Une sacculectomie précoce se révèle capitale - La Semaine Vétérinaire n° 1429 du 10/12/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1429 du 10/12/2010

Adénocarcinome des sacs anaux

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Philippe Zeltzman

La découverte de cette tumeur est associée dans la moitié des cas à des métastases au nœud lymphatique et dans un quart des cas à une hypercalcémie paranéoplasique.

Une chienne croisée berger allemand de neuf ans est présentée à la consultation de médecine interne pour anorexie et léthargie. L’examen général est normal.

La prise de sang ne révèle rien d’anormal, hormis une concentration en lipase élevée (450 UI/l ; intervalle de référence : 20 à 160 UI/l). L’échographie abdominale montre deux masses spléniques d’environ 1 cm de diamètre chacune (voir photo 1), et une taille anormale du nœud lymphatique lombo-aortique (voir photo 2).

Afin d’expliquer cette dernière anomalie, un examen rectal est réalisé : il révèle la présence d’une masse d’environ 2 cm de diamètre dans le sac anal droit. Une tumeur apocrine du sac anal (adénocarcinome) est donc suspectée, avec des métastases lymphatiques. La radiographie du thorax (trois incidences) ne montre pas de métastases pulmonaires.

Une double intervention est proposée au propriétaire : l’exérèse du sac anal droit d’une part, et une laparotomie exploratrice d’autre part. L’ablation du nœud lymphatique lombo-aortique semble ne pas améliorer le pronostic et la durée de vie, mais il est logique de le faire dans ce cas puisque la laparotomie est justifiée par la présence des masses spléniques.

L’animal est transféré au service de chirurgie. La laparotomie est réalisée en premier, puisqu’il s’agit d’une intervention dite “propre”. Une splénectomie est effectuée, puis le nœud lombo-aortique est retiré (voir photos 3 et 4). Après la fermeture classique de l’abdomen en plusieurs plans, les instruments de chirurgie sont changés, ainsi que les champs opératoires, la casaque et les gants.

Penser à une tumeur des sacs anaux lors de difficulté à déféquer

Une sacculectomie est réalisée en second (voir photo 5), puisqu’il s’agit d’une chirurgie dite “contaminée”. La masse est séparée délicatement du sphincter anal. Après le rinçage de la plaie, celle-ci est refermée en plusieurs plans. Seuls des points intradermiques sont utilisés, ce qui dispensera d’un retrait des points cutanés lors de la visite de contrôle dans quinze jours. La chienne, munie d’un carcan, est rendue à son propriétaire dès le lendemain. Le traitement postopératoire consiste en du tramadol(1) et du carprofène pendant sept jours, de l’amoxicilline et de l’acide clavulanique pendant cinq jours. En phase postopératoire, l’aliment est enrichi en fibres afin d’éviter une constipation.

La présentation de cette chienne est classique à de nombreux points de vue, puisque :

– jusqu’à 50 % des cas présentent des métastases au nœud lymphatique ;

– seulement 25 % des cas souffrent d’une hypercalcémie paranéoplasique.

Selon des études, il est suggéré que 90 % des adénocarcinomes des sacs anaux concernent des femelles âgées, mais des travaux récents indiquent qu’il n’y aurait pas de prédisposition de sexe.

Les deux symptômes courants lors de tumeur apocrine du sac anal sont une difficulté et une douleur lors de la défécation. Le diagnostic différentiel inclut des affections bénignes (engorgement, abcès, rupture, adénome, circumanalome, hernie périnéale, fistules périanales, etc.) et malignes (carcinome épidermoïde du sac anal, mélanome malin, etc.).

10 à 20 % des animaux présentent des métastases pulmonaires

Les tests diagnostiques préopératoires incluent une numération-formule et une biochimie sanguine. Il convient de prêter attention à la calcémie. L’hypercalcémie est due à la production de parathyroid hormone related peptide (PTH-rp). Elle doit être corrigée avant l’anesthésie et la chirurgie, à l’aide d’une diurèse au chlorure de sodium à 0,9 % ou d’injections de furosémide (2 mg/kg par voie intraveineuse deux fois par jour).

Le bilan d’extension à distance comprend la radiographie thoracique, car 10 à 20 % des animaux présentent des métastases lors de la consultation. Le bilan d’extension locorégional comprend la radiographie et/ou l’échographie abdominale. Le diagnostic de certitude est parfois corroboré par la cytoponction à l’aiguille fine. La biopsie incisionnelle conduit à un diagnostic de certitude. La biopsie excisionnelle fournit à la fois un diagnostic et un traitement.

