la raréfaction de ces félins. S’y ajoute la diminution de ses proies favorites, le lapin et le lièvre. De nombreux efforts de conservation sont déployés pour tenter de protéger les derniers représentants de cette espèce. Mais certaines menaces, telle que l’émergence d’un nouvel agent pathogène au sein de cette population grandement fragilisée, sont à redouter, car elles pourraient avoir des répercussions catastrophiques.

La maladie de Carré provoque des épizooties dévastatrices chez les carnivores sauvages

La maladie de Carré, également appelée Canine Distemper Virus (CDV), est causée par un virus à acide ribonucléique (ARN) monobrin appartenant au genre Morbillivirus (comme les virus responsables de la rougeole chez l’homme, ou de la peste des petits ruminants). Cet agent étiologique est responsable d’une des maladies virales les plus importantes chez les carnivores domestiques et sauvages. La transmission interspécifique existe. Elle est à l’origine d’épizooties majeures au sein de populations de carnivores sauvages menacées, comme celle survenue chez les lions du Serengeti (Tanzanie) à la fin des années 90. En Espagne, et plus largement en Europe, la maladie de Carré donne lieu à la mort de chiens et de furets. Le CDV a également été découvert chez des espèces sauvages, comme le renard roux ou la genette. Des analyses sérologiques l’ont aussi mis en évidence chez des loups et des chats.

En 2005, une femelle lynx a été trouvée morte dans le parc national Doñana. Des échantillons de sang, de fèces et des nœuds lymphatiques ont permis de mettre en cause le virus de la maladie de Carré.

Une prévalence de 15 % est découverte chez les lynx testés

Une équipe de chercheurs espagnole(1) s’est attachée à déterminer la prévalence du CDV chez les lynx ibériques et les autres carnivores sauvages de la région. Depuis 2003, des échantillons de sang et de fèces ont été collectés chez quatre-vingt-huit lynx ibériques dans le sud-ouest de l’Espagne. Ils ont été prélevés sur des animaux morts, ou capturés dans le cadre de programmes de conservation, ainsi que sur trente-quatre carnivores sauvages. Des anticorps dirigés contre le virus de la maladie de Carré ont été détectés chez près de 15 % des lynx étudiés, en particulier chez ceux de la région de Doñana. Le virus a également été isolé chez un renard roux et une martre, mais aucun des autres félins testés n’a été diagnostiqué positif.

Les analyses phylogénétiques effectuées par les scientifiques sur les souches virales isolées indiquent que les lynx et la martre positifs sont porteurs de la souche européenne de CDV, la même qui touche les populations canines et de carnivores locales.

La mise en évidence d’anticorps anti-CDV chez des lynx n’est pas une première. Des précédents existent chez le lynx canadien (Lynx canadensis), européen (Lynx lynx) et le lynx roux (Lynx rufus). Les autres espèces trouvées négatives, telles que la genette, le blaireau ou encore le chat forestier, suggèrent que ces animaux ne jouent pas un rôle important dans la transmission de la maladie au lynx ibérique. Cependant, des études supplémentaires, avec un effort d’échantillonnage plus important, sont nécessaires afin de vérifier cette hypothèse.

Les chercheurs proposent une vaccination des carnivores domestiques et des lynx

La transmission de Morbillivirus à des populations de carnivores sauvages menacés est susceptible d’avoir des répercussions catastrophiques, comme le montre l’exemple des lions du Serengeti, vraisemblablement contaminés par des chiens domestiques, ou encore l’épizootie chez les phoques du lac Baïkal et de la mer Caspienne.

Dans la réserve Doñana, les espèces domestiques pourraient jouer un rôle de réservoir pour cette maladie, sachant qu’il existe des villages alentour dans lesquels vivent des chiens et des chats. Pour minimiser ce risque, les chercheurs proposent une campagne de vaccination massive à destination des carnivores domestiques, à l’image de celle menée au Serengeti. Depuis cette dernière, aucun autre cas de CDV n’a été observé chez les lions et les hyènes. Toutefois, cette solution est à envisager avec précaution, car cela pourrait mener à une population de lynx naïfs vis-à-vis du virus. Idéalement, une vaccination orale des lynx eux-mêmes, avec un vaccin recombinant, devrait être envisagée.

La tuberculose guette aussi le lynx ibérique. L’affection due à Mycobacterium bovis est également présente dans le parc de Doñana. Elle a été découverte chez les ongulés sauvages en 2006. La mycobactérie a été découverte chez plus de 50 % des sangliers testés et près de 25 % des cervidés (cerf et chevreuil). Même si aucun cas n’est encore découvert chez le lynx, des mesures sont à envisager pour minimiser tout risque de contamination, comme le retrait de toutes carcasses suspectes dans l’aire de répartition des félins(2).

  • (1) M.L. Meli, P. Simmler, V. Cattori, F. Martinez, A. Vargas, F. Palomares, J.V Lopez-Bao., M.A. Simon, G. Lopez, L. Leon-Vizcaino, R. Hofmann-Lehmann, H. Lutz : « Importance of canine distemper virus (CDV) infection in free-ranging Iberian lynxes (Lynx pardinus) », Veterinary Microbiology, 2010.

  • (2) C. Gortazar, M-J. Torres, J. Vicente, M. Acevedo P.,Reglero, J. de la Fuente, J.J. Negro, J. Aznar-Martin : « Bovine tuberculosis in Donana biosphere reserve : the role of wild ungulates as disease reservoirs in the last iberian lynx strongholds », PlOs One, 2008, vol. 3, n° 7, e2776.

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