La chimiothérapie orale peut être envisagée - La Semaine Vétérinaire n° 1426 du 19/11/2010
La Semaine Vétérinaire n° 1426 du 19/11/2010

Mastocytome cutané canin

Formation continue

ANIMAUX DE COMPAGNIE

Auteur(s) : Didier Lanore

Fonctions : praticien à Plaisance du Touch (Haute-Garonne) et Bordeaux (Gironde), exercice exclusif en cancérologie.

Le chlorambucil et l’hydroxyurée, disponibles en pharmacopée humaine, présentent l’avantage de s’administrer par voie orale.

Le mastocytome cutané canin est une tumeur qui fait l’objet de publications régulières. De nombreuses études, le plus souvent d’origine anglo-saxonne, décrivent les résultats de chimiothérapies palliatives sur des tumeurs non opérées et permettent ainsi de juger de la réponse à un tel traitement, à la fois en qualité (pourcentage de réponses complètes, RC, ou partielles, RP, taux de réponse) et en durée (réponse médiane et éventuellement survie médiane), sur des durées de suivi relativement courtes (quelques mois). Deux articles récents décrivent les résultats ainsi observés avec des molécules anciennes, mais d’emploi récent dans cette indication : le chlorambucil (Chloraminophene®) et l’hydroxyurée (Hydrea®). Ces deux produits présentent l’avantage de s’administrer par voie orale.

Le chlorambucil permet un taux de réponse globale de 38 %

Vingt et un chiens, qui présentent un mastocytome cutané inopérable, font l’objet d’un traitement à base de chlorambucil et de corticoïdes(1). Le chlorambucil est employé à la dose de 5 mg/m2 tous les deux jours par voie orale. La prednisolone est prescrite initialement à la dose de 40 mg/m2, puis en doses dégressives pour atteindre la posologie finale de 20 mg/m2 tous les deux jours. Treize mastocytomes sont de grade III, six de grade II et deux sont diagnostiqués uniquement par cytologie sans être gradés. Le bilan d’extension locorégional est positif dans six cas (28 %) et aucune métastase systémique n’est détectée (absence de stade IV).

Un taux de réponse au traitement de 38 % est noté, avec trois réponses complètes et cinq partielles. La période médiane sans récidive est de cent seize jours (quatre mois) et la survie médiane de tout le groupe de cent quarante-trois jours. Aucune toxicité n’est observée pendant toute l’étude.

L’hydroxyurée est intéressante lors de cas récidivants ou difficiles

Une étude prospective(2) concerne quarante-six chiens atteints d’un mastocytome cutané mesurable non opéré (y compris des tumeurs opérables lorsque les propriétaires refusaient la chirurgie). Tous les animaux reçoivent de l’hydroxyurée à la dose initiale de 60 mg/kg/j par voie orale pendant quatorze jours, puis à 30 mg/kg/j (arrondis aux 125 mg les plus proches, les gélules de 500 mg ayant été reconditionnées à 125 mg par unité).

Les animaux traités correspondent le plus souvent à des cas lourds qui ont déjà fait l’objet de nombreux traitements. Par exemple, 80 % des chiens ont déjà subi au moins une intervention chirurgicale (jusqu’à cinq), 13 % une radiothérapie et tous un traitement médical (corticoïdes ou chimiothérapie). Pour la chimiothérapie, le nombre médian de drogues différentes utilisées est de trois (avec souvent vinblastine et lomustine). Il s’agit donc généralement de cas rebelles et l’hydroxyurée arrive alors en troisième ou quatrième ligne de traitement.

Vingt et un mastocytomes sont de grade III, vingt-deux de grade II et trois sont diagnostiqués uniquement par cytologie sans être gradés. Le bilan d’extension est positif dans 69 % des cas.

Le taux de réponse global est de 28 %, deux chiens (4 %) présentent une réponse complète et onze (24 %) une réponse partielle. La durée médiane de la réponse est de soixante jours et la survie médiane du lot traité de soixante-sept jours.

Les effets secondaires de ce protocole sont sévères sur le plan hématologique, avec des neutropénies (de grade 2 à 4 chez 17 % des chiens), des thrombopénies (de grade 4 dans 4 % des cas) et une anémie (de grade 3 ou 4 chez 15 % des animaux).

Les inhibiteurs de la tyrosine kinase sont à utiliser en priorité selon “la cascade”

Ces études, bien qu’intéressantes, peuvent faire l’objet d’un certain nombre de remarques. Seuls deux médicaments possèdent une autorisation de mise sur le marché (AMM) vétérinaire lors de mastocytome cutané de grades II ou III non opérables chez le chien. Il s’agit de deux inhibiteurs de la tyrosine kinase : le masitinib (Masivet®) et la tocéranibe (Palladia®). Le dispositif réglementaire de la “cascade” doit conduire à privilégier ces deux spécialités avant les médicaments humains.

Les mastocytomes sont en général opérables, contrairement aux cas de ces études

Les deux essais sont réalisés sur des tumeurs laissées en place, non opérées, dont la réponse au traitement peut être jugée rapidement de manière objective et mesurée, dans un délai moindre que lors de chimiothérapie adjuvante, dont la réponse n’est réellement appréciée que plusieurs années après l’intervention chirurgicale.

