Lors de piroplasmose, l’ictère est plus ou moins violent selon le parasite - La Semaine Vétérinaire n° 1429 du 10/12/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1429 du 10/12/2010

Hémoparasitoses des bovins

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Karim Adjou

Les babésioses qui sévissent en France métropolitaine et sur l’île de La Réunion ont une épidémiologie et une étiologie qui leur sont propres.

Les babésioses sont des maladies infectieuses, inoculables et non contagieuses des bovins dues à des sporozoaires du genre Babesia. Des différences entre les espèces de Babesia, observées entre la France métropolitaine et l’île de La Réunion, ainsi qu’au niveau de la diversité des vecteurs, contribuent à l’obtention de tableaux cliniques d’intensité variable entre ces deux zones géographiques.

Un seul parasite est responsable des piroplasmoses métropolitaines

Babesia divergens est un parasite intraérythrocytaire qui est majoritairement rencontré dans le sang périphérique des vertébrés parasités. Les inclusions érythrocytaires (mérozoïtes) peuvent prendre deux aspects : l’un dit “en anneau”, le plus souvent excentré, et l’autre “en poire”, où les mérozoïtes sont souvent groupés par deux selon un angle obtus, en périphérie de l’hématie. Les Babesia peuvent persister au minimum treize mois dans les organes des bovins infectés, qui jouent alors le rôle de réservoir.

L’aire de répartition se superpose à celle de son vecteur, la tique Ixodes ricinus, qui est présente dans une grande partie de l’Europe occidentale, ainsi qu’en Afrique du Nord. Celle-ci a un cycle triphasique télotrope, ce qui signifie que chaque stase (larve, nymphe et adulte) se gorge une seule fois et chacune sur un hôte différent. Le cycle de vie complet de la tique est long. Il dure environ trois ans dans les conditions climatiques françaises, alors que la période de vie parasitaire cumulée n’est que de treize à vingt-sept jours. Cette tique est particulièrement résistante au jeûne, au froid (diapause hivernale) et à la sécheresse.

Tous les stades de la vie de la tique peuvent être contaminants pour les bovins. En raison des possibilités de transmission transovarienne, puis transtadiale, les descendants d’une tique femelle contaminée deviennent des vecteurs de Babesia divergens. Ce mode de transmission chez la tique permet un maintien de l’infection pendant plusieurs années, même en l’absence de bovins contaminés. Les tiques contaminées jouent alors un rôle de réservoir.

Des babésioses tropicales à Babesia bigemina et Babesia bovis

Babesia bovis et Babesia bigemina sont des parasites exclusivement intraérythrocytaires. Leur cycle est dixène tique-bovin et se réalise avec des étapes comparables à celles de Babesia divergens. Chez le premier, les mérozoïtes sont de petite taille et souvent situés en position centrale de l’hématie. Peu présent dans le sang périphérique, il peut être abondant dans les capillaires des viscères. Les mérozoïtes du second sont de grande taille, polymorphes, souvent groupés par paires dans leur forme la plus typique (d’où le nom bigemina). Chez un animal guéri, l’infection peut persister deux à trois ans en l’absence de réinfection.

Boophilus microplus est un excellent vecteur biologique pour Babesia bigemina et le meilleur vecteur biologique de Babesia bovis. Cette tique africaine a été introduite à La Réunion lors d’importations de bovins de Madagascar et d’Afrique de l’Est pour les premiers peuplements bovins de l’île.

Son cycle est monoxène, les trois repas sanguins des trois stases successives se déroulent en général sur le même animal. La contamination de la tique se fait lors du repas sanguin de l’adulte. La femelle, gorgée et infectée, va pondre des œufs eux-mêmes infectés, car il y a transmission transovarienne. Les larves, puis les nymphes issues de ces œufs, seront elles aussi infectées, mais l’infection de la nymphe ne se poursuit pas chez l’adulte. Pour Babesia bigemina, les formes infestantes ont un tropisme salivaire uniquement chez la nymphe. C’est le seul stade contaminant pour le bovin. L’infection à Babesia bovis est plus précoce, car la production des formes infestantes a lieu dans les glandes salivaires de la larve.

