SI JE N’ÉTAIS PAS VÉTÉRINAIRE, JE SERAIS… - La Semaine Vétérinaire n° 1429 du 10/12/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1429 du 10/12/2010

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Auteur(s) : Valentine Chamard

Ils sont deux mille six cents diplômés à déclarer, dans l’Annuaire Roy, « faire autre chose ». Les confrères qui ont changé de voie en témoignent : une réorientation, cela se prépare. Une trentaine de futurs ex-praticiens se sont ainsi donné rendez-vous, lors d’une journée organisée par le Groupe d’étude et de recherche en management (Germ) sur la reconversion(1), pour bénéficier de conseils avant ce changement de cap.

Ils sont psychologue, ébéniste, coach, chauffeur de taxi, décorateur, écrivain, directeur des ressources humaines, gérant d’une enseigne de fleuriste ou de sandwicherie, créateur de sites Internet, spationaute, enseignant, etc. Leur point commun ? Une formation qui ne les destinait pas à pratiquer leur métier actuel, puisqu’ils sont diplômés des écoles vétérinaires.

Il est difficile de chiffrer le nombre de vétérinaires qui « font autre chose ». En croisant les données de l’Ordre, de l’Annuaire Roy et de la Caisse autonome de retraites et de prévoyance des vétérinaires (CARPV), environ 30 % des diplômés ne seraient pas praticiens. Deux mille six cents sont classés dans la catégorie « autres » que « vétérinaire en activité » dans le Roy (mais nombre de ceux qui ont quitté la voie vétérinaire ne se déclarent plus dans l’annuaire). Selon les résultats d’un sondage(2), beaucoup de confrères envisagent cette possibilité, sans toutefois sauter le pas. En effet, à la question « pensez-vous quitter la clientèle pour changer d’activité ? », 20 % disent vouloir quitter la clientèle, mais en restant dans le domaine vétérinaire, 17 % souhaitent changer de domaine professionnel et 16 % n’envisagent pas d’arrêter, mais le regrettent.

La “crise du milieu de vie” s’accompagne d’un changement des motivations

Pourquoi cette envie de changement ? Difficile de généraliser, mais parmi les raisons les plus fréquemment invoquées figurent les exigences de la clientèle, le manque de reconnaissance, l’inadéquation entre l’idée du métier et les réalités de terrain, le rythme de travail, les contraintes administratives, la situation familiale, les revenus. Elle peut aussi être le fait d’une évolution des motivations selon les phases de l’existence. Ainsi, la “crise du milieu de vie” (ou “crise de la quarantaine”) est physiologique et correspond à un stade où l’on recherche le sens de sa vie et où l’on se recentre sur soi, explique notre confrère Gil Wittke, aujourd’hui psychologue social. C’est souvent à cette période qu’intervient la volonté de réorientation professionnelle.

Pour la société, un vétérinaire le reste toute sa vie

Si beaucoup y pensent, tous ne franchissent pas le pas. De nombreux freins psychologiques au changement existent : peur de l’inconnu, loi de l’homéostasie selon laquelle tout changement entraîne la mise en jeu de forces visant à rétablir l’équilibre, travail de deuil. Parmi les blocages personnels, il faut faire face à une certaine culpabilité à abandonner un métier qui fait rêver les autres et à la loyauté sociale (études coûteuses pour la société, appartenance à un corps professionnel, etc.), sans parler des messages subliminaux de notre expérience éducative (« un tiens vaut mieux que deux tu l’auras »). L’environnement est également une source de blocage : pression parentale, clichés véhiculés par la société (« vétérinaire c’est bien payé », « tout le monde rêve d’exercer ce métier », « il ne faut pas gâcher de longues études », etc.) « Il faut déculpabiliser, témoigne Christophe Lebis, qui a vendu sa clientèle et travaille aujourd’hui comme consultant web. Il est important de réaliser ses envies pour que son environnement soit heureux. » Face à ces pressions, un accompagnement est souvent utile. Le bilan de compétences, un outil dédié à l’étude d’un projet professionnel (voir encadré), s’inscrit dans ce cadre.

Pour être réussie, une réorientation se prépare

Les vétérinaires “reconvertis” s’accordent sur le fait qu’un changement professionnel doit se préparer et s’étend sur une période assez longue. « Il faut être bien dans sa tête, pour mûrir correctement son projet », « tout plaquer sur un coup de tête est la meilleure façon de reproduire les mêmes erreurs », « une reconversion ne doit pas être une fuite », témoignent certains d’entre eux.

