Le raisonnement économique prime dans la conduite sanitaire des élevages allaitants - La Semaine Vétérinaire n° 1428 du 03/12/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1428 du 03/12/2010

Bovins viande

Formation continue

RURALE

Auteur(s) : Serge Trouillet

Cinq facteurs ont une influence sur les frais vétérinaires, qui varient du simple au double selon la politique sanitaire de l’éleveur : traitements systématiques ou ciblés, élevage biologique ou vêlage en extérieur.

Selon l’Institut de l’élevage, les frais vétérinaires ont représenté dans l’élevage allaitant français, en 2008, près de 20 % des charges directes de l’atelier. Chez les éleveurs interrogés, ils ont atteint en moyenne 47 € par unité gros bétail (UGB), mais avec une forte variabilité entre les élevages. Aussi, pour tenter d’expliquer ces écarts, l’institut a mené, au début de cette année, une étude auprès de quatre cent soixante-treize éleveurs suivis dans le cadre de son dispositif Réseau d’élevage, autour des pratiques et des coûts. Marion Kentzel (animatrice des réseaux en région Aquitaine) et notre confrère Fatah Bendali (service “bien-être animal, santé, hygiène et traçabilité”) en ont présenté les résultats au Sommet de l’élevage de Clermont-Ferrand, en octobre dernier.

La diversité des systèmes d’élevage français est prise en compte

« Depuis trois ans, les éleveurs bovins viande français évoluent dans un contexte particulièrement difficile, caractérisé par une forte volatilité des prix des intrants combinée aux fluctuations des marchés, a expliqué Marion Kentzel. La maîtrise des coûts est au cœur de leur réflexion sur l’efficacité économique de leur système de production. Or, le poste sanitaire n’a cessé d’augmenter durant la dernière décennie à un rythme supérieur à l’évolution des indices de prix, la lutte contre la fièvre catarrhale ovine ayant accentué la tendance. Quand on sait à quel point l’état sanitaire d’un troupeau a des effets sur la production, qu’il s’agisse de la mortalité des veaux ou de l’altération des performances de croissance des animaux, il nous est apparu important de mettre en lumière la relation entre les pratiques sanitaires, les coûts et les résultats. Et cela, à travers un choix d’exploitations qui, par leurs dimensions et leurs performances, reflètent l’ensemble de la diversité des systèmes d’élevage allaitants français. »

Les frais vétérinaires sont constitués par le coût des visites, des analyses, des médicaments, des traitements antiparasitaires et des vaccins. Leur dispersion, d’un élevage à l’autre, ne dépend aucunement de la taille du troupeau ni du type d’atelier bovins viande. Pour un quart des éleveurs, la hausse des coûts est forte et peut résulter de problèmes sanitaires ponctuels. Un tiers d’entre eux l’attribuent aux conséquences de la fièvre catarrhale ovine, mais en majorité ils parviennent à contenir l’augmentation de ce poste de charges. Cependant, selon eux, ce qui a le plus augmenté et est responsable de la hausse des coûts vétérinaires, ce sont les médicaments et les analyses (38 %), devant les visites (24 %), les antiparasitaires (20 %) et la vaccination hors fièvre catarrhale (18 %).

L’état sanitaire du troupeau est un facteur déterminant

L’analyse a permis d’identifier cinq facteurs structurels qui influencent la composition et le niveau des frais vétérinaires, « sans qu’il soit possible de les hiérarchiser tellement ils interagissent », a précisé Marion Kentzel. Il s’agit du système d’élevage, de la race, de la stratégie de vaccination, de la gestion du parasitisme et de l’état sanitaire du troupeau. Ce dernier est évidemment un facteur individuel déterminant dans les charges vétérinaires engagées par l’exploitation.

Pour les systèmes d’élevage, ceux qui pratiquent l’agriculture biologique se distinguent nettement de leurs collègues. La priorité qu’ils donnent à la prévention et au suivi (antiparasitaires, visites) et les frais moindres liés au curatif ou à la vaccination se traduisent par des coûts globaux réduits de presque la moitié (25 €/UGB versus 47 € en conventionnel).

