La vie et la mort sont connectées dans notre cerveau

Qu’est-ce qu’un état non ordinaire de conscience ? Que se passe-t-il aux frontières de la mort dans notre cerveau ? Comment comprendre ce que décrivent ceux qui ont vécu cette expérience, alors qu’ils étaient dans le coma, quelles que soient leurs croyances et leur culture, quand ils racontent leur voyage vers la (ou une) lumière ? Toutes ces questions longtemps considérées comme hors du champ de la science, le psychiatre Stanislav Grof⁽¹⁾ se les pose depuis plus de cinquante ans. Et il a recueilli un nombre considérable de témoignages…

Des états de conscience non répertoriés par la psychiatrie classique

A l’origine, Stanislav Grof est médecin psychiatre et psychanalyste. Il fait le constat que la question de la mort n’est pas scientifiquement abordée. Pour les freudiens, l’inconscient refuse ou nie la mort. Pourtant, Freud s’est, à la fin de sa vie, intéressé à la mort, avec la notion de thanatos. Mais tout cela restait théorique.

Stanislav Grof a largement et patiemment travaillé sur les états modifiés de la conscience, donc développé une autre idée de la mort. Pour ce psychiatre, le gros des représentations de la mort décrites après un coma sont des expériences qui proviennent du niveau périnatal, qui est en connexion avec la mémoire de la naissance. Il rapporte de nombreuses situations traumatisantes vécues par des personnes mortes dans l’utérus maternel et qui ont dû être réanimées. Selon ses recherches, la vie et la mort ne sont pas déconnectées dans notre cerveau : « Dans notre inconscient, la naissance et la mort sont enregistrées ensemble car, dans le processus même de la naissance, nous faisons l’expérience d’une menace pour notre vie. On possède en soi l’expérience de naître et celle de mourir en même temps, ce qui peut paraître paradoxal pour l’hémisphère gauche de notre cerveau, pour la pensée logique, mais qui est avéré pour l’inconscient. »

Stanislav Grof est déçu par la psychanalyse et ses résultats et, plus généralement, par les thérapies du langage. Il s’intéresse aux états modifiés de conscience. Dans ces états, beaucoup d’expériences vécues se rapportent à la mort sous des formes variées (noyade, sensation d’étouffer, etc.). Dans la majorité des cas, explique-t-il, « ces expériences sont liées à la naissance quand la mort était présente ». Il cite l’exemple de personnes nées avec le cordon ombilical autour du cou. L’expérience d’émerger vers la lumière, dans un univers sacré, est à rapprocher de la sortie de l’utérus quand le cerveau enregistre la première sensation qui est justement celle de la lumière. Il met en place le concept d’un univers transpersonnel. Une partie de nous-même serait capable de s’identifier aux autres, voire à des espèces différentes. C’est en quelque sorte lié à ce que Jung appelle l’inconscient collectif.

Dans les expériences de mort, même les aveugles voient

Selon les études du médecin Karlis Osis sur les visions des mourants, relevées par le personnel médical auprès des victimes d’un arrêt cardiaque ou d’un accident de la route, ces personnes parlent d’un comité d’accueil, de visions de personnes décédées (famille et amis) qui viennent leur “faciliter” le passage, les accueillent en quelque sorte dans l’autre monde. Le fait d’avoir dans sa mémoire des êtres chers n’explique pas tout. Par exemple, parmi ce comité d’accueil, il y a parfois une personne que le patient sait vivante et qui lui annonce qu’elle est morte, ce qui est souvent le cas. Le processus compensatoire hallucinatoire ne saurait l’expliquer. Il s’est vraiment produit quelque chose de réel.

Stanislav Grof a fait lui-même, avec une aide chimique (drogue), de nombreuses expériences d’états modifiés de conscience. Il a tenté les expériences de “sortie du corps” qui permettent, au retour, de vérifier les faits. Ces états sont déjà décrits dans les livres anciens traditionnels comme le Livre des morts tibétain. Il s’agit d’un libre accès à tous les endroits du monde. Ce qui est stupéfiant, c’est que des aveugles qui ont fait ces expériences “voient”, avec une description validée par des personnes voyantes naturellement.

Ainsi, la recherche moderne ne fait que confirmer les descriptions de l’au-delà présentes dans les différentes mythologies. Toutes les traditions préparent à l’expérience de la mort/renaissance au travers de rites de passage. Pour le psychiatre Stanislav Grof, ce n’est pas seulement parce que nous savons que nous allons mourir que nous avons peur. C’est aussi parce que nous en avons eu un avant-goût avec la difficulté de naître.

• (1) Stanislav Grof : Quand l’impossible arrive, aventures dans les réalités non ordinaires, éditions Guy Trédaniel.