Le bilan de compétences permet un travail sur soi pour éviter de se tromper. La réalisation de stages est un bon moyen de se rendre compte des réalités d’un métier. Cependant, il est difficile d’y avoir accès sans le statut d’étudiant, pour des questions d’assurances. Outre l’apport de connaissances, suivre une formation est ainsi un moyen pour obtenir un stage avec une convention de l’organisme de formation. Concernant l’obtention de nouveaux diplômes, les vétérinaires ont de nombreuses compétences communes et transférables. Il peut ainsi être judicieux, lorsque certains diplômes sont exigés pour exercer un métier, de déposer auprès d’organismes de formation des demandes de validation des acquis de l’expérience (VAE). A titre d’exemple, certaines universités accordent aux vétérinaires la validation d’un Deug de psychologie. L’acceptation d’une VAE par un centre de formation ne signifie cependant pas qu’un autre organisme l’acceptera. Il est donc conseillé de déposer des dossiers dans plusieurs centres.

Un financement peu pris en charge pour les libéraux

L’autre facteur qui doit être préparé et évalué est celui du financement, que ce soit pour payer des études ou pour compenser l’absence de revenus liés à la période de transition professionnelle. « Il ne faut pas oublier que les impôts se payent sur les revenus de l’année précédente », rappelle François Courouble, président de la CARPV.

Pour les salariés, une prise en charge des formations est envisageable (Opca-PL, Fongecif, Pôle emploi), mais pas toujours acceptée. « La structure vétérinaire peut éventuellement prendre en charge une formation, négociée lors de la rupture du contrat de travail », indique Vincent Dattée, de Vétos-Entraide. « Il peut être judicieux pour un libéral de passer au statut de salarié avant sa reconversion pour bénéficier de ces dispositifs », conseille une consœur. Un délai de carence est toutefois observé.

Pour les libéraux, « il n’y a pas de solution miracle », poursuit Vincent Dattée. Les organismes institutionnels (comme le Fonds interprofessionnel de formation des professionnels libéraux, le Fif-PL) ne placent pas les demandes de réorientation des vétérinaires parmi leurs priorités. Une prise en charge peut être accordée par la structure vétérinaire elle-même. Mais dans les faits, le financement est souvent issu du patrimoine.

Finalement, si certains font le grand saut (voir témoignages ci-contre), « des petits changements peuvent suffire à un mieux-être professionnel, tient à préciser Gil Wittke. Une simple réduction du temps de travail, une spécialisation dans une discipline vétérinaire constituent parfois un antidote au burn-out. »

  • (1) Source : « Réorientation ou reconversion : comment changer de profession ou évoluer quand on est vétérinaire ? », formation organisée par le Germ le 25/11/2010 à Maisons-Alfort.

  • (2) Sondage WK-Vet.fr, novembre 2007, auprès de 461 vétonautes.

Le bilan de compétences

Le bilan de compétences permet de faire le point sur ses aspirations personnelles, professionnelles, et sur ses aptitudes, afin d’établir un projet, le tout en adéquation avec le marché du travail. Il permet de dresser un plan d’action pour réaliser son projet professionnel. Composé d’entretiens individuels avec un psychologue du travail, de tests et de questionnaires pour apprendre à se connaître, d’enquêtes de terrain, etc., le bilan se déroule sur 18 à 24 heures dans un centre spécialisé (en 6 à 10 séances réparties sur 12 semaines au maximum). Il faut y ajouter autant de temps de travail personnel. Pour les salariés, il est pris en charge (Fongecif, Opca-PL, Pôle emploi, etc.). Pour les libéraux, la prise en charge est personnelle (765 € pour 17 heures, selon le témoignage d’une consœur). Le Fongecif recense tous les centres qui répondent à un cahier des charges, gage de sérieux. Il est conseillé de prendre rendez-vous dans trois ou quatre centres afin de trouver l’interlocuteur qui correspondra le mieux.

Toutefois, le bilan de compétences peut se révéler décevant pour les vétérinaires. « La problématique du praticien n’est pas qu’une question de compétences, explique Gil Wittke. Il évolue souvent dans un contexte d’idéal brisé, de remise en cause, de burn-out. » Les cabinets qui proposent de tels bilans sont davantage habitués à recevoir des personnes peu diplômées et ne comprennent pas forcément la démarche des vétérinaires. C’est en partie pour répondre à cette problématique qu’a été créé Evolpro (voir en page 43).

V. C.
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