L’effet race, également, est indéniable. Les frais vétérinaires sont en moyenne plus élevés de 30 % pour les éleveurs des races charolaise et blonde d’Aquitaine. Les taux de vêlages difficiles respectifs de 9 % et de 7 %, versus 1 à 3 % pour les autres races, ainsi qu’une fréquence de maladies liées à la reproduction plus élevée que chez les limousines ou les races rustiques, entraînent un surcoût de dépenses de visites (60 %) et de médicaments (20 et 40 %). En outre, le coût induit par la stratégie du systématisme en matière de vaccination (67 %) et de traitement du parasitisme (83 %) n’est également pas neutre. Au total, elle gonfle la note des frais vétérinaires de 45 % par rapport à ceux qui ne la pratiquent pas, sans qu’un gain d’efficacité émerge de cette stratégie, « ni que l’on puisse d’ailleurs en conclure quoi que ce soit », s’est hâté d’ajouter Fatah Bendali.

Quid des affections des vaches, veaux, génisses et animaux à l’engrais ?

A quelles maladies les éleveurs déclarent-ils être confrontés ? Pour les vaches, il s’agit majoritairement d’affections liées à la reproduction : avortement (pour 7 % des élevages), métrite (8 %), non-délivrance (15 %), dystocie ou césarienne (16 %), etc. Les blondes d’Aquitaine (dans 54 % des élevages) et charolaises (52 %) sont davantage concernées que les limousines (44 %), les gasconnes (38 %) et les rustiques (32 %), mais dans 95 % des cas, cela n’affecte qu’une faible proportion des reproductrices du troupeau. Vient ensuite le parasitisme, essentiellement digestif (strongles, douves), qui touche un quart des élevages, tandis que les maladies infectieuses (mammites pour l’essentiel, infections du pied) en concernent 28 %, mais à travers quelques cas isolés dans le troupeau. Les troubles liés à l’alimentation affectent moins de 10 % des élevages.

Peu d’éleveurs sont épargnés par les affections néonatales des veaux. Les trois quarts d’entre eux rencontrent des problèmes de diarrhée, et plus de la moitié font face à des maladies respiratoires et ombilicales. Ces infections ne concernent en général que quelques individus, mais dans 10 % des cas, plus de la moitié des veaux de l’année sont atteints !

Les génisses ont plutôt des soucis parasitaires. Pour la moitié des éleveurs, en effet, les maladies les plus fréquentes sont en lien avec les parasites internes ou externes (62 % des affections citées), qui affectent l’ensemble de la cohorte dans un cas sur deux. Enfin, 60 % des naisseurs-engraisseurs n’observent aucune maladie chez leurs animaux à l’engrais. Parmi les autres, les infections respiratoires touchent un élevage sur deux et les maladies de type alimentaire (acidose), un sur trois.

Un objectif : maintenir la performance du troupeau

La mortalité des veaux constitue une préoccupation majeure pour 40 % des éleveurs. Le taux de mortalité globale, avant sevrage, le justifie : 9,6 % pour la charolaise (220 élevages dans l’échantillon), 9,7 % pour la blonde d’Aquitaine (70), 7,7 % pour la limousine (124) et respectivement 6, 5,4 et 4,6 pour la salers (17), la gasconne (10) et l’aubrac (11).

Les pratiques d’élevage, à cet égard, ne sont pas neutres. Chez un éleveur sur deux, la prévention des risques sanitaires pour les nouveau-nés est une démarche effective (surveillance des vêlages et de la prise de colostrum, allotement des veaux par classe d’âge). La désinfection des bâtiments, cependant, n’est pas encore répandue ! Par exemple, 92 % des box ne sont ni nettoyés ni désinfectés entre chaque vêlage.

Le vêlage en plein air induit, sur la mortalité des veaux, un avantage sans équivoque. Quand cette pratique passe de 0 à 100 %, la mortalité régresse de 10,7 à 6,6 %, les frais vétérinaires (en 2009) de 67 € à 33 €, les maladies respiratoires de 70 à 30 % avec un taux de morbidité qui passe de 18 à 3 %.

