La lutte contre l’hypothermie concerne toute l’équipe - La Semaine Vétérinaire n° 1430 du 17/12/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1430 du 17/12/2010

Anesthésie et chirurgie canines et félines

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Philippe Zeltzman

Fonctions : diplomate de l’American College of Veterinary Surgeons, chirurgien itinérant dans la région d’Allentown, en Pennsylvanie (Etats-Unis)

La prise de conscience des effets délétères de l’hypothermie permet de mettre en œuvre des moyens simples pour maintenir la normothermie durant l’anesthésie.

Une température inférieure à 37 °C conduit à de nombreux effets délétères pour les animaux sous sédation ou anesthésie générale. Ainsi, cette hypothermie ralentit le métabolisme, réduit la transformation des médicaments anesthésiques, retarde le réveil, augmente le risque d’infection et ralentit la cicatrisation des plaies.

Vingt moyens simples permettent de traiter, voire de prévenir l’hypothermie durant, pendant et après une intervention chirurgicale, ou toute procédure sous anesthésie comme un détartrage.

Le combat commence dès la préparation de l’animal

1. Il est important de lutter contre l’hypothermie pendant la préparation de l’animal. Cette période critique commence dès le début de l’anesthésie et finit lors de l’incision cutanée. Cette phase peut être longue, car elle peut comporter de multiples étapes telles que l’intubation, le placement d’un cathéter intraveineux, le rasage, la prise de clichés radiographiques, le placement sur la table de chirurgie, la mise en place de l’électrocardiogramme et des autres appareils de surveillance de l’anesthésie, l’antisepsie cutanée.

Un moyen simple de combattre l’hypothermie pendant cette période est de coucher l’animal sur une couverture, et de recouvrir le plus de surface corporelle possible à l’aide de serviettes de bain.

2. Il convient de réduire au minimum nécessaire la quantité de produits utilisés pour le savonnage de la peau. L’antisepsie est, bien entendu, primordiale, mais déverser la bouteille sur l’animal est inutile. De même, mieux vaut éviter de verser des décilitres d’alcool sur les électrodes de l’électrocardiogramme (et donc la peau), puisque son évaporation fait perdre des calories, donc de la chaleur à l’animal. Une solution simple consiste à utiliser du gel pour échographie, qui ne s’évapore pas.

3. La durée totale de l’anesthésie devrait être réduite au strict nécessaire. En effet, selon une étude, chaque minute d’anesthésie accroît le risque d’infection de 0,5 % (voir bibliographie 1). Si le risque peut paraître faible, cela signifie pourtant que chaque heure d’anesthésie supplémentaire augmente le taux d’infection de 30 %. Il convient donc de diminuer le temps requis pour placer un cathéter intraveineux, prendre des clichés radiographiques, raser et préparer l’animal.

De multiples options durant l’intervention chirurgicale

4. La table de chirurgie devrait être recouverte d’une couverture pour éviter tout contact entre le métal (froid) et l’animal.

5. Ce dernier est placé sur une couverture chauffante à circulation d’eau chaude, elle-même couverte par un tissu afin de réduire le risque de brûlure cutanée.

6. Des poches à perfusion chaudes (strictement réservées à cet effet) peuvent être placées le long du corps ou près de gros vaisseaux (région inguinale ou axillaire). Elles sont à recouvrir par une serviette afin de diminuer le risque de brûlure de la peau.

7. Il est également possible d’utiliser une chaussette remplie de riz (cru) placée au four à micro-ondes, emballée aussi dans du tissu pour éviter les brûlures cutanées.

8. Des serviettes, du papier aluminium ou des chaussettes pour enfants peuvent être utilisés pour couvrir les extrémités des membres, riches en réseaux artérioveineux et particulièrement propices aux pertes caloriques (voir bibliographie 2).