Dans la pratique courante, le plus souvent, les mastocytomes sont opérables et font donc l’objet d’une intervention, parfois même avec la connaissance histologique du mastocytome obtenue uniquement en phase postopératoire. Le praticien se trouve donc confronté à gérer le risque de métastase ou de récidive par l’utilisation de chimiothérapie adjuvante en période postopératoire.

Les résultats de ces études ne sont alors pas extrapolables à cette situation clinique et ne permettent pas de prédire la survie dans ces cas, donc de réaliser un choix réel et rationnel entre les différents protocoles.

La comparaison des différents protocoles est difficile, voire impossible

Les résultats des deux publications étudiées ne peuvent pas être comparés. Il n’est d’ailleurs pas possible non plus de les comparer à ceux des autres études publiées (voir tableaux), essentiellement en raison de l’absence de randomisation, de double aveugle et, surtout, du caractère concomitant des traitements les uns par rapport aux autres. En effet, les populations de mastocytomes prises en compte ne sont pas équivalentes.

La seconde étude montre des résultats inférieurs si on les considère uniquement de manière chiffrée, mais il est important de prendre en compte les différences histologiques (grade, marges, par exemple), de stade clinique (métastases ganglionnaires ou systémiques) et surtout les traitements antérieurs déjà effectués pour comparer de tels travaux. Ainsi, les chiens de la seconde étude sont des cas beaucoup plus difficiles à traiter, plus avancés et qui ont déjà fait l’objet de nombreux traitements. Tous ont reçu de la cortisone, 80 % ont déjà fait l’objet d’au moins une intervention chirurgicale (certains jusqu’à cinq opérations), respectivement 76 % et 74 % des chiens ont déjà été traités à la vinblastine et/ou à la lomustine (le nombre médian de drogues utilisées pour chaque cas avant inclusion est égal à trois).

A ce sujet, il est intéressant de noter que les seules études menées en double aveugle, avec randomisation contre placebo, sont celles des dossiers cliniques d’AMM des inhibiteurs de la tyrosine kinase, qui montrent des résultats parfois surprenants, en particulier dans les lots placebo. Ces résultats justifient pleinement la réalisation de travaux équivalents pour les différentes molécules de chimiothérapie. Par exemple, l’étude du masitinib a donné les valeurs suivantes pour le groupe placebo : taux de survie à deux ans de 15 % (en tenant compte des autres traitements après la phase placebo mis en place, radiothérapie par exemple), survie médiane du lot placebo de trois cent quarante jours, taux de réponse de 14,6 % à six mois (RP à 9,8 % et RC à 4,7 %), taux de meilleure réponse de 36 % avec 21 % de rémission clinique complète ! Il faut donc prendre ces études indépendantes comme des sources de renseignements sur l’intérêt éventuel de telle ou telle molécule de chimiothérapie, mais leurs résultats ne permettent en aucun cas de comparer, de manière rationnelle, les différentes spécialités entre elles.

La seconde étude a été menée dans cinq centres différents aux Etats-Unis, ce qui peut entraîner un biais dans l’évaluation des cas, mais a surtout permis de recruter un nombre de chiens suffisant pour obtenir des résultats statistiques. Il serait souhaitable et utile d’essayer de mener de telles études en France pour comparer, en double aveugle avec randomisation, par exemple, l’emploi en chimiothérapie adjuvante des deux principales molécules utilisées : la lomustine et la vinblastine.

Facilité de prescription et prix sont les avantages de l’utilisation des deux molécules

Les deux protocoles étudiés présentent le double avantage d’utiliser des molécules accessibles en pharmacie d’officine sur une simple ordonnance vétérinaire, et de s’administrer par voie orale. Le propriétaire peut donc réaliser lui-même le traitement à long terme, sans hospitalisation à la clinique. Le coût de ces traitements est également intéressant à prendre en compte, car ils font partie des protocoles peu onéreux. Cependant, la nouvelle législation ne doit pas être négligée dans ce domaine (voir article ci-dessous). Il est impératif d’informer le propriétaire sur les règles de prévention, aussi bien lors de l’administration du traitement qu’au moment du recueil et de la gestion des urines ou des fèces. Une lettre d’information doit être signée par le propriétaire et un double est conservé par le vétérinaire. Le praticien a la responsabilité d’informer son client et de faire respecter au maximum ces règles de protection dans de tels cas.

Des contrôles réguliers sont à réaliser lors d’utilisation d’hydroxyurée

L’hydroxyurée présente une toxicité médullaire marquée avec de nombreux épisodes de grade 2 à 4 concernant les trois lignées. Les résultats obtenus sur une population de chiens atteints de tumeurs agressives justifient pleinement ce risque, mais des contrôles hématologiques par numération-formule seront nécessaires pendant toute la durée du traitement, avec une vigilance particulière pour la lignée rouge.

  • (1) F. Taylor et coll. : « Chlorambucil and prednisolone chemotherapy for dogs with inoperable mast cell tumours : 21 cases », Journal of Small Animal Practice, 2009, vol. 50, pp. 284-289.

  • (2) K.M. Rassnick et coll. : « Phase II open-label study of single-agent hydroxyurea for treatment of mast cell tumours in dogs », Veterinary and Comparative Oncology, 2010, vol. 8, n° 2, pp. 103-111.

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