Pour la vaccination, l’objectif de toutes les stratégies, avec des résultats techniques équivalents, est de maintenir les performances du troupeau. Parmi les deux tiers qui ont choisi la vaccination systématique, certains éleveurs cherchent à diminuer la charge de travail liée au suivi des veaux malades. Pour autant, certains (12 %) déclarent vacciner les mères pour protéger les veaux contre les maladies respiratoires, même lorsqu’un tel protocole vaccinal n’est pas approprié. De même, en proportion équivalente, ils vaccinent contre les diarrhées à la naissance quand cette pratique n’est pas indiquée. Dans l’autre camp, ils ne se sentent pas exposés (64 %) et/ou cherchent à limiter les coûts (écart de 45 % entre les deux groupes). « Un fait est certain, a souligné Fatah Bendali, le lien entre la stratégie vaccinale et la taille des troupeaux est patent. 80 % des élevages de plus de cent vaches vaccinent systématiquement. Un effet psychologique d’assurance ? »

Des pratiques systématiques déconnectées des risques

Comme pour la vaccination, le traitement du parasitisme (strongles gastro-intestinaux et douve le plus fréquemment) est systématique pour 83 % des éleveurs, que le risque parasitaire soit avéré ou non. Les trois quarts d’entre eux utilisent un protocole identique chaque année, et les autres s’adaptent aux conditions de l’année. 10 % traitent de manière ciblée après observation et analyse de la situation et du niveau d’infestation avec le vétérinaire. Les autres ne traitent qu’en cas de soucis avérés (état des foies à l’abattoir, état des animaux, symptômes divers), lot par lot.

Dans la conduite du pâturage, les éleveurs mettent surtout l’accent sur l’allotement des génisses (74 %) et la limitation du surpâturage (59 %). Les règles qui concernent par exemple la rotation des pâtures, l’assainissement ou la limitation de l’accès des parcelles humides ne sont appliquées que par une minorité.

La stratégie du systématisme du traitement parasitaire a, bien entendu, un coût : plus de 9 €/UGB en moyenne. Les stratégies plus ciblées permettent de réduire ces frais de moitié tandis que, parallèlement, la fréquence d’apparition de maladies parasitaires chez les génisses ou les reproductrices est, dans ce cas, moins élevée que chez ceux qui reproduisent systématiquement leur protocole de traitement.

Une logique de simplification du travail et de facilité

Pour résumer, quatre grands groupes d’éleveurs se distinguent selon la typologie de leurs pratiques sanitaires :

– ils pratiquent l’agriculture biologique ;

– ils recourent aux vêlages en plein air ;

– ils sont adeptes du traitement systématique ;

– ils optent pour le traitement ciblé.

Les éleveurs du premier groupe ont les frais vétérinaires les plus faibles (20 €/UGB hors FCO) et plutôt moins de problèmes pathologiques. Chez eux, les bonnes pratiques d’élevage sont plutôt mieux appliquées que chez les autres.

Le deuxième groupe (30 €/UGB hors FCO) se caractérise par une fréquence de maladies respiratoires des veaux inférieure à la moyenne. Ils utilisent peu la vaccination pour protéger leurs veaux, privilégiant d’autres approches préventives, mais leur gestion du parasitisme relève du systématisme.

Dans le troisième groupe (50 €/UGB hors FCO), le plus important en effectif et qui regroupe la majorité des grands troupeaux, les éleveurs vaccinent systématiquement pour ne pas prendre de risques sur l’ensemble des veaux. Il en est de même avec la gestion du parasitisme, pour laquelle la démarche constitue une solution de facilité qui s’inscrit dans une logique de simplification du travail.

Pour les éleveurs aux pratiques sanitaires ciblées (25 €/UGB hors FCO), la stratégie est d’abord celle de l’économie des coûts. Pour autant, ils privilégient également la prévention des risques par une bonne conduite de troupeau et les interventions curatives lorsque c’est nécessaire.

Et les vétérinaires, dans ce panorama ? Pour 90 % des éleveurs, ils sont leurs interlocuteurs habituels pour les problématiques sanitaires. Ils leur apportent le conseil (85 %) et l’information (70 %), en lien avec les Groupements de défense sanitaire, auxquels la quasi-totalité des éleveurs adhèrent.

CONFÉRENCIERS

Marion Kentzel, animatrice des réseaux d’élevage en Aquitaine, Institut de l’élevage.

Fatah Bendali, vétérinaire, service “bien-être animal, santé, hygiène et traçabilité”, Institut de l’élevage.

Article rédigé d’après la conférence « Les pratiques sanitaires des éleveurs bovins viande », présentée au Sommet de l’élevage à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) le 7 octobre 2010.

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