9. L’extrémité du tube endotrachéal peut être placée entre deux poches à perfusion chaudes. Cela permet de réchauffer l’oxygène inhalé par l’animal. En effet, la température de l’oxygène comprimé est faible et affecte directement l’animal en raison de l’importante surface de contact des poumons.

10. Pour la même raison, il est bon de réduire le flot d’oxygène au minimum requis.

11. Au lieu d’un tube d’anesthésie “classique”, avec un tuyau pour l’arrivée du gaz anesthésique et un autre séparé pour les gaz exhalés, il est possible de recourir à un tube coaxial (typeF). L’avantage est que le gaz exhalé (chaud) réchauffe le gaz inhalé (froid).

12. Une couverture à air pulsé chaud peut être utilisée avant, pendant et après une opération. Elle est placée au-dessus ou en dessous de l’animal, selon le type d’intervention.

Réchauffer l’animal par l’intérieur lors de l’anesthésie

Toutes les techniques décrites peuvent ne pas être suffisantes pour maintenir la normothermie. Il peut donc être utile de savoir réchauffer l’animal “de l’intérieur”.

13. La poche à perfusion est généralement utilisée à température ambiante (environ 18 °C), parfois à grande vitesse, chez un animal dont la température corporelle avoisine les 38 °C. On comprend donc que la température corporelle puisse chuter. Les poches à perfusion sont réchauffées de différentes manières. Elles peuvent être conservées dans un incubateur maintenu à température corporelle. La tubulure de perfusion est, quant à elle, disposée sur la couvertu rechauffante ou enroulée autour d’une poche à perfusion (réservée à cet effet) réchauffée au four à micro-ondes. Quel que soit le système choisi, il est important que l’arrivée de liquide “réchauffé” soit la plus proche possible du cathéter, afin que la solution ait un contact minime avec l’air ambiant, ce qui refroidirait le fluide.

14. Du sérum physiologique tiède peut être employé pour rincer l’abdomen en cours ou en fin de laparotomie (entérotomie, péritonite septique, etc.). Tant que le liquide est à température corporelle ou un peu au-dessus, il peut provenir d’un incubateur ou du micro-ondes. Selon une étude récente, du liquide stérile à 43 °C versé dans l’abdomen permet d’augmenter la température corporelle de 34 à 36 °C en moyenne. L’inconvénient principal de cette méthode est qu’il faut laisser le liquide dans l’abdomen pendant deux à six minutes (voir bibliographie 3).

15. En cas d’hypothermie sévère, et plutôt lors d’exposition à des conditions extérieures glaciales qu’aux séquelles de l’anesthésie, il est possible d’injecter du liquide de perfusion chaud dans la vessie ou le rectum. Cependant, un “lavement” chaud signifie que la température rectale ne sera plus fiable. Il est bon alors de prévoir un thermomètre auriculaire pour continuer à surveiller la température corporelle.

Réchauffer l’animal même au moment du réveil

Malgré les meilleurs efforts, l’hypothermie semble parfois inévitable. Mais il est encore temps de lutter après l’anesthésie ou l’opération.

16. La température rectale est à vérifier toutes les trente minutes jusqu’à ce qu’elle soit normale. Une hyperthermie n’est pas souhaitable non plus, ce qui pourrait se produire facilement chez un chat ou un petit chien.

17. Il est possible de recourir aux lampes chauffantes comme celles utilisées pour les reptiles. Cela n’est à envisager que si la clinique dispose du personnel suffisant pour vérifier, toutes les cinq minutes, que des brûlures cutanées et/ou une hyperthermie ne se produisent pas. Il est alors prudent d’utiliser un minuteur : cinq minutes passent vite !

18. Une couverture chauffante, par circulation d’eau chaude ou à air pulsé, peut être déplacée de la salle de chirurgie à la cage de réveil. Idéalement, une couverture pour le bloc et une autre pour le chenil de réveil permettent de gagner du temps et d’éviter la contamination de la salle de chirurgie.