Le positionnement de l’animal doit être soigné pour ne pas léser le nerf fémoral

Avant une sacculectomie, il est bon de se rappeler les structures importantes. Le sac anal est localisé entre le sphincter anal interne et le sphincter externe. Son exérèse crée donc immanquablement des lésions de ce muscle, surtout lors d’invasion locale par la tumeur. Il convient d’identifier et d’éviter de léser l’artère, la veine et le nerf honteux, ainsi que le nerf rectal caudal.

Administrer un lavement avant l’intervention est déconseillé, car la présence de selles liquides risque de contaminer le site chirurgical. Il est donc préférable de réaliser une vidange manuelle. Certains mettent en place une suture en bourse à la jonction muco-cutanée de l’anus. Cela risque néanmoins d’interférer avec la chirurgie si une partie de la muqueuse rectale doit être sacrifiée.

Mieux vaut être prudent lors du positionnement de l’animal en position périnéale pour ne pas léser le nerf fémoral. Une serviette de bain roulée est placée en région périnéale afin de protéger les membres postérieurs de l’angle de la table de chirurgie.

L’intervention peut être réalisée à l’aide d’un laser ou d’une lame de bistouri. L’utilisation de ciseaux iris permet une dissection minutieuse. Les complications principales sont l’infection et l’incontinence fécale. Cette dernière peut être temporaire ou permanente (si elle dure plus de quatre mois). Elle est due à une lésion du sphincter anal ou du nerf honteux ou rectal caudal.

Les métastases ganglionnaires n’influenceraient pas le pronostic

Le pronostic de l’adénocarcinome apocrine du sac anal est réservé. Diverses études indiquent une survie de six mois en moyenne lors de la présence de métastases, et de dix-huit mois en leur absence. La taille de la tumeur a une influence, puisque la survie médiane est de dix mois si elle est supérieure à 10 cm de diamètre. La survie médiane est de huit mois en cas d’hypercalcémie. En revanche, la présence de métastases au ganglion lymphatique lombo-aortique n’influencerait pas le pronostic.

Le suivi doit comprendre un examen général régulier, par exemple tous les deux à trois mois. Celui-ci inclut un examen rectal afin de détecter une récidive. La calcémie est à surveiller de près, étant donné le risque de lésions rénales.

L’intérêt de radiographies, voire d’échographies de contrôle, tient plus de la philosophie que d’une nécessité médicale. Il convient en effet de demander au propriétaire ce qu’il fera si des métastases pulmonaires ou hépatiques sont détectées six mois après la sacculectomie. Certains clients préfèrent se fier à la qualité de vie de leur chien.

Un examen rectal devrait faire partie de tout examen général

L’adénocarcinome apocrine du sac anal est donc une maladie au pronostic réservé. Celui-ci est indubitablement amélioré par un diagnostic et un traitement précoces. Il est important de garder cette possibilité à l’esprit lors de difficulté à la défécation, de polyuro-polydipsie, d’hypercalcémie, d’anorexie, de léthargie ou de symptômes frustes, surtout chez une chienne âgée. Un examen rectal devrait faire partie de tout examen général, quels que soient le sexe et l’âge de l’animal. Moyennant un traitement agressif (chirurgie, radiothérapie et/ou chimiothérapie), une survie acceptable peut être obtenue, avec une bonne qualité de vie.

  • (1) Utilisation hors AMM en France.

Diagnostic différentiel de l’hypercalcémie

L’hypercalcémie peut être définie comme une concentration sérique en calcium supérieure à 100 mg/l chez le chat et à 120 mg/l chez le chien.

L’hypercalcémie peut avoir de nombreuses origines, et il est important d’être méticuleux lors de la recherche de ses causes. Le diagnostic différentiel de l’hypercalcémie inclut :

– lymphosarcome ;

– tumeur apocrine du sac anal (adénocarcinome) ;

– myélome multiple ;

– certaines leucémies ;

– carcinomes divers ;

– métastases de tumeurs osseuses ;

– maladie d’Addison ;

– hyperparathyroïdie primaire ;

– insuffisance rénale aiguë ou chronique ;

– affections granulomateuses ;

– intoxication par la vitamine D ;

– ostéomyélite (bactérienne ou fongique) ;

– croissance ;

– erreur de prélèvement (lipémie, hémolyse) ;

– erreur de laboratoire.

Ph. Z.
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