Les signes cliniques sont dominés par l’anémie et l’ictère

La babésiose à Babesia divergens, appelée aussi piroplasmose, peut évoluer sur différents modes (suraigu, aigu, subaigu voire chronique).

La forme aiguë est la plus typique et la plus fréquente. Elle débute par une hyperthermie prononcée, souvent supérieure à 40 °C, accompagnée d’abattement, de polypnée et de tachycardie. S’ensuit un syndrome hémolytique d’apparition précoce (deux à trois jours) avec hémoglobinurie (urine brun foncé et mousseuse) et anémie, dues à la fois à l’éclatement des hématies et à des phénomènes immunitaires. Tout cela s’accompagne d’une diarrhée noirâtre profuse qui sort par jets au travers du sphincter anal spastique (pathognomonique). Au bout de cinq à six jours, un ictère est observé au niveau des conjonctives oculaires, des muqueuses buccales et vulvaires, ainsi que de la mamelle. L’hypogalactie est fréquente chez les vaches laitières. Cette forme peut être suivie de rechutes à symptomatologie identique, même en dehors de toute activité des tiques.

Une forme chronique peut se manifester d’emblée ou suivre la forme aiguë. Ses symptômes sont frustes : hyperthermie légère et fugace, troubles modérés de la rumination, hémoglobinurie inconstante qui peuvent la faire passer inaperçue.

La forme suraiguë est plus rare et intervient surtout chez des vaches laitières hautes productrices. Dans ce cas, la mort survient en vingt-quatre à quarante-huit heures avec des signes neurologiques (troubles de l’équilibre, torpeur, parésie des postérieurs).

Le sang apparaît pâle, poisseux et coagule mal. Il est pauvre en hématies (anémie régénérative avec un nombre d’hématies inférieur à 3 millions/mm3) et, sur les frottis sanguins, de nombreuses hématies sont parasitées par Babesia divergens. Le pronostic vital est bon en cas de détection précoce et de réponse thérapeutique adaptée. A l’autopsie, les manifestations de l’anémie ou de l’ictère sont visibles (carcasse pâle, muqueuses jaunes). Une hépatonéphrite sévère est constatée, avec un foie hypertrophié et décoloré, une stase biliaire importante, des reins foncés et hypertrophiés.

La babésiose à Babesia bigemina présente une symptomatologie comparable à celle décrite précédemment pour Babesia divergens, mais l’ictère est souvent plus précoce et plus marqué. Les signes digestifs sont moins pathognomoniques puisqu’ils alternent de la constipation et une diarrhée noirâtre. Un animal cliniquement guéri peut rester une non-valeur économique en raison de lésions hépatiques et rénales. Les rechutes sont fréquentes pendant six mois avec un tableau clinique qui s’atténue avec le temps. Cela permet l’installation d’une prémunition pendant tout le temps que persiste l’infection inapparente.

Babesia bovis produit une substance : la kinine. Cette molécule a des effets vasodilatateurs et hypotenseurs en même temps qu’elle augmente la perméabilité vasculaire. Par conséquent, la babésiose à Babesia bovis est surtout marquée par un syndrome de choc par stase sanguine. L’hémolyse est beaucoup moins marquée en raison de la faible parasitémie observée dans le sang circulant. La plupart des hématies parasitées sont séquestrées dans les capillaires profonds où elles s’agglutinent, provoquant des thromboses et des hémorragies. Ces phénomènes ont lieu majoritairement dans les reins, ce qui entraîne une glomérulonéphrite, ainsi que dans le cerveau, où ils génèrent des signes nerveux (ataxie, parésie, agressivité). Des formes suraiguës peuvent conduire à la mort de l’animal en moins de vingt-quatre heures. Les rechutes et la persistance de l’infection sont comparables à ce qui est observé avec les autres Babesia.

CONFÉRENCIER

Christophe Jammes, praticien au Tampon (La Réunion).

Article tiré de la conférence présentée lors du colloque sur les maladies vectorielles à Maisons-Alfort, le 1er avril 2009.

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