19. Des serviettes de bain ou des couvertures peuvent être passées au sèche-linge, avant d’en couvrir l’animal. Certains praticiens utilisent déjà cette méthode pour réchauffer les nouveau-nés après une césarienne.

20. Toutes les techniques déjà décrites peuvent en outre être combinées en phase postopératoire. Par exemple, il est possible de réchauffer le liquide de perfusion et d’utiliser une couverture chauffante.

L’expérience aidant, force est de constater que certaines techniques sont préférables à d’autres pour telle ou telle clinique. Chaque équipe aura tendance à préférer ses méthodes. En outre, il est important de s’adapter aux besoins de l’animal. Ainsi, il sera logiquement plus difficile d’assurer la normothermie d’un labrador “enrobé” que d’un chiot yorkshire maigre, affecté par un shunt hépatique qui sera traité à la faveur d’une la parotomie. A l’inverse, il sera plus facile de maintenir la température corporelle chez un chiot qui a besoin d’une extraction de dent de lait que chez un chien atteint d’une fracture complexe, réparée par une plaque visée. Il est donc judicieux de préparer son plan d’attaque avant même le début de l’intervention et d’avoir à sa disposition différentes options.

La lutte contre l’hypothermie devrait être une priorité pour l’équipe médicale avant, pendant et après toute procédure sous anesthésie ou chirurgie.

  • 1 – M.W. Beal et coll. : « The effects of perioperative hypothermia and the duration of anesthesia on postoperative wound infection rate in clean wounds : a retrospective study », Vet. Surgery, 2000, vol. 29, n° 2, pp. 123-127.
  • 2 –  L.W. Cabell et coll. : « The effects of active peripheral skin warming on perioperative hypothermia in dogs », Vet. Surgery, 1997, vol. 26, n° 2, pp. 79-85.
  • 3 –  M.A. Nawrocki et coll. : « The effects of heated and room-temperature abdominal lavage solutions on score body temperature in dogs undergoing celiotomy », JAAHA, 2005, vol. 41, n° 1, pp. 61-67.

Un petit test révélateur

Il est souvent instructif d’observer les animaux d’un œil critique lors d’une anesthésie et de se poser les questions suivantes :

– l’animal anesthésié repose-t-il sur une surface froide durant son traitement ?

– est-il recouvert d’une couverture ?

– attend-il posé sur la table (froide) de radiologie en attendant que le praticien se libère pour regarder les clichés ?

– est-il mince, très jeune ou très âgé ?

– l’auxiliaire est-elle particulièrement généreuse avec les solutions pour désinfecter la peau ?

– quelle est la température du liquide de perfusion ?

– l’animal est-il placé sur ou sous une couverture chauffante ?

Répondre à ces questions permet de voir l’hypothermie sous un nouvel angle et de mieux comprendre la problématique.

Ph. Z.

Les dix raisons du refroidissement

Comprendre comment les pertes caloriques se produisent permet de mettre en place diverses stratégies pour les éviter.

• Physiologique : l’anesthésie déprime l’hypothalamus, qui contrôle la thermorégulation.

• Physiologique : le liquide de perfusion à température ambiante (18 °C) est administré à un animal dont la température corporelle avoisine les 38 °C.

• Physiologique : la distribution de la chaleur corporelle est affectée par la vasoconstriction provoquée par l’anesthésie.

• Radiation : la chaleur est perdue par la surface corporelle.

• Convection : cela est dû à l’air froid ambiant.

• Conduction : par contact avec une table froide.

• Conduction : par contact avec la prise de terre métallique de l’électrocautère.

• Evaporation : de la chaleur se perd après l’utilisation d’alcool et de solutions pour savonner la peau.

• Evaporation : une laparotomie ou une thoracotomie favorisent les pertes caloriques.

• Evaporation : de la chaleur est aussi perdue lors de l’expiration.

Ph